Les autocrates africains cherchent à se maintenir, coûte que coûte, au pouvoir, tant ils craignent de rendre des comptes pour leur gestion calamiteuse. Revisitons ces stratagèmes.
La présidence à vie est une option pour les plus âgé des autocrates. D’autres pensent garantir leur impunité en désignant leur successeur, l’Angolais Eduardo Dos Santos et le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz s’en mordent les doigts.
Leur règne, souvent très long, a permis, aux autocrates africains d’amasser des fortunes colossales et, inversement, de contribuer à empêcher toutes possibilités du développement socio-économique, avec pour conséquence la paupérisation de leurs concitoyens.
Dans une démocratie, tous ces crimes seraient évidemment justiciables et ces autocrates s’exposeraient à des sanctions à la hauteur de leurs forfaitures.
La stratégie la plus utilisée est souvent le passage en force en méprisant l’État de droit, pour imposer une sorte d’État de nature. Le droit est bafoué, les institutions sont mises au pas ou supprimées, les élections succesives ne sont que des mascarades, néanmoins validées par les organisations internationales et les Etats partenaires, les opposants sont traqués ou emprisonnés tandis que les appels de détresse de la population ne trouvent pas d’échos. Dans une démocratie, tous ces crimes seraient évidemment justiciables et ces autocrates s’exposeraient à des sanctions à la hauteur de leurs forfaitures.
Pour éviter cette déchéance, les dictateurs doivent d’abord se prémunir contre d’éventuels coups d’Etat. Outre les unités, choyées en matériels et avantages financiers, d’une garde prétorienne de même origine tribale que le chef de l’Etat, sur lesquelles l’autocrate peut compter, il y a les réflexes pavloviens d’une communauté internationale qui brandira à l’unisson » les intolérables atteintes à la démocratie et à l’État de droit », et exigera » le retour à l’ordre constitutionnel le plus rapidement possible ». L’entre soi des diplomates les condamne-t-il nécessairement à l’absurde ? Ne serait- ce pas plutôt ces autocrates qui violent sans cesse l’État de droit, qui imposent l’impunité pour les uns et les foudres d’une justice aux ordres à d’autres, qui modifient l »ordre constitutionnel à leur convenance, notamment pour les conditions des élections ainsi que pour le nombre et la durée des mandats présidentiels ? Le peuple en révolte trouvera donc sur son chemin à la fois les milices présidentielles et la diplomatie accrochée au statu quo. Cela fait beaucoup.
Le Gabonais Jean Ping, le Togolais Agbéyomé Kodjo, le Congolais Jean-Pierre Mokolo, le Congolais de RDC Martin Fayulu, le Camerounais Maurice Kamto, le Malien Soumaïla Cissé ont pu méditer sur » l’ordre constitutionnel » et » le respect de l’État de droit »
Avec la certitude de bénéficier finalement de l’acquiescement de la communauté internationale pour des élections frauduleuses, les autocrates sont encouragés à utiliser tous les moyens pour se maintenir au pouvoir. Le hold up électoral restera impuni et les victimes ne trouveront éventuellement que de la compassion. Le Gabonais Jean Ping, le Togolais Agbéyomé Kodjo, le Congolais Jean-Pierre Mokolo, le Congolais de RDC Martin Fayulu, le Camerounais Maurice Kamto, le Malien Soumaïla Cissé ont pu méditer sur » l’ordre constitutionnel » et » le respect de l’État de droit » dans leur pays, auxquels la communauté internationale se déclare si attachée.
On ne s’étonnera donc pas de la longévité exceptionnelle du Camerounais Paul Biya ( 87 ans et 37 ans de présidence), de l’ Equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (78 ans et 41 ans de présidence), du Congolais Denis Sassou Nguesso (76 ans et 36 ans de présidence), du Maréchal du Tchad Idriss Deby Itno ( 68 ans et 29 ans de présidence), de l’Ougandais Yoweri Museveni (76 ans et 34 ans de présidence). Pour ces géroncrates, la présidence à vie est en vue. Ce sera probablement plus difficile pour le Rwandais Paul Kagame ( 62 ans et 20 ans de présidence), qui a toutefois pris toutes les dispositions pour enjamber les futures échéances electorales.
