L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (8ème partie) / Par le Pr El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (8ème partie) / Par le Pr El Arby MohamedouLe dialogue national et la tentative de l’ouverture sur l’opposition

Dans cette nouvelle configuration politique citée plus haut, le Président de la République et les Partis de la Majorité vont opter pour une nouvelle ouverture politique vers l’Opposition démocratique par la proposition d’un dialogue national en mesure de dénouer la situation de blocage politique qui continue à peser lourd sur le fonctionnement des institutions de la République, notamment dans un environnement international et arabe qui se distingue par l’instabilité et la recrudescence des mouvements de protestation appelant aux changements politiques.

Le principe du dialogue national a suscité un enthousiasme sans précédent de la part de toute la classe politique du pays.

En revanche, les mesures et les conditions préalables à sa mise en œuvre, proposées par certains Partis de l’Opposition et qui ont été rejetées par la Majorité au pouvoir vont réduire le nombre des participants, de la classe politique opposante, à ce dialogue.

Finalement l’appel au dialogue national fut exhaussé par quatre Partis de l’Opposition qui sont l’Alliance Populaire Progressiste (APP), issue des Partis de l’Opposition radicale, présidée par Messaoud OULD BOULKHEIR, Président de l’Assemblée Nationale, le Parti El Wiam, présidée par Boydiel OULD HOUMEID, le Parti Sawab, de tendance baathiste et le Parti Hamam présidé par Salah Hanena.

Une série d’interminables réunions s’enchaînent ainsi entre les deux parties pour se conclure au terme d’un mois de négociations (de mi-septembre à mi-octobre 2011) par un compromis sur quelques questions jugées comme prioritaires pour la consolidation du système démocratique et surtout la transparence des élections dans le pays.

A ce titre, quatorze lois ont été adoptées par le Parlement et promulguées par le Président de la République. Elles traitent essentiellement de la création d’une Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), composée de sept membres, nommés par décret du Président de la République sur proposition conjointe de la Majorité et de l’Opposition. Elle dispose de la plénitude des pouvoirs pour préparer organiser et superviser l’ensemble des opérations électorales.

Aussi, l’accès des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives a fait l’objet d’une nouvelle réorganisation permettant de garantir une plus large représentation par l’instauration d’une liste nationale de députés de vingt sièges réservés aux femmes.

A son tour, le statut général des circonscriptions électorales été revu en reconsidérant le poids démographique de chaque circonscription. Ainsi, une classification a permis de doter les circonscriptions de moins ou égales à 31 000 habitants d’un député, les circonscriptions de plus de 31 000 habitants de deux députés, celles qui sont supérieures à 90 000 habitants à trois députés tandis que les plus de 120 000 habitants auront 4 députés.

A cela s’ajoutent une liste unique de 18 députés pour Nouakchott et une liste nationale de 20 députés indépendamment de celle des femmes déjà citée ci-dessus. Par ailleurs, les Mauritaniens établis à l’étranger peuvent désormais élire non seulement le Président de la République mais également les députés des listes nationales et participer aussi au vote à l’occasion de l’organisation des référendums.

Nonobstant cela, il convient d’admettre qu’après l’adoption des conclusions du dialogue national et les lois qui l’encadrent, la situation politique du pays est restée toujours bridée. On assistait à des prises de positions qui auraient pu même remettre en cause l’enthousiasme né de l’euphorie de ce dialogue.

Ainsi, certains Partis de la Majorité se repositionnent et prennent distance par rapport aux résultats du dialogue national tandis que la méfiance des Partis de l’Opposition qui avaient pris part à ce dialogue et qui sont présentement regroupés au sein de la Convention pour l’Alternance Pacifique(CAP) est de plus en plus claire.

Et ce au moment où la Coordination de l’Opposition Démocratique lève de plusieurs crans sa position politique par rapport au régime en place et réclame, sans condition, le départ du Président de la République. C’est sur ce puzzle politique, que l’ordre constitutionnel tant envié, reste otage des antagonismes et de réticences politiques.

A suivre …

Professeur El Arby Mohamedou