Suite aux évènements de Ferallah en Mauritanie dans la région de Mbagne, plusieurs partis politiques et associations de droit de l’homme ont dénoncé le projet du gouvernement avec l’appui de la banque mondiale sur l’expropriation des terres des autochtones de la région.
Le secrétaire général de l’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (AHME) avec l’activiste Cherif Sanghott ont adressé une lettre à la Banque mondiale pour demander l’arrêt immédiat des travaux d’exécution du projet ainsi d’organiser une concertation avec les populations locales.
Paris, le 27 Février 2021
David R Malpass
Président
Banque Mondiale
1818 H Street, NW Washington, DC 20433
États-Unis d’Amérique
Objet : Attirer l’attention de Monsieur le Président de la Banque Mondiale sur les conséquences environnementales, sociales et humaines désastreuses du projet PARIIS Mauritanie financé par votre institution.
Monsieur le président,
Permettez-nous de commencer d’abord par vous adresser nos sincères salutations et nos meilleurs vœux.
Nous venons à travers cette correspondance attirer votre attention sur le projet régional d’Appui à l’Irrigation au Sahel (PARIIS-MR) financé par votre estimable institution à travers son bras concessionnel, l’Association internationale de développement (IDA) à hauteur de 25 Millions d’USD en partenariat avec le gouvernement Mauritanien pour 2,5 Millions d’USD et les bénéficiaires directs à hauteur de 1,5 Millions d’USD. Le PARIIS est un des premier projet opérationnel de l’initiative Irrigation en préparation dans les Etats et au niveau du Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) et ses partenaires, pour répondre aux besoins concrets d’investissements des Etats, et assurer au niveau régional la qualité, l‘harmonisation et la réplicabilité des solutions d’irrigation identifiées et mises en œuvre dans les Etats.
Le projet, alors même qu’il est au tout début de son démarrage, engendre de sérieux problèmes pour les populations noires du Sud de la Mauritanie. Et ceci du fait que les populations locales propriétaires des terres et qui habitent dans la zone d’exploitation depuis des siècles n’ont jamais été informées de l’existence dudit projet et non jamais été associées à sa mise en place. Les populations ne comprennent pas pourquoi leurs
terres sont accaparées par des promoteurs venus d’ailleurs à travers un financement octroyé par la Banque Mondiale.
Dans ce contexte, les populations locales du Sud de la Mauritanie de la plaine de Ferrella, à la surprise générale et sans avoir été informées au préalable, ont vu à l’œuvre des pelleteuses, des tracteurs, et des gros engins dans un élan de destruction massif des cultures, des champs, des routes et des lieux de vie. Et ceci dans le mépris total et en l’absence de toute considération humaine.
Dans le désespoir, les populations locales ont entrepris des démarches auprès des autorités nationales afin d’obtenir des informations sur les parties prenantes du projet, comprendre les objectifs du projet et surtout pour avoir des explications pourquoi leurs terres héritées de leurs parents sur plusieurs générations ont été octroyées à des promoteurs agricoles sans concertation préalable.
A ce jour, les responsables du projet et l’état mauritanien n’ont donné aucune explication aux populations locales. Cette situation a de fait entrainé des manifestations et des affrontements graves entre les populations locales et les services de sécurité et de maintien de l’ordre de l’état mauritanien.
Dans le communiqué relatif au projet PARIIS en question sur le site du CILSS, partenaire de la Banque Mondiale pour la mise en place dudit projet, il est indiqué que : « les cibles directes du projet seront les agriculteurs (hommes, femmes et jeunes). Les systèmes d’irrigation prévus bénéficieront directement aux agriculteurs provenant majoritairement de ménages pauvres, avec un accent particulier sur la petite et moyenne irrigation. Et que Le nombre total des bénéficiaires directs est estimé à 7031 ménages dont 42% des bénéficiaires directs des systèmes irrigués seront des femmes. Les zones d’Intervention sont : Hodh El-Chargui, Hodh El-Gharb, Assaba, Brakna, Gorgol, Tagant, Adrar et Trarza. Il est alors très surprenant que les bénéficiaires du projet ne soient pas informés de son existence et ne soient pas associés aux phase d’évaluation, de concertation et de préparation de celui-ci.
La Banque mondiale institution de référence avec pour missions principales : (i) la lutte contre la pauvreté, (ii) l’appui et le soutien des gouvernement locaux pour aider les populations démunies, les jeunes, les femmes à se sortir de la pauvreté et du sous développement, ne peut pas soutenir en connaissance de cause un projet qui va à l’encontre des raisons de son existence et des missions qui lui sont confiées par ses actionnaires états membres.
A travers sa politique environnementale et sociale, lorsque la BM octroie aux gouvernements un financement pour investir dans des projets – tels que la construction d’une route, l’aménagement des périmètres agricoles, la fourniture d’électricité aux citoyens ou le traitement des eaux usées- elle vise à garantir la protection des personnes et de l’environnement contre les impacts négatifs potentiels.
Sur la base de ce qui précède, Il est alors très surprenant pour nous que la Banque Mondiale, institution de développement de référence, disposant des mécanismes internes de sauvegardes environnementales et sociales, de l’expertise pour évaluer et identifier tous les risques liés à l’exploitation de la terre particulièrement dans les pays comme la Mauritanie ou la loi foncière est défaillante et est taillée sur mesure au
profit des agro-businesses et des groupes d’intérêt et au détriment des pauvres paysans. Les experts de la Banque Mondiales basés en Mauritanie et leurs collègues qui ont été en charge de l’évaluation et de la mise en place de ce projet ne pouvaient pas ignorer l’existence de ces risques. Nous considérons que le processus d’évaluation de ce projet comporte de sérieux manquements et ne respecte pas les engagements de la Banque Mondiale en termes d’information, de concertation, de publicité et d’association des populations locales impactées positivement ou négativement pour le financement des projets dans leurs localités.
Pour votre information, le gouvernement Mauritanien a entrepris depuis plusieurs années une politique d’expropriation des terres des populations autochtones du Sud de la Mauritanie au profit des hommes d’affaires et des groupes d’intérêt. Ces groupes d’intérêt ne sont motivés que par des intérêts pécuniers immédiats découlant des financements octroyés pour ce type de projets agricoles. Les objectifs de développement, de durabilité et d’assistance aux populations locales ne figurent pas dans leurs préoccupations.
Face à cette injustice subie par les population locales et pour éviter que la situation ne dégénère, nous sollicitons, Monsieur le Président, votre intervention auprès du gouvernement Mauritanien, du CILSS et auprès de l’ensemble de vos partenaires du projet PARIIS afin de : (i) demander l’arrêt immédiat des travaux d’exécution du projet pour donner une chance au dialogue à la concertation, (ii) d’organiser une
rencontre avec les populations locales dans le but d’apporter toutes les explications requises en la matière afin de les aider à comprendre les objectifs du projet, les prometteurs, les bénéficiaires et surtout pourquoi leurs terres sont utilisées à des fins pour lesquels ils ne sont pas associés et en fin (iii) d’aider à trouver une solution négociée et durable qui sauvegarde les intérêts des populations de Ferralla, propriétaires des terres, et permettre ainsi d’éviter que la situation explosive actuelle ne débouche sur des troubles et des incidents graves dans la région.
Tout en espérant une solution pérenne et durable dans l’intérêts de toutes les parties prenantes, nous vous prions Monsieur le Président de croire en l’assurance de notre considération distinguée.