Les manifestations de l’action de l’homme sur l’environnement, telles que décrites par le Nobel, ont marqué aussi bien le siècle passé que celui que nous vivons, certes sous des formes variées, mais aux conséquences aussi dramatiques les unes que les autres.
C’est en 1959 au Japon, qu’a lieu le premier accident chimique dans la baie de Minamata dont les habitants sont intoxiqués par les poissons et les produits de la mer qui avaient fixé le mercure rejeté par les industries environnantes.
Il s’en suivra des malformations sur la population des nouveaux-nés ; en 1976, un nuage de plusieurs kilogrammes de dioxine s’échappe d’une usine proche de la ville de Seveso, en Italie, avec pour conséquence immédiate l’abattage de 70000 têtes de bétail, et le déplacement des habitants du village contaminé ; en 1984, un accident industriel à Bhopal, dans l’usine de pesticides « Union carbide » provoque la mort de plus de 2800 personnes en raison de la propagation d’un nuage de produits chimiques sur de larges étendues ; en 1986, on assiste à une très grave pollution des eaux du Rhin provoquée par des tonnes d’eau déversées dans le fleuve, après avoir servi à éteindre un incendie survenu dans l’usine de produits chimiques Sandoz (insecticides, pesticides et mercure) ; en 2001, l’explosion d’un hangar dans l’usine AZF de Toulouse, va entraîner la propagation de plus de 300 tonnes de nitrate d’ammonium causant la mort d’une trentaine de personnes.
Les catastrophes de Tchernobyl, en 1986, et de Fukushima en 2011, n’en finissent pas de nous interpeller sur les risques liés aux activités nucléaires, et le peu de moyens à notre disposition pour y faire face.
Il serait également utile pour compléter ce tableau sombre que nous renvoie notre action sur l’environnement, de rappeler les marées noires dues aux naufrages du Torrey Canyon au large de la Cornouaille en 1967, de l’Amoco Cadiz au large de la Bretagne en 1978, de l’Exxon Valdez en 1989 au Sud de l’Alaska, l’Erika en 1999, le Prestige au large de l’ Espagne en 2002, sans oublier l’explosion sur la plateforme pétrolière Deepwater dans le Golfe du Mexique en 2010.
Toutes ces catastrophes, outre leurs coûts en vies humaines, sont le pendant de crises écologiques durables : contamination des eaux par de nombreux polluants, contamination des sols par excès de pesticides, pluies acides détruisant les forêts, prolifération de déchets d’une toxicité élevée, rejet de gaz carbonique intensifiant l’effet de serre, trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, réchauffement climatique, déforestation, désertification, érosion et salinisation des sols…
C’est en 1972, lors de la Convention de Stockholm, marquant le premier Sommet de la Terre organisé dans le cadre des Nations Unies que les Etats vont proclamer leur attachement au respect de l’environnement dans leur politique d’exploitation des ressources et leur volonté de limiter les atteintes à la nature qu’ils peuvent occasionner, en reconnaissant dans le préambule de la Déclaration rédigée à cet effet : « Nous sommes à un moment de l’histoire où nous devons orienter nos actions dans le monde entier en songeant davantage à leurs répercussions sur l’environnement.
Nous pouvons par ignorance ou par négligence causer des dommages considérables et irréversibles à l’environnement terrestre dont dépendent notre vie et notre bien-être » …………………….. « La protection et l’amélioration de l’environnement est une question d’importance majeure qui affecte le bien-être des populations et le développement économique dans le monde entier ; elle correspond au vœu ardent des peuples du monde entier et constitue un devoir pour tous les gouvernants ».
La Déclaration de Stockholm énonce vingt-six principes (26) qui s’articulent autour de la nécessité de protéger les ressources naturelles pour les générations futures (principes 1 à 2), la lutte contre la pollution (principes 6 à 7), la promotion d’un développement économique respectueux de l’environnement (principes 4 à13) , la promotion d’une coopération entre les pays développés et les pays en voie de développement (principes 9 à 20), l’assistance technique et financière aux pays en voie de développement (principe 11) , la prévention des dommages à l’environnement (principe 21).
Il faut cependant attendre 1986, pour que l’Organisation Mondiale de la Santé vienne mettre en évidence les liens profonds entre l’environnement et la santé humaine, en énonçant dans la Charte d’Ottawa: « L’évaluation systématique des effets sur la santé d’un environnement en évolution rapide, notamment dans les domaines de la technologie, du travail, de l’énergie et de l’urbanisation est indispensable et doit être suivie d’une action garantissant le caractère positif de ces effets sur la santé publique.
La protection des milieux naturels et des espaces construits ainsi que la conservation des ressources naturelles doivent être prises en compte dans toute stratégie de promotion de la santé ».
Quelques années plus tard, en 1998, l’Organisation Mondiale de la Santé revient à la charge, pour dénoncer une épidémie mondiale de maladies chroniques dont les « facteurs environnementaux au sens large, ont été identifiés comme l’une des causes majeures ».
La protection de l’environnement en vue d’asseoir la lutte contre les épidémies que peut engendrer sa dégradation va peu à peu se tailler une place au niveau des législations nationales et au-delà ; il est significatif à cet égard d’évoquer le dernier rapport de l’Agence européenne de l’environnement désignant parmi les trois domaines clés pour atteindre la vision 2050, la question de « la protection des personnes contre les risques sanitaires liés à la pollution de l’environnement ».
C’est donc sur le plan international que va d’abord se construire le droit de l’environnement, ce qui s’explique par le caractère global des risques encourus, mais il va peu à peu se décliner sur les sphères nationales, s’affirmant comme une nouvelle branche du droit qui s’articule autour des deux piliers de l’environnement que sont la protection de la nature et la lutte contre les nuisances, agrégeant de la sorte plusieurs disciplines juridiques, toutes en relation avec l’action de l’homme sur la nature, comme le droit rural, le droit minier, le droit de l’urbanisme, le droit de l’aménagement du territoire, le droit de l’énergie.
Le droit de l’environnement apparaît alors comme une véritable discipline transversale, mais son interaction avec le droit de l’urbanisme mérite toutefois une mention spéciale, le propre de ce dernier étant d’intégrer des études d’impact dans les projets d’aménagement des territoires pour une meilleure préservation des milieux naturels, de la qualité de l’air, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité , des écosystèmes, des espaces verts, ainsi que la création , la préservation, la remise en bon état des continuités écologiques, l’amélioration des performances énergétiques, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques miniers, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature. (A suivre)
Par Maître Taleb Khyar Ould Mohamed Mouloud
Avocat à la Cour
Ancien membre du Conseil de l’Ordre