Depuis quelques mois circulent sur le net des vidéos anonymes d’une rare violence verbale. Ni le président de la République, ni le Premier ministre, ni celui de l’Intérieur ni même des députés n’échappent à la vindicte de ces nouveaux mercenaires, lâches et anonymes. Que leur reproche-t-on en filigrane ? D’avoir « lâché » Ould Abdel Aziz ? De s’être engagé résolument sur une nouvelle voie où l’ex-Président, qui n’a pas laissé un souvenir impérissable, n’a plus de raison d’être ? D’avoir refusé d’occulter un passé très récent où le pays fut mis à genoux par un clan prévaricateur ? Probablement un peu de tout de cela, Ould Abdel Aziz n’ayant toujours pas digéré d’être évincé d’un pouvoir qu’il avait pris l’habitude soit d’exercer soit d’y interférer ouvertement depuis près de 15 ans. Mais la réalité est plus prosaïque encore. Depuis que la commission d’enquête parlementaire a été mise sur pied, certains ténors du régime déchu font des pieds et des mains pour que tout le monde soit placé dans le même panier. Laissant entendre que tout un chacun allait à la soupe. Que nul n’est irréprochable. Comment distiller tels propos ? Par l’utilisation abusive de réseaux sociaux qui, comme disait Umberto Eco, « ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles […] ainsi nantis aujourd’hui du même droit de parole qu’un prix Nobel. » Un combat d’arrière-garde perdu d’avance. Non seulement la Commission d’enquête est assez avancée dans son travail mais elle a même élargi ses compétences à d’autres dossiers tout aussi sulfureux que les sept sur lesquels elle planchait et la voilà à recruter des experts et autres bureaux d’études spécialisés pour l’aider dans une mission qui s’annonce apparemment plus périlleuse que prévu. Croient-ils, ces revanchards, que la roue de l’Histoire va s’arrêter de tourner ? Que leur champion dont on découvre jour après jour les immenses dégâts laissés derrière lui s’en tirera à si bon compte ? Qu’on nous répétera à l’envi, comme à chaque changement de régime : « Tournons la page ! » ? Que nenni ! La politique de la terre brûlée n’est en tout certainement pas la meilleure formule pour se disculper. Pire, elle peut valoir de grandes inimitiés. Et n’empêchera pas l’inéluctable grand déballage. Il faut s’armer de patience et de courage pour affronter son destin. Les biens de ce pauvre pays ont été tellement pillés pendant onze ans qu’il serait criminel de tout laisser passer par pertes et profits. Ce que certains zélateurs n’ont malheureusement pas encore compris. Publiez vos diatribes commandées, diffusez vos vocaux et vidéos sur le Net, diffamez à longueur de journée, insultez ouvertement, rien n’y fera : la machine est enclenchée et à ce rythme, elle broiera tout sur son passage. Et, certes, si « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », comme disait Francis Bacon, l’addition n’en sera pas moins salée à payer pour les commanditaires de la calomnie… et peut-être même plus, en ce que les calomniés peuvent se révéler fort peu indulgents.
Ahmed Ould Cheikh