Adama Bocar Soko, le secrétaire général de la présidence mauritanienne, a déclaré, au cours d’une conférence de presse dans la capitale Nouakchott, que ce remaniement allait donner aux ministres cités dans le rapport « le temps dont ils auront besoin pour prouver leur innocence ».
Le président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, avait procédé jeudi, sans en donner la raison, à un changement de premier ministre et annoncé un remaniement ministériel, au lendemain de la remise à la justice du rapport d’une commission parlementaire sur la gestion de son prédécesseur, Mohamed Ould Abdelaziz.
Jusqu’à l’annonce de dimanche, la présidence mauritanienne n’avait pas établi de lien entre le remaniement et le rapport sur M. Abdelaziz, au pouvoir de 2008 à 2019.
L’ancien premier ministre visé
Parmi les dossiers étudiés par les neuf membres de la commission parlementaire, formée en janvier, figurent la gestion des revenus pétroliers, la vente de domaines de l’Etat à Nouakchott, la liquidation d’une société publique qui assurait l’approvisionnement de ce pays sahélien en denrées alimentaires ou encore les activités d’une société chinoise de pêche, Pully Hong Dong, selon des sources parlementaires.
Le parquet d’un tribunal de la capitale a fait savoir mercredi qu’il avait reçu le rapport. Il doit ouvrir une enquête au terme de laquelle une instruction va être éventuellement ouverte et a promis des investigations « en toute impartialité ».
Quatre ex-ministres ont été cités dans ce document, dont l’ancien premier ministre Ismaïl Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya, remplacé jeudi. Le nouveau gouvernement reste néanmoins assez similaire au précédent : dix-huit ministres ont été reconduits dans leurs fonctions. M. Soko a précisé que le nombre des ministères avait été réduit à vingt-deux, certains ayant été fusionnés.
L’ex-président mauritanien avait ignoré début juillet la convocation de la commission parlementaire pour s’expliquer sur les dossiers donnant lieu à des investigations, selon une source parlementaire.
« Haute trahison »
Les députés mauritaniens ont ensuite voté fin juillet une loi instituant une Haute Cour de justice chargée de juger le chef de l’Etat et des ministres en cas de « haute trahison ». La juridiction doit être mise en place dans les prochains mois.
Ce type de juridiction existait déjà en Mauritanie jusqu’à une révision constitutionnelle, en 2017, qui a entraîné sa dissolution. Un éventuel procès de l’ex-président Abdelaziz se déroulerait devant la Haute Cour, après un vote des députés sur l’opportunité ou non de le juger.
« La prise en compte du dossier par le parquet est une phase traditionnelle de la justice. Il faudra attendre la phase de l’instruction pour savoir si le dossier sera retourné au Parlement, où il pourra faire l’objet de remise à une commission d’instruction », explique le constitutionnaliste Lo Abdoul Gourmo. « Cette commission pourra requalifier les faits. S’il s’agit de faits de haute trahison commis par l’ancien président de la République, seule la Haute Cour de justice restera compétente pour le juger. »
Le président Abdelaziz avait pris le pouvoir dans ce pays pauvre de 4,5 millions d’habitants par un coup d’Etat militaire en 2008, puis remporté la présidentielle en 2009, suivie d’une autre en 2014.
Mohamed Ould Ghazouani, qui lui a succédé en août 2019, fut son chef de cabinet et ministre de la défense.
Le Monde avec AFP