Le sommet qui devait réunir à Pau le 16 décembre, à la demande d’Emmanuel Macron, les présidents africains du G5 Sahel a été finalement reporté à plus tard.
Les opinions publiques africaines avaient été interloquées par les propos du Président Emmanuel Macron, tenus à Londres, le 4 décembre 2019. Profondément marqué par le décès des treize militaires français dans un accident d’hélicoptères au Mali, le président français avait déclaré, dans la conférence de presse finale du Sommet de l’Otan, qu’il y avait urgence de faire « une clarification » sur la présence de la Force Barkhane au Sahel, alors que des mouvements anti-français se développent dans plusieurs pays sahéliens.
Passablement contrarié, le président français annonça urbi et orbi que les cinq chefs d’État concernés (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) participeraient le 16 décembre à Pau, ville de garnison de sept militaires décédés dans l’accident du Mali, à un Sommet de clarification sur leur volonté de tout mettre en œuvre dans la lutte contre le terrorisme en constante progression dans cette zone sahélienne.
Vives contestations sur la « convocation »
Alors que le climat anti-français ne cesse de monter en Afrique, souvent attisé par des campagnes contre le franc CFA, présenté comme un relent de la colonisation, les propos peu diplomatiques et sans égards envers leurs destinataires ont choqué jusque dans les Palais présidentiels africains. Les chefs d »Etat concernés ont fait savoir qu’ils attendaient la confirmation officielle, par les voies usuelles, de leur rendez-vous de Pau.
Évidemment très compatissants pour les militaires français victimes de leur devoir, les autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger font remarquer que plusieurs centaines de leurs ressortissants sont aussi victimes de la barbarie des Djihadistes. En se rendant dans les Pyrénées, les chefs d’État, avec leurs ministres des Affaires étrangères et de la Défense, de leur chef d’État-major des Armées et des services de renseignement savaient qu’ils auraient ensuite à affronter de violentes critiques de leur opposition, de plus en plus mobilisée.
In-Ates, tournant de la guerre
Au Sahel, les événements tragiques se succèdent à un rythme qui s’accélère. Le terrible coup porté au Niger par les Djihadistes à In-Ates, le 10 décembre 2019, accrédite la thèse d’une guerre totale. En effet, un nouvel échelon de cette guerre vient d’être franchi avec les plus lourdes pertes enregistrées depuis le début du conflit. Située près de la frontiere malienne et à 250 km de Niamey, la ville garnison de In-Ates est considérée comme une place forte bénéficiant du soutien de l’Opération Barkhane et des forces spéciales américaines avec leurs drones.
L’affrontement fut celui d’une bataille ordonnée avec plusieurs centaines d’hommes et des moyens logistiques adéquats. Désormais la question de la place de Barkhane dans la guerre au Sahel est posée.
Le report de la réunion de Pau
Suite à la déroute de In-Ates, le président Macron a décidé de reporter la réunion du 16 décembre 2019. Pourtant, les formalités diplomatiques usuelles d’invitations sollicitées par les chefs de l’État, bien que tardives, venaient juste d’être accomplies. L’ancien ambassadeur de France au Sénégal, désormais ambassadeur envoyé spécial pour le Sahel, Christophe Bigot, venait de porter le message d’invitation du président Macron. Moins de 24 heures plus tard, ils apprenaient le report de la réunion de Pau.
Certes, les événements de In-Ates ont compté dans ce report. Mais il faut aussi remarquer que le président tchadien Idriss Deby Itno avait regretté de ne pas pouvoir se rendre à Pau pour des raisons d’agenda. Le président tchadien a désormais ses priorités qui ne coïncident pas avec celles du président Macron.
Là également, le ministre Jean-Yves Le Drian peut mesurer la raréfaction de sa sphère d’influence en Afrique. A quoi aurait servi la réunion de Pau sans les Tchadiens, dont les militaires constituent les principales forces engagées au Sahel ?
Du 20 au 22 décembre 2019, le président Emmanuel Macron se rendra en visite officielle en Côte-d’Ivoire. Pas sûr que l’accueil soit aussi chaleureux que lors de ses précédentes visites en Afrique.