Au fond, le collabo est un « brave type ». Rien ne doit troubler sa tranquillité, son commerce, sa digestion, son sommeil. On doit pouvoir s’entendre, pactiser, se serrer la main. S’il suffit de quelques accommodements pour y parvenir, pourquoi les refuser ? Soyons pragmatiques. Paris vaut bien une messe. « Protéger » la France vaut bien un Munich signé avec Hitler. On réalise trop tard que pour éviter la guerre, on a sacrifié son honneur et précipité la guerre…
Dans son discours du 11 octobre 1940, le maréchal Pétain définissait l’« ordre nouveau » de la collaboration. Parlant de la défaite il expliquait en introduction que « le désastre n’est, en réalité, que le reflet, sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de l’ancien régime politique ». Ce régime haïssable, poursuivait-il, « beaucoup d’entre vous l’aimaient ». Comprenez : c’est donc un peu de votre faute. Les Français sont coupables d’avoir mal aimé leur pays, ils doivent se ressaisir. Ils ont trop aimé « voter tous les quatre ans ». Ils ont porté au pouvoir le Front populaire (le vrai péché), cédé aux francs-maçons et au « libéralisme », ils ne doivent pas s’étonner de payer le prix lourd. Qu’importe si l’agenda nazi est mondial et embrase la planète. Dans le discours de soumission de 1940, face à un « danger bolchévique », pactiser avec les nazis qui occupent déjà la moitié de l’Europe est une décision « raisonnable » : voilà ce que comprennent ceux qui veulent « vivre avec leur temps ». Qui comprennent « le sens de l’histoire ».
« Faire une lecture sociale de l’islamisme, c’est oublier que parmi ceux qui véhiculent ce retour à l’islam conservateur se trouve une nouvelle bourgeoisie éduquée, qui met ses enfants dans des écoles islamiques hors contrat ou même parfois dans des écoles catholiques privées. »
Face à l’offensive islamiste, nombre de nos concitoyens sont déstabilisés. Son discours culpabilisant et pervers, qui fait de la France un état raciste islamophobe, insinue le doute. Est-ce que nous ne sommes pas responsables de ce qui nous arrive ? Les quartiers difficiles, le chômage, la discrimination, le racisme, tout cela existe et nous n’avons pas été à la hauteur. Il faut « comprendre ». Se remettre en question. Nous avons mal aimé nos concitoyens : on ne doit pas s’étonner d’en payer le prix lourd.
Faire une lecture sociale de l’islamisme, c’est oublier que parmi ceux qui véhiculent ce retour à l’islam conservateur se trouve une nouvelle bourgeoisie éduquée, qui met ses enfants dans des écoles islamiques hors contrat ou même parfois dans des écoles catholiques privées, tout plutôt que l’école de la République laïque.
C’est oublier que, même si notre pays n’arrive pas à intégrer dans le monde du travail tous ceux qui y prétendent, nos aides sociales, parmi les plus importantes d’Europe, sont de réels amortisseurs.
C’est oublier que les prédicateurs islamistes n’exhortent pas les musulmans à lutter au sein des syndicats pour améliorer leurs conditions de travail mais pour exiger des salles de prière. Tous les progrès doivent être réalisés au profit de l’islam.
« L’islam politique est pervers. Il avance au nom de la démocratie et de la liberté pour culpabiliser les Français. Samuel Paty à peine enterré, le très beau discours d’Emmanuel Macron cède déjà la place à une tout autre musique : faut-il vraiment s’obstiner avec ces caricatures qui ne nous causent que des ennuis ? »
Quand Gérald Darmanin s’inquiète de la progression du halal dans les supermarchés, il a tort car le commerce est libre et le client est roi. Mais les enseignes halal dans certains quartiers sont désormais hégémoniques et ce n’était pas le cas il y a vingt ans. Certains entrepreneurs islamiques prospèrent sur ce système. Est-ce souhaitable ?
L’islam politique est pervers. Il avance au nom de la démocratie et de la liberté pour culpabiliser les Français. Samuel Paty à peine enterré, le très beau discours d’Emmanuel Macron cède déjà la place à une tout autre musique : faut-il vraiment s’obstiner avec ces caricatures qui ne nous causent que des ennuis ? Et qui ont déclenché le boycott des produits français par la Turquie, le Koweït, le Qatar… ? En ces temps difficiles de crise économique, pourquoi diable aller chercher querelle en parlant de nos principes républicains et de la liberté d’expression ? Certains se demandent si notre président a bien raison de twitter : « Nous continuerons. Nous nous tiendrons toujours du côté de la dignité humaine et des valeurs universelles. » Au Maroc, en Algérie, en Syrie, au Pakistan, des partis islamistes brûlent des drapeaux français.
