La machine judiciaire s’est mise en branle pendant plus de 7 mois à partir d’août 2020 pour conduire une enquête préliminaire sur ce dossier. De nombreux OPJ sous la supervision d’un procureur ont mené des enquetes, révélé des indices probants et procédé à des saisies de biens publics impressionnants ainsi que le blocage de comptes bancaires. Pour un montant estimé à 29 milliards d’ouguiyas anciennes.
Ce travail acharné fait d’enquêtes, de confrontations, de visites sur le terrain ont abouti en mars 2021 à l’inculpation, ou mise en examen, du principal suspect et de 13 autres personnes, en particulier des membres de gouvernements, ainsi que des proches de l’ancien président. Pour des chefs d’accusation de corruption, blanchiment, traffic d’influence, détournement et dissipation de biens publics, etc.
Sur un autre plan plus instructif et que beaucoup méconnaissent au sujet du dossier de la décennie. Je citerai la spécificité de la procédure pénale. Les preuves dont tout le monde parle. Ne sont jamais fournies à la presse. Elles sont méticuleusement gardées. Et ne sont pas non plus révélées au grand public. Sur quelles bases alors certains observateurs prétendent-ils qu’il n’existe pas de preuves de l’inculpation de Mohamed Abdel Aziz ? Personne ne connaît la teneur du dossier en possession de la justice.
Toutes les preuves accumulées sont du domaine du SECRET DE L’INSTRUCTION. C’est un principe général de droit applicable partout. Surtout dans les démocraties occidentales. Et auquel notre législation hérite dans le bon sens.
Un autre point capital est hélas souvent ignoré. La procédure pénale diffère formellement de la procedure civile basée uniquement sur des preuves. Cette procédure civile est dite accusatoire. Contrairement à la procédure pénale. Qui est de type inquisitorial, venant de l’inquisition. Elle est conduite sous l’autorité des juges du pôle de l’instruction ayant toutes les cartes en main. Bénéficient de larges pouvoirs et peuvent inculper sur la base, non pas de preuves accablantes, mais d’un faisceau d’indices graves et concordants de nature à mettre en cause le suspect. Autrement dit, ce qui en dernier ressort guide le juge, c’est non pas forcément des preuves, le grand banditisme étant habitué à masquer souvent les traces pouvant lui porter préjudice, mais ce que l’on désigne par « l’INTIME CONVICTION DU JUGE ». C’est cette assurance, plus que la matérialité des preuves, qui lui sert parfois de support pour condamner, lors d’un procès public et contradictoire un suspect déjà inculpé.
Béchir Fall.
Juriste de formation