La lutte contre la dévastation économique et financière, par conséquent socialo-politique, de notre nation, œuvre grandiose que les hautes autorités politiques et judiciaires mauritaniennes ont entamé ces dernières semaines, n’incarne pas, à elle seule, la volonté cardinale que requiert le changement.
Il y a pire à combattre : le tribalisme et son corollaire le régionalisme, vraie racine du mal, phénomène endémique qui sape et absorbe toutes les énergies intellectuelles, culturelles et socio- politiques de notre patrie alors que nous sommes déjà confrontés à d’autres maux à caractère socio-culturel, signe mortifère de division non encore définitivement résolu.
Fausse démocratie
Nous sommes inlassablement accrochés, attachés avec rigueur, sans relâche depuis un peu plus de quatre décennies à le nourrir, ce tribalisme, à l’entretenir, l’embellir et lui donner des référentiels historiques et culturels dénués de tout fondement, pour en faire le soubassement dramatique et rétrograde d’une démocratisation de notre pays. Partout, chez les arabo-berbères, les soudano-arabes (de culture arabe), les négro-africains, toutes les voies et moyens ont été consacrés au perfectionnement de ce tribalisme, grâce, en l’occurrence, à un redoutable plan machiavélique politico-culturel oral et écrit mensonger, transformant ce fléau en un système politique généralisé, censé nous intégrer dans le monde des valeurs démocratiques.
Par cette stratégie les détenteurs des pouvoirs dans notre pays, putschistes, faux ou vrais élus, continuent à gérer celui-ci par partis politiques interposés, construits par et pour ce tribalisme, dans un semblant de fausse démocratie.
Aujourd’hui, à l’aube des vrais changements entamés et attendus – preuves nous en ont été données, il faut le dire, grâce aux grandes décisions prises par le nouveau pouvoir – nous entrevoyons le bout du tunnel. Mais en même temps, nous assistons au sursaut prévisible d’une mentalité encore active qui tend à faire face à la justice, à cette étape cruciale d’une véritable avancée vers la démocratie, en appelant au tribalisme pour défendre les intérêts de ceux qui ont spolié les biens du pays : une forme de témérité intolérable, inacceptable et irresponsable défiant l’État qui a décidé de bâtir une nation, de la reconstruire, de l’émanciper par la voie du Droit et du développement «proprement » dit.
Le récent « vaillant » théâtre désenchanteur de Diguenni par lequel on voulait ou l’on veut nous prouver ou démontrer que l’État n’est pas encore à même de détruire ce qui a été construit, quatre décennies durant, interpelle l’attention des citoyens. Cette rocambolesque comédie vient ainsi nous rappeler que la tribu – même une infime partie de celle-ci – est encore présente et forte pour défendre ses maîtres prédateurs, fusils d’assaut en main de quelques aventuriers, prête pour le combat à l’insu des autorités et à l’instar d’autres tribus qui s’y préparent et qui s’inspireraient sûrement du même montage théâtral.
Spectacle malsain
À l’analyse, nous signalons aux autorités combien la vue de ce spectacle largement diffusé , malsain, digne d’une société ancestrale, de l’Antiquité à ce début de 21ème siècle, dirigé par un ex-Premier ministre inculpé dans des malversations financières, donnerait, dans sa récurrence, au peuple à douter des capacités du pouvoir à poursuivre la réalisation de ses engagements à son égard.
Un État fort doit punir, par ses moyens régaliens, immédiatement, sans complaisance aucune, ni complicité, ni atermoiements, ni douceur, toute manifestation de cette nature, eu égard aux priorités et pour l’avenir, si l’on est franchement décidé à construire un État de Droit.
Sans le bannissement radical de cette tumeur, ce cancer qu’est le tribalisme sous tes formes, par la conjugaison des forces dynamiques de la société politique démocratique toute entière, ainsi que la société civile – et non pas les partis des pouvoirs édifiés sur cet engrenage – le tout parrainé et encouragé par les pouvoirs publics, le pays ne se fera point. Nous ne réussirons à établir les nobles et vrais préalables à la construction, avant de mettre fin à cette gangrène.
La restitution à l’État de ses biens, l’application de la justice par le Droit, les nominations de gouvernements de qualité, aussi technocratiques soient- ils, les sanctions, la nomination de «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » (mesure encore hélas bien peu utilisée) : autant de décisions qui ne riment à rien, si la véritable épidémie, fausse et ridicule échelle de valeurs, n’était pas extraite, dans l’absolu, du corps de notre société.
Nous n’ignorons cependant pas que nos actions futures, en ce domaine comme en d’autres aussi compliqués, seront un affront sérieux au fait que « la Mauritanie apparaît comme un pays dont la complexité ne semble avoir d’égale que la fragilité », ainsi que le nota pertinemment le politologue Phillippe Marchesin…