L’écroulement subit du bloc de l’Est
Après donc la fin du bloc de l’Est, le monde Occidental, le monde dit libre, fêta dans l’allégresse la victoire de ses valeurs sur celles de son rival historique, le bloc communiste de l’Est qui vient de perdre la bataille des valeurs. Le libre échangisme au plan économique, la démocratie pluraliste et les libertés d’opinion au niveau politique, ainsi que la séparation des pouvoirs au niveau juridique: voilà en gros le résumé des valeurs occidentales.
Le socialisme: le partage plus équitable des biens et services entre les membres de la société, au profit notamment des classes défavorisées par le système capitaliste. Ce qui pouvait être considéré comme une forme de démocratie sociale. Voilà le principe fondateur du socialisme.
La pauvreté et la misère de la classe ouvrière au début de l’émergence et de la domination de l’économie capitaliste expliquent en grande partie la polarisation des premières élites fondatrices du socialisme sur les questions d’ordre économique et social.
Il s’agissait d’abord de trouver des solutions urgentes aux problèmes combien pressants des grandes masses prolétariennes dans les premiers pays industrialisés du monde, notamment en Europe et en Amérique du nord. La question des libertés démocratiques n’avait peut-être pas pu bénéficier du même intérêt chez les théoriciens du nouveau système proposé pour remplacer le système capitaliste décrié à la fois comme sauvage et répressif.
Pourtant, il y a lieu de rappeler que la société capitaliste, tout au moins dans ses débuts, n’était nullement généreuse en matière de libertés publiques. Ce sera sous la forte pression de la revendication du nouveau système socialiste qu’elle avait engendré, qu’elle sera forcée à céder au fur et à mesure sur le terrain social et celui des libertés.
La naissance et le développement d’un mouvement revendicatif grandissant, tant au niveau politique que syndical, aura pour conséquence l’amélioration continue, d’une part, des conditions de vie et de travail du monde ouvrier en général, et d’autre part, l’amélioration de la vie publique au niveau des libertés fondamentales aussi bien politiques et syndicales qu’au niveau des libertés individuelles.
Raison pour laquelle, après l’écroulement du bloc socialiste et la victoire planétaire du système capitaliste, une inquiétude montante ne cesse de gagner les esprits de voir l’effondrement des conquêtes politiques et sociales gagnées de haute lutte auparavant. Comment éviter une telle fin dramatique ? Voilà la grande question du moment. Ce sera probablement le grand défi de la mondialisation.
Depuis l’écroulement du bloc de l’Est et la fin de la guerre froide comme conséquence, nous assistons à un recul continu des valeurs démocratiques dans le monde, notamment au niveau des grandes démocraties occidentales menacées de plus en plus par la montée des courants populistes d’extrême droite.
Cette tendance est favorisée par le reflux accéléré du mouvement syndical, accompagnant simultanément l’effondrement des partis de gauche. Les petites avancées démocratiques réalisées au même moment au niveau d’un grand nombre de pays du Tiers Monde ne cessent de s’éroder après l’appropriation des pouvoirs par des despotes locaux répressifs et dictatoriaux.
Si le socialisme cesse d’être un rêve, la démocratie, à son tour, tend à cesser d’être une alternative offrant un espoir pour des solutions aux problèmes cruciaux des larges masses populaires du monde contemporain. Contrairement au 20e Siècle, où les esprits étaient submergés par l’espoir et la confiance en l’avenir, ce début du 21e Siècle est malheureusement gagné de plus en plus par le pessimisme et l’incertitude du lendemain.
Tentatives d’émergence d’un printemps arabe
L’écroulement du système soviétique survint suite à de gigantesques manifestations de rue en Russie et dans les différents pays de l’Est européen qui pivotaient autour d’elle. Les manifestants réclamaient les têtes des gouvernants de l’ensemble de ces pays, ainsi que le changement radical de leur système socioéconomique. Aussi paradoxal que ça puisse paraitre, le capitalisme s’affichait comme alternative fiable aux régimes communistes usés et aux abois en Europe de l’Est. Autrement dit le capitalisme se présente comme alternative à un système qu’il avait lui-même engendré, le système socialiste dans son ensemble.
L’image des mêmes scènes, de la même liesse, des mêmes revendications, on les rencontrera plus tard dans les révolutions populaires du futur printemps arabe deux décennies après, au tout début de la deuxième décennie du troisième millénaire. On pourrait même se permettre de les comparer aux grands soulèvements populaires du temps de la révolution française de 1789, il y’a plus de deux siècles de cela et de la révolution russe soviétique du début du 20e siècle. Depuis la mi-2019, le même printemps arabe, revient de nouveau à la surface avec plus de vigueur, de vigilance et de détermination. Ses fossoyeurs avaient cru à un moment donné qu’ils avaient réussi à l’endiguer pour de bon. D’ailleurs un peu partout le monde entier est balayé par des mouvements pareils, une tendance stoppée brusquement par la pandémie du Covid-19.
