Partout où il passe, à l’Etat-major des forces armées, au Ministère de la Défense, au Palais Présidentiel et même au Cercle des Anciens Militaires, tout le monde lui dit qu’il ne doit pas exposer son problème à la presse. Mais l’ex-caporal n’en a cure.
Pour lui, face à l’injustice dont il est l’objet et que l’Etat refuse de régler, il ne lui reste que les médias pour raconter ses souffrances. Victime d’un accident en service commandé en 2002, Mohamed Ould Sghaïr a été évacué en Espagne. Ses médecins Espagnols, après les premiers soins, lui avaient donné rendez-vous dans quatre mois.
De retour au pays, il est radié du corps des forces armées. Ayant finalement décidé de s’adresser à la presse, face à l’indifférence dont il fut l’objet, il fut rappelé et réintégré. Mais Mohamed Sghaïr continuait de réclamer son retour en Espagne pour compléter ses traitements.
Il fut de nouveau radié. Depuis, il crie sa rage partout, affirmant que jamais il ne subira en silence l’injustice, multipliant les démarches, les courriers et quelques rappels sur son cas à travers les médias, sans succès. Des collègues lui auraient même dit une fois que le Président de l’Empire Islamique des Sables, le frère et guide, Mohamed Ould Abdel Aziz a eu vent de son histoire et que sûrement, il l’appellera pour en savoir plus sur son affaire.
Mais rien ne pointa du côté de la Présidence de la République. Un collègue lui suggéra alors d’écrire un courrier au ministre de la Défense. Il passa à l’acte et adressa une lettre via la poste au Ministre de la Défense. Plus tard, un adjudant-chef en service au Ministère lui affirma avoir vu sa lettre au cabinet.
Mohamed Sghaïr se rendit le jeudi 23 Janvier 2015 au Ministère pour s’enquérir de son courrier. Il se heurta au secrétaire particulier du Ministre, un adjudant-chef qui lui fit savoir qu’il n’a pas vu de lettre. Mohamed lui demanda s’il pouvait avoir une audience, l’autre lui aurait répondu qu’il valait mieux pour lui ne plus parler de son problème, surtout à la presse et que cela pouvait le mener en prison. Mohamed Ould Sghaïr aurait explosé :
«Qu’on me jette en prison, comme ça le monde entier saura que la Mauritanie se débarrasse d’une manière aussi immorale de ses soldats accidentés en service commandé !». L’autre le calma et lui suggéra d’écrire une autre lettre ou de s’adresser à l’association des anciens militaires. Là aussi, on lui aurait suggéré de cesser de parler de son affaire dans la presse. Il les envoya se promener et jura que jamais il ne se taira sur l’injustice qui le frappe. Pauvre, démuni, Mohamed Ould Sghaïr mène une vie de paria, commotionné par la situation lamentable dans laquelle il vit avec son épouse et ses enfants.
Pour venir en ville, il dit parfois être obligé de taper à pied pour quitter son lointain taudis de la périphérie de Nouakchott. Il compte se rendre aujourd’hui à la Présidence de la République avant d’aller au Ministère de la Défense. L’homme, de taille moyenne, rongé par la rage et la frustration, est presque au bord de la folie. «Je ne veux même plus qu’ils m’envoient en Espagne mais qu’on me donne de quoi me soigner et subvenir aux besoins de ma famille», a-t-il martelé. Deux jours plus tard, il s’est adressé à la presse encore. Il dit que le secrétaire a vu sa lettre.
Affaire à suivre.
Abou Cissé