La présente note vise à éclairer l’opinion publique nationale sur les raisons qui m’ont poussé à mener récemment une réflexion sur l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique dans notre pays et la remise des conclusions de cette étude aux instances officielles de contrôle afin d’entreprendre les investigations et les audits qui s’imposent dans ce secteur.
Tout d’abord, je voudrais préciser que je suis enseignant à la Faculté des lettres et sciences humaines (FLSH) de l’Université de Nouakchott Al-Assriya durant douze années successives, de 2008 à nos jours. J’enseignais dans différents départements de ladite Faculté des disciplines relevant de mon domaine de spécialité, la linguistique appliquée, telles que la traductologie, la didactique des langues, notamment le français en tant que langue de formation ou langue étrangère (Fle), la terminologie, la rédaction académique, etc. Je suis titulaire d’un Doctorat de l’Université Paris III – Sorbonne Nouvelle, obtenu en 2012 dans le domaine précité, avec mention « Très honorable » et d’un Master II recherche en didactique des langues en 2007 de la même institution, avec mention « Bien ».
Après avoir soutenu ma thèse, j’ai décidé de retourner au pays afin de m’acquitter de mon devoir de citoyen, fier d’être formé par l’Etat ou au nom de celui-ci et disposé à servir la Nation. Ainsi, j’ai continué à enseigner dans des conditions difficiles. De 2008 à 2011, j’étais enseignant vacataire ; à partir de 2011 jusqu’à présent, j’ai le statut de professeur contractuel, touchant un salaire mensuel représentant moins de 50 % de celui d’un enseignant permanent d’une ancienneté moyenne, parfois titulaire d’un diplôme inférieur au mien et ayant une charge horaire égale à celle qui m’est prescrite. Selon l’usage, un contractuel de l’enseignement supérieur n’est pas payé durant deux mois de l’année : août et septembre ; lui et le reste des membres de sa propre famille ne sont pas inscrits à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) par l’employeur, etc. En 2013, j’ai participé à un concours de recrutement d’enseignants au profit de certains établissements de l’enseignement supérieur pour un poste de maître de conférences en linguistique à pourvoir à la FLSH. Des irrégularités graves ayant entaché le déroulement de ce concours pour le poste précité ont eu pour conséquence mon élimination injuste et injustifiable. Après avoir fait des recours gracieux auprès des différents ministres de l’enseignement supérieur, sans résultat, j’ai saisi la Cour Suprême/ Chambre administrative de mon cas. En novembre 2016, un arrêt de ladite instance m’a rendu justice. Néanmoins, cette décision émanant de la plus haute juridiction du pays est restée lettre morte, et ce malgré les instructions données par les autorités concernées et l’avis favorable du ministère de la Fonction publique. Malgré cette attitude inexplicable de la part du ministre chargé de l’enseignement supérieur, je me suis toujours dit que tant que ce secteur fonctionne bien, il est inutile d’évoquer publiquement un problème personnel. C’est pour cette raison que je n’ai jamais parlé ouvertement de cette question avant la présente clarification.
Avec le temps, j’ai constaté que l’injustice que je subis n’est qu’une infime partie de la mauvaise gouvernance et de la corruption généralisée qui sévissaient depuis longtemps dans l’enseignement supérieur et qui ont atteint des proportions inouïes ces dernières années. Suite à ce constat, j’ai commencé à faire des recherches approfondies pour savoir les causes réelles de la déliquescence de notre enseignement supérieur. Mes efforts ont été couronnés par une réflexion intitulée : Les dysfonctionnements et les incohérences de l’Enseignement supérieur en Mauritanie : analyse et propositions que j’ai publiée au mois de juin passé dans plusieurs sites d’information locaux, en français et en arabe.
Ce travail a fait le diagnostic des différents problèmes de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ; il a aussi révélé, preuves à l’appui, des indicateurs de mauvaise gestion et de malversations dans ce département et certains établissements et organes qui s’y rattachent. Des propositions ont été aussi faites afin de pallier les dysfonctionnements et les distorsions constatés.
Le 18 juillet passé, j’ai publié un article sommaire, en arabe et en français, intitulé :
La situation difficile de l’enseignement supérieur exige un audit diligent
En fait, j’ai toujours pensé que le rôle de tout citoyen, quel que soit son niveau, est d’aviser les autorités compétentes de toute irrégularité, mauvaise gestion, malversation ou défaillance constatée dans le fonctionnement d’un service public donné. La responsabilité juridique et morale devient plus lourde lorsqu’il s’agit d’une personne instruite, notamment un universitaire, comme moi, qui vit quotidiennement et endosse les méfaits de la mauvaise gestion.
Aussi, au cours de la recherche susmentionnée, j’ai eu accès aux détails d’une affaire de malversation et de mauvaise gestion imputée à l’actuel ministre de l’enseignement supérieur par la Cour des Comptes lorsqu’il était le DG de la Société de Construction et de Gestion Immobilière de Mauritanie (SOCOGIM) de septembre 2005 à février 2010. Ne voulant pas charger ladite réflexion de questions autres que celles de l’enseignement supérieur, je n’ai pas cité cet antécédent du premier responsable de la gestion de l’Enseignement supérieur dans cette étude. Les faits de cette affaire sont consignés dans le rapport triennal de la Cour des Comptes pour les années 2010-2011- 2012 (version en français, pp.156- 163), rendu public le 6 décembre 2019 et publié sur le site web de cette instance. J’ai évoqué ici brièvement cette question pour que l’opinion publique nationale puisse comprendre pourquoi notre Enseignement supérieur est arrivé à ce stade de déliquescente, car celui qui le pilote depuis plusieurs années a derrière lui un passé managérial compromettant.
Compte tenu de ce qui précède et en vertu des dispositions de la loi n°014-2016 du 15 avril 2016 relative à la lutte contre la corruption, notamment les articles 14, 15, 16 et plus particulièrement la clause 20 réprimant la non-dénonciation des infractions, qui stipule qu’il «est punie d’un emprisonnement de un (01) à cinq (05) ans et d’une amende de deux cent mille (200.000) à un million (1.000.000) d’ouguiyas toute personne qui, de par sa fonction ou sa profession, permanente ou provisoire, prend connaissance d’une ou de plusieurs infractions prévues à la présente loi, et n’informe pas à temps les autorités publiques compétentes », j’ai accompli mon devoir citoyen en adressant, par écrit, le 30 juillet passé des requêtes aux instances officielles de contrôle, leur demandant de procéder à l’audit du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des TICs dans le but de faire toute la lumière sur la gestion de ce secteur où de forts indicateurs de malversation et de mauvaise gestion ont été révélés par l’étude précitée. Celle-ci a fait état, entre autres, de gâchis et / ou de disparition de sommes importantes de l’argent du contribuable qui seraient de l’ordre de plusieurs milliards d’Ouguiyas.