Le slogan « DEGAGE ! » du premier printemps arabe demandant les têtes des gouvernements en place fut remplacé par un appel à se débarrasser de la classe politique traditionnelle avec l’ensemble de ses gouvernants et opposants, ainsi que ses références idéologiques et doctrinaires. C’est comme si une forme nouvelle de lutte de classe remplace une simple demande de changement de gouvernement ou de politique conjoncturelle. C’était avant l’irruption de Covid-19.
Des pays comme l’Algérie, l’Irak, le Liban et même le Soudan, des pays arabes épargnés par la première vague du premier printemps arabe, vont vivre quelque temps après une impasse totale devant ce niveau élevé et inédit de revendications. Un impérialisme dominant comme l’impérialisme américain et des sous-impérialismes « émergeants » comme l’expansionnisme iranien ou turc, sont dénoncés et pointés du doigt comme principales sources aujourd’hui des malheurs du monde arabe.
La pax americana
La première guerre du golfe, au début de la dernière décennie du 20e siècle, inspira le célèbre écrivain égyptien Hassanine Haeckel. Il avait écrit un livre resté célèbre sous le titre « la guerre du golfe ». Dans son introduction il considérait que les Américains (les USA), qui étaient à l’origine de cette guerre, étaient désormais seuls maîtres à bord pour agir comme bon leur semble après la disparition du bloc de l’Est.
Il disait qu’habituellement pour impliquer tout le monde derrière eux dans leurs aventures guerrières, ils créent de toutes pièces des concepts sous formes de slogans à répéter et à dispatcher en permanence par les médiats du monde entier.
La presse occidentale, réputée pourtant pour son souci d’objectivité, fut, à plusieurs reprises embrigadée et entrainée par je ne sais quelles forces ou moyens occultes dans des campagnes plus que douteuses. Au temps de la guerre froide, il était logique qu’elle défende les valeurs et les politiques de l’occident libéral et prône l’antitotalitarisme. Même l’exagération outrancière était permise.
Après cette période, nous avions vécu plusieurs exemples qui semaient de sérieux doutes dans la ligne indépendante affichée par de grands organes de la presse écrite, des stations radio et des chaines de télévision jugés habituellement crédibles. A titre d’exemple nous nous souvenions de la large couverture médiatique du lynchage et de l’exécution sans procès du président roumain Nicolas Ceausescu et sa femme sur le bord d’un sentier.
On se rappelle également du climat de désinformation créé de toutes pièces autour de la personne de Saddam Hussein en vue de le rayer de la carte par des moyens machiavéliques quitte à détruire le grand peuple d’Irak et le noyer pour de bon dans un champ de ruines, de sang et de désolation. Malheureusement, l’ancien chef d’Etat Irakien n’avait rien compris au jeu des forces du mal. Il s’était laissé piéger pour finir par fournir à ses ennemis les conditions les meilleures pour sa propre destruction, lui, son pays et sa nation.
L’autre revers de la démocratie
Jusqu’à maintenant je n’arrive pas à effacer de mon esprit l’insupportable image de la destruction et du pillage du musée millénaire de Bagdad après l’entrée «triomphale » des forces américaines dans la capitale irakienne. Aucune mesure visant à arrêter la mise à sac de ce véritable trésor culturel de l’humanité ne fut prise par les impitoyables envahisseurs. Certains soldats yankees observaient la scène avec une approbation à peine voilée. Pourtant au temps où les pays occidentaux trouvaient leur compte dans les deux personnages, Saddam Hossein et Nicolas Ceausescu, ils étaient, tous les deux, comblés d’éloges et de compliments. L’étiquette de dictateur n’avait jamais été collée à aucun d’eux avant qu’il ne soit stigmatisé et ciblé comme ennemi public (number one) à abattre. Dans ce genre de désinformation, de « fakenews », comme on dit aujourd’hui, à l’ère de Trump, l’éminent écrivain égyptien Hassanine Haeckel cite des exemples:
« La politique des petits pas », au temps de l’ancien secrétaire d’Etat Henry Kissinger dans les années 1970 comme approche de solution au problème du Moyen Orient. Au temps de la première guerre du golfe, doublée de la fin du système Soviétique, la machine de propagande américaine accoucha du fameux slogan: « le Nouvel Ordre International ».
On se tracassait pour donner l’impression, faute de pouvoir entièrement convaincre, qu’un Ordre International véritablement nouveau était en train de naître sur les ruines du système soviétique. C’était en ce moment que l’écrivain américain d’origine japonaise Francis Fukuyama publia: « la fin de l’histoire et le dernier homme ». Celui-ci prévoyait, qu’après l’écroulement du système soviétique, la victoire des valeurs occidentales sera définitive et durable.