Le risque de désigner son successeur
Il peut arriver que le parti présidentiel, qui se confond quasiment au parti-Etat, rechigne à modifier la règle constitutionnelle qui limite à deux les mandats présidentiels successifs. Cette « insubordination » des députés, qui s’apparente presque à un crime de lèse-majesté, bloque le processus de révision constitutionnelle. Il faut y voir, une irrépressible volonté du pays et surtout des autorites traditionnelles voire de chefs militaires refusant tout coup de force, de mettre fin à un régime de gabegie, de prédations, de spoliations et de captations des richesses nationales par le clan familial du chef de l’Etat. Ne pouvant être de nouveau candidat, l’autocrate va donc peser sur le parti au pouvoir, pour choisir son successeur et le faire élire comme si c’était lui-même.
Le président angolais Eduardo Dos Santos a donc choisi son compagnon d’armes de 30 ans, son fidèle ministre de la Défense, en la personne de Joao Lourenço. On connaît la suite.
Le président angolais Eduardo Dos Santos a donc choisi son compagnon d’armes de 30 ans, son fidèle ministre de la Défense, en la personne de Joao Lourenço. On connaît la suite. Il aura fallu une année au nouveau chef de l’État pour mettre fin au système familial qui avait mis en coupe l’économie angolaise. Les uns sont en exil, d’autres en prison et la plupart de ceux qui sont en attente de leur jugement ont perdu leur patrimoine illégalement constitué
La même mésaventure est arrivée à l’ancien président mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz. Une décennie (2009-2019) de pillage systématique des richesses nationales, un enrichissement colossal pour son clan familial et quelques affidés, l’instrumentalisation de la justice contre les résistants à sa gouvernance maléfique et une dangereuse politique étrangère, éloignée des intérêts nationaux, étaient devenus insupportables pour les personnalités qui comptent dans le pays profond, sans être pour autant sur le devant de la scène politique.
En Mauritanie, les hommes de pouvoir évitent les lumières médiatiques. Mohamed Ould Abdel Aziz a donc choisi son successeur, en la personne de Mohamed Ould Ahmed el-Ghazouani, egalement compagnon d’armes depuis 30 ans et ancien chef d’état-major de l’Armée et ministre de la Défense.
Comme pour Joao Lourenço, il aura fallu moins d’une année pour le général pour faire découvrir aux Mauritaniens l’ invraisemblable » caverne d’Ali Baba » de la famille de Mohamed ould Abdel Aziz.
Comme pour Joao Lourenço, il aura fallu moins d’une année pour le général pour faire découvrir aux Mauritaniens l’ invraisemblable » caverne d’Ali Baba » de la famille de Mohamed ould Abdel Aziz. La Justice a commencé son travail en toute indépendance et le peuple mauritanien se demande comment on en est arrivé là.
Ce stratagème pour tenter de préserver une impunité après avoir quitté le pouvoir, est actuellement utilisé par le président nigérien Mahamadou Issoufou, avec la candidature de Mohamed Bazoum. Alassane Drame Ouattara avait aussi penché pour cette solution avec Amadou Gon Coulibaly.
Le décès de ce dernier a contraint le président ivoirien (78 ans) à passer outre à » l’ordre constitutionnel » et à « rejeter l’État de droit » , notamment en refusant d’appliquer les arrêts de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. L’autocrate peut se permettre de condamner le putsh au Mali , tout en mettant en place les conditions d’une reprise de la guerre civile dans son pays.
Les autocrates africains ont bien compris qu’ils leur faut se maintenir, à tout prix au pouvoir, faute de quoi ils se retrouveraient bien seuls devant les nouvelles autorités de leur pays
On devine qu’elles auraient été les réactions de Moussa Faki Mahamat de l’ Union africaine, de Antonio Guterres , Secrétaire général de l’ONU, de la CEDEAO, des autocrates africains, de la France et des États-Unis d’Amérique, si Eduardo Dos Santos et Mohamed Ould Abdel Aziz avaient été évincés par une junte militaire. Les condamnations pleuveraient, le » retour à l’ordre constitutionnel » et » le respect de l’État de droit » auraient été fermement exigés.
Les autocrates africains ont bien compris qu’ils leur faut se maintenir, à tout prix au pouvoir, faute de quoi ils se retrouveraient bien seuls devant les nouvelles autorités de leur pays et ne pourraient compter que sur l’indifférence de la communauté internationale.