Les trois hommes, dont les mandats d’arrêt internationaux émis à leur encontre ont été retirés par la justice, retrouveront les leurs avec beaucoup de bonheur. On ne peut que s’en réjouir. Une criante injustice a été enfin réparée.
Le président Ghazwani, auquel l’opposition avait demandé, dès son accession au pouvoir, de mettre fin aux poursuites engagées contre les trois hommes pour des raisons politiques, a ordonné l’annulation desdits mandats. À cette même justice qui les avait émis par le seul fait du prince. Une justice à laquelle on ordonne de juger et de se déjuger.
Une justice à laquelle certaines robes portent un grave préjudice. Qu’est-ce qui a changé entre 2011, 2017 et 2018, dates de l’émission des mandats d’arrêt, et 2020, celle de leur annulation ? De nouveaux éléments disculpant les trois hommes ont-ils été versés aux dossiers ? De nouveaux juges ont-ils été chargés de ceux-ci ?
Quels changements, nonobstant le départ d’un Président qui instrumentalisa la justice au point d’en faire épée de Damoclès au-dessus de la tête de ses opposants ? Si les juges qui ont annulé les mandats étaient déjà certains, en leur intime conviction, de la vacuité des dossiers, pourquoi ne l’ont-ils pas fait plus tôt ?
Pourquoi attendre une décision politique ? Pour une affaire qui a connu un heureux dénouement, combien d’autres attendent dans les méandres de la justice qu’un juge reçoive l’ordre de les vider ?
Il est clair qu’à l’instar de l’éducation et de la santé, la justice est un chantier sur lequel le nouveau devra plancher au plus tôt.
Trouvez-vous normal qu’en un pays qui se veut démocratique et dont la Constitution garantit la séparation des pouvoirs, la promotion ou la déchéance des juges dépendent encore de l’Exécutif dont le chef préside le Conseil supérieur de la magistrature ?
Comment refuser un ordre inique, sachant qu’en un seul trait de plume, on peut briser votre carrière ? Certes des efforts ont été fournis pour améliorer les conditions matérielles des juges mais reste le plus important : leur garantir une indépendance effective.
Sans elle, point de justice efficiente. Cela fait plus de trente ans que nous répétons la même rengaine. Et les pouvoirs qui se suivent, eux, les mêmes promesses. « Sans justice, vous n’aurez jamais la paix », scandaient les manifestants de Juillet dernier à Paris, à l’occasion du troisième anniversaire du décès d’Adama Traoré dans les locaux de la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise en France.
On y fera précéder, en Mauritanie, ce tout aussi évident constat : « Sans liberté de jugement, pas de justice ». Et par voie de conséquence, pas de fraternité… ni encore moins d’honneur.
Ahmed Ould Cheikh
Source : Le Calame (Mauritanie)