Son titre collait mieux à ce moment. Depuis que, comme conséquence à notre propre pollution humaine, notre planète « terre » est menacée dans son existence d’espace propice à la vie de l’homme, d’ailleurs à toute vie, « la fin de l’histoire », n’est jamais plus actuelle et probable que maintenant. Je crains que « le dernier homme » n’aurait pas le temps de témoigner sur cette fin plus que dramatique. A moins qu’il réussisse à émigrer ailleurs à temps pour observer le phénomène à partir d’un point d’observation situé sur un autre corps extérieur à notre, éventuellement, regrettée «terre ».
En réalité l’histoire n’a jamais cessé de finir et de recommencer. Dans ses péripéties, chaque grand tournant, fut toujours interprété par certains comme définitif, comme «la fin de l’histoire » ou le début d’une autre. Au cours de la révolution française le calendrier chrétien fut remplacé par un nouveau, débutant par « l’an un » de la révolution. Rappelons-nous K. Marx dans: « le 18 brumaire de Louis Bonaparte ». Après la révolution soviétique on avait envisagé la même chose.
Tout dernièrement encore, les auteurs des coups d’Etat, civils ou militaires, souvent les deux imbriqués, en Afrique et ailleurs, pensaient à chaque fois établir un nouveau calendrier de l’histoire à partir de leur accession au pouvoir. Pour eux tout est mauvais avant eux et tout est excellent et de surcroit durable depuis qu’ils possédaient les rênes du pouvoir. Marx disait que: « Généralement l’histoire ne se répète pas ». Mais s’il arrive qu’elle se répète: « La première est une tragédie et la seconde sera une farce ». Les deux formules se succèdent partout aujourd’hui.
L’illusion d’un nouvel ordre international
A mon niveau, je faillis croire à l’avènement d’un Nouvel Ordre International, brillamment orchestré devant les yeux du monde entier. J’étais aussi emporté par le même enthousiasme que les millions de manifestants de l’Europe de l’Est. Pour moi, il fallait tout simplement accompagner le changement dicté par l’histoire. « Seule la vérité est révolutionnaire » disait Lénine. « La vérité est celle imposée par le temps»…, disait en termes plus éloquents, le poète Ahmedou Ould Abdelkader.
C’est ce que j’avais rappelé à d’anciens camarades de lutte qui n’arrivaient pas à digérer les raisons de mon soutien à ce qui se déroulait à l’époque dans cette partie du monde. Des événements qui ébranlaient de fond en comble nos profondes convictions dans la décennie qui avait suivi mai 68. Une fois, à la même époque, emporté par le courant général, dans un entrefilet dans un journal indépendant, j’avais essayé de décrire l’image du nouveau monde qui s’affichait devant moi. Un monde que j’imaginais sous l’égide des Etats Unis.
J’y avais indiqué que l’organisation des Nations Unies avait échoué dans son objectif ultime de réunifier les nations du monde sous la même bannière, de préférence de façon volontaire. J’y exprimais l’illusion que, dans les conditions nouvelles, ce rôle serait probablement accompli par les Etats Unis d’Amérique (USA), en usant de tous les moyens y compris la force, considérant qu’il n’existait plus en ce moment d’adversaire capable de leur résister.
On assisterait donc à la conquête du monde par les Etats Unis pour englober tous les Etats de la planète au sein de leur propre système. Ainsi il serait bientôt possible de voir la naissance des Etats Unis du Monde ou (Les Etats Unis du Monde ou United States of the World). Ce serait « un monde unidimensionnel ». Et ainsi le temps donnera raison à Maxime Robinson, l’auteur d’un livre, resté célèbre, paru juste après la fin de la deuxième guerre mondiale portant le titre: « le monde unidimensionnel ». Aujourd’hui, il faut reconnaitre, qu’à l’époque, je n’avais pas compris grand-chose au livre de M. Robinson: « le monde unidimensionnel ». Pourtant, aux USA de l’époque, ma conviction était qu’on pensait exactement comme moi.
Aujourd’hui, à l’ère de Trump et du trumpisme, les USA affichant de nouveau les mêmes ambitions hégémoniques. Un facteur de taille les y encourage: le déclin, apparemment irréversible de l’Europe. Un deuxième facteur non négligeable les handicape: la montée vertigineuse de la puissance chinoise(RPC).
Un ensemble de phénomènes dont l’évolution mérite d’être suivie avec plus d’attention, de prudence aussi. A moins que l’humanité ne réussisse pas à survivre aux ravages en cours provoqués par un minuscule virus du nom de coronavirus ou Covid-19.
A suivre