Cher Ami Isselmou
J’ai lu avec attention et intérêt votre interview du 21 décembre 2014 sur cridem titrée : Une juste cause mal défendue ( http://haratine.com/Site/?p=1443 ) .
Tous ceux qui vous connaissent comme moi savent que vous êtes l’un des rares mauritaniens à dire et écrire sans détours vos convictions dussent elles paraitre aux autres comme des provocations.Il y a à peine une semaine, une autre interview de l’ami Boubacar, Président de SOS-esclaves : je combats ma propre violence, sonnait la même alerte sur le même sujet auquel on semble rester sourd.
Je crois vous connaitre assez pour dire que les propos que vous tenez sont sincères et responsables et que l’on doit en tenir compte. Ils ne doivent pas passer inaperçus.
Oui, il faut s’inquiéter pour le devenir de ce Pays qui nous est Cher et souhaiter une paix sociale et une coexistence pacifique a nos communautés.Comme vous la situation actuelle et son évolution m’inquiète et tout observateur attentif doit être de même. Il est donc urgent et souhaitable que les problèmes du Pays soient réglés de manière pacifique comme l’a toujours préconisé notre génération dés le début de sa lutte que cela soit au MND ou à ELHOR.
Nous sommes à présent pères et grands pères, deux générations ont grandi après nous et plusieurs de nos chers camarades nous ont quittés, que Dieu leur accorde sa miséricorde.
A chaque génération, sa conception et sa démarche pour résoudre ses problèmes. Peut être qu’à notre jeunesse, les injustices et les marginalisations étaient moindres que celles d’aujourd’hui : nous fréquentions les mêmes écoles, les mêmes internats, avions les mêmes tenus, mangions les mêmes repas, et avions les mêmes chances aux concours et examens que tous les autres fils du Pays. Cela nous a donné une égale et heureuse opportunité de promotion au début des premières années de l’indépendance.
Nous avions décidé de lutter pour nos frères et sœurs qui n’avaient pas eu la même chance que nous et qui vivaient sous la domination, dans l’exclusion, la pauvreté et l’ignorance. Nous avions pensé que cette situation pouvait être réglée rapidement et surtout pacifiquement par la conscientisation des esclaves d’abord, la volonté du pouvoir ensuite et enfin le renoncement des anciens maitres à une pratique d’un autre âge. Nous nous sommes trompés d’appréciation et devons reconnaitre notre erreur. La situation malheureusement perdure et les problèmes s’aiguisent.
Aujourd’hui la richesse des parents et leur notoriété font les différences dans la scolarité, dans l’emploi, dans les promotions politiques, administratives, économiques et sociales.
Nos jeunes ne voient aucun espoir pour leur avenir qu’ils aient fait une scolarité réussie ou non .Pour avoir une quelconque promotion, il faut servir de manière intempestive et arrogante les régimes en place ou être soumis au dictat de sa tribu et de ses notables. Peu de place dans la sphère de décideurs politiques et aucune liberté ni autonomie dans l’exercice des fonctions administratives et judiciaires pour les quelques rares qui ont eu le privilège de promotion. Tout leur talent est au service des autres et ils éprouvent beaucoup de gène à aider ou proposer ceux des leurs qui ont pourtant toutes les compétences demandées pour tel ou tel poste. Partout, les bureaux publics et privés, les fonctions civiles, les grandes écoles préparant à des métiers d’avenir et autres ne sont garnis que de cousins et cousines souvent sans aucun mérite.
Comment dans une telle situation ne pas comprendre le ras-le-bol des nouvelles générations des haratines ouvertes à ce qui se passe dans leur village planétaire, qui vivent au jour le jour ce qui se déroule partout ailleurs ?
Faut-il les condamner pour leur engagement de vouloir en découdre avec le système qui les opprime ?
Faut-il craindre qu’ils ne soient les perdants dans une telle confrontation si par malheur elle avait lieu puisque leurs adversaires sont armés et soutenus par le pouvoir ?
Je pense que sans chercher à mettre l’huile sur le feu, ni souhaiter une telle mésaventure, il ne faut pas être frileux ni avoir des préjugés sur les conséquences prévisibles.
L’histoire des luttes des peuples nous enseigne que bien souvent, ni le nombre, ni le niveau de l’arsenal d’armement ne comptent plus dans la victoire que la détermination sous tendue par la justesse de la cause. Bien des peuples opprimés sont parvenus à se débarrasser du jouc de leurs oppresseurs dés qu’ils se sont décidés à lutter et à consentir les sacrifices nécessaires à cette fin.
Espérons encore une fois ne pas en arriver là pour notre cher Pays et que Dieu continue de nous préserver des conséquences d’agissements irresponsables de ceux qui nous gouvernent si mal.
El Keihil Ould Mohamed El Abd