Les collabos se recrutent à tous les étages de notre société. Dans les médias, à l’université, très justement accusée par Jean-Michel Blanquer d’être souvent le lieu d’un islamo-gauchisme qui fait des ravages. Dans l’extrême gauche qui se compromet depuis trente ans aux côtés de l’islam politique, en espérant qu’elle en récoltera les fruits aux élections locales. Quelqu’un a écrit sur la façade du Parti communiste : collabo. Yannick Jadot, indigné, a évoqué la résistance du Parti communiste pendant la guerre et ses centaines de fusillés. Certes, mais seulement après la rupture du pacte germano-soviétique. Le Parti, en 1940, était un collabo de Moscou. Aujourd’hui, la religion musulmane est devenue l’opium du Parti. Tant pis pour la laïcité.
« Entre la décapitation de Samuel Paty et l’extermination des derniers Arméniens du Haut-Karabakh, c’est le même fil rouge : la reconquête islamiste face à une civilisation qui résiste. Avec Erdogan en leader de cette reconquête. »
Les collabos réécrivent l’histoire, c’est leur spécialité. Ou feignent de ne pas la comprendre. Jean-Yves Le Drian a déclaré que le quai d’Orsay resterait neutre face à l’agression des forces turco-azerbaidjanaises épaulées par des centaines de djihadistes, contre les Arméniens chrétiens du Haut-Karabakh. Rester neutre c’est déjà choisir son camp. C’est ne rien saisir aux enjeux. Entre la décapitation de Samuel Paty et l’extermination des derniers Arméniens du Haut-Karabakh, c’est le même fil rouge : la reconquête islamiste face à une civilisation qui résiste. Avec Erdogan en leader de cette reconquête.
Dans le Caucase, il extermine les Arméniens au nom du djihad et du panturquisme. En Europe, il se veut le chef de guerre des croyants contre l’islamophobie. Il insulte Emmanuel Macron qui « a besoin de faire examiner sa santé mentale », «qui ne comprend rien à la liberté religieuse et qui se comporte de manière discriminatoire vis-à-vis de millions de citoyens qui ne partagent pas sa foi ». Le président Macron a rappelé son ambassadeur à Ankara. Le ton monte. Erdogan ne pardonne pas à Emmanuel Macron de s’être opposé à son expansionnisme en mer Méditerranée et d’avoir pris le parti des Grecs.
Surtout, Ankara redoute que le projet de loi contre le séparatisme, annoncé par le président français, affaiblisse son influence au sein de la communauté turque de France. La Turquie fournit à elle seule 150 des 300 imams détachés de l’étranger que le pouvoir veut supprimer. Une vraie perte pour l’Union des affaires turco-islamiques (Ditib) chargée de faire rayonner le national-islamisme turc d’Erdogan en Europe.
« La violence d’Erdogan fait peur. La haine anti-française fait peur. La peur, encore plus que l’idéologie, est le terreau des collabos. Peu à peu, la petite musique du renoncement fait son lit parmi les élites et les clercs. »
La violence d’Erdogan fait peur. La haine anti-française fait peur. La peur, encore plus que l’idéologie, est le terreau des collabos. Peu à peu, la petite musique du renoncement fait son lit parmi les élites et les clercs. Si l’islamisme s’impose comme force représentative de la « communauté » musulmane, pourquoi ne pas l’accepter ? On pourrait ainsi « réduire les tensions ». Notre civilisation ne sortirait-elle pas ragaillardie de ce nouveau challenge ? Ne faut-il pas accepter la fin de l’ancien monde et accueillir le nouveau ?
Notre président de la République est debout. Espérons qu’il le reste. Et qu’il demeure sourd au discours de soumission qui l’exhorte à être « moderne et pragmatique ». Céder est toujours interprété par l’islam de conquête comme un recul qui permet de nouvelles avancées. C’est le sens de leur histoire. Qu’elle ne devienne jamais la nôtre.
Illustration : le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le 5 janvier 2018, à Paris (Photo : Photo by Villard/Pool/ABACAPRESS.COM).
Par Valerie Toranian
Le 26 octobre 2020