* La nouvelle stratégie de domination chinoise repose sur la maîtrise des relais asiatiques pour l’accès aux mers, en poussant dans son giron les pays voisins
* Le monde arabe ne devra nullement céder les clés de l’influence chinoise au Moyen-Orient à l’Iran
Dans son récent essai intitulé « A new silk road : India, China, and the geopolitics of Asia », le politologue indien Kingshuk Nag reprend la thèse en vogue sur la nouvelle suprématie chinoise dans le contexte géopolitique international et ses répercussions négatives sur les intérêts stratégiques indiens.
Selon Nag, par les nouvelles routes de la soie, la Chine contournerait les barrières géographiques et stratégiques qui l’isolait du cœur de l’économie mondiale moderne en Europe, en lui permettant de renouer avec son rôle primordial dans les échanges internationaux quand elle exportait jadis au vieux continent de la soie, de la poudre à canon et le papier avant l’essor européen moderne.
La nouvelle stratégie de domination chinoise repose sur la maîtrise des relais asiatiques pour l’accès aux mers, en poussant dans son giron les pays voisins (le Sri Lanka, Birmanie, Thaïlande, Maldives). Le Pakistan constitue un pôle central dans cette quête de domination, un corridor économique relie les deux pays, allant de la province de Kinjiang au port de Gwadar sur la mer d’Oman, à travers l’Himalaya et le Cachemire.
Ce corridor stratégique est la clé d’accès de la Chine au Moyen-Orient et à l’Asie centrale.
La dernière visite du ministre des affaires étrangères chinois Wang Yi dans les pays de la région s’inscrit dans cette ambition stratégique, qui a été illustrée également par l’accord de partenariat qui venait d’être signé avec l’Iran. La politique de rapprochement avec les pays du Moyen-Orient ne peut-être réduite à cet accord surmédiatisé avec l’Iran qui répond à un souci tactique de communication conflictuelle avec les États-Unis. L’enjeu majeur pour la Chine est de partager avec l’Amérique l’influence et la présence active dans le grand espace moyen-oriental qui est le maillon le plus vital dans l’Asie occidentale.
Cette visée stratégique se fonde sur deux axes primordiaux : la mise en place d’un système monétaire indépendant de la zone de dollar américain par l’internationalisation de la monnaie chinoise et la maîtrise de la haute technologie (Intelligence artificielle technologie spatiale et biotechnologie) qui déterminera le statut du futur leadership mondial.
‘’Le monolithisme idéologique et le centralisme institutionnel, qui étaient considérés les marques de faiblesse et de fragilité du système politique chinois, ont été magnifiés et rehaussés au rang des valeurs universelles’’
La Chine, qui se targue d’avoir vaincu le virus de covid-19 et a même imposé au reste du monde sa stratégie d’endiguement de la pandémie (confinement, traçage numérique, distanciation sociale…), vante aujourd’hui son modèle de gouvernance et de développement qui aurait résisté à l’une des pires crises sanitaires et économiques mondiales.
Le monolithisme idéologique et le centralisme institutionnel, qui étaient considérés les marques de faiblesse et de fragilité du système politique chinois, ont été magnifiés et rehaussés au rang des valeurs universelles.
« Le capitalisme de surveillance » (Shoshana Zuboff) est présenté comme stade ultime du libéralisme économique mondial, « le contrôle biopolitique » comme norme de pouvoir transcendant l’antagonisme idéologique et les formes de pouvoir.
L’écrivain et homme politique singapourien Kishore Mahbubani dans son livre « Has China won ? » déclare haut et fort que le modèle chinois a déjà triomphé, et que l’Occident doit se résigner à accepter que la Chine est entrain de devenir dans un avenir proche la première puissance mondiale, sans besoin de recourir à la force ou à l’impérialisme envahissant.
La révolution chinoise moderne, bien qu’elle fût bâtie sur des principes philosophiques et idéologiques inspirés de la pensée occidentale (le marxisme), a toujours revendiqué depuis la période maoïste une vocation orientale et tiers-mondiste. Contrairement au modèle nationaliste indien qui a épousé les valeurs du libéralisme individualiste et démocrate, et au Japon qui a tenté de transposer l’expérience moderniste occidentale, la grande spécificité de la révolution chinoise est restée cet ancrage culturel et symbolique dans la grille des valeurs asiatiques réadaptées et réajustées aujourd’hui au contexte de la mondialisation.
Le Moyen-Orient tout en étant lié par l’histoire, et les intérêts géopolitiques à l’Occident (États-Unis et Europe) ne pourra rester neutre et indifférent au jeu crucial de compétition et de rivalité entre les deux puissances mondiales qui s’affrontent actuellement sur les différents terrains de la carte stratégique internationale.
Le monde arabe ne devra nullement céder les clés de l’influence chinoise au Moyen-Orient à l’Iran acculé par les pressions et sanctions internationales à chercher une issue de secours dans la coopération avec la Chine.