La création d’une agence entièrement dédiée à la problématique de l’esclavage et à son éradication, est un pas de géant sur la bonne voie. Mais elle ne suffit pas à elle seule si elle n’est pas soutenue par une volonté politique neuve.
Dans notre pays, cette question a été traitée avec passion. Elle le mérite certainement. Mais pas la passion qui aveugle. Ni celle qui est feinte.
Oui, l’esclavage existe encore. On ne peut parler de «séquelles » seulement, comme pour occulter les survivances abjectes de la pratique. On ne peut non plus faire fi des évolutions pour parler d’un «Etat esclavagiste».
La Mauritanie a été fondée sur une ambition de Modernité. Il s’agissait d’abord de promettre d’assurer l’égalité entre les citoyens, ensuite la justice, enfin le développement. Le pays a plus ou moins bien évolué sur la voie de la construction d’une Nation moderne.
Au regard de tous les principes et valeurs modernes, nous ne pouvons nier que le Mauritanien d’aujourd’hui est plus accompli. Il est sans aucun doute plus libre, plus maître de lui même et de ses biens, plus conscient de ses droits, plus instruit sur ses droits, mieux dans sa tête et dans sa peau.
Le Mauritanien d’aujourd’hui est moins sujet, moins objet que celui de 1960. Une évolution (presque) normale parce que procédant de la loi du Progrès en général. Mais une réalité à consolider, à fructifier, à développer. Les survivances du passé sont des tares dont il faut se débarrasser au plus vite parce qu’elles annulent tous les efforts consentis pour la construction d’un Etat moderne. L’esclavage est la plus abjecte de ces survivances. Nous avons eu la Constitution de 1961 qui l’abolissait de fait, puis l’Ordonnance de 1981, mais il nous a fallu la loi criminalisant la pratique ces dernières années pour nous donner l’impression qu’il manquait beaucoup à l’arsenal juridique dédié à l’élimination de la pratique. Parce que les textes ne suffisent pas à eux seuls. Il faut les appliquer, les faire respecter pour qu’ils favorisent l’avènement d’un nouvel ordre.
Comment la nouvelle agence peut-elle être cet outil révolutionnaire ayant vocation de fonder un ordre nouveau ?
D’abord en faisant d’elle une opportunité de convergence dans le traitement de la question. C’est-à-dire qu’en impliquant les associations spécialisées dans la question, les chercheurs ayant travaillé sur la question, les militants de la cause…, on lui donne des chances d’absorber les passions négatives qui ont jusque-là parasité le traitement de la question.
Au Conseil d’administration (s’il y en a), au conseil consultatif (s’il y en a), dans l’administration, doivent apparaitre des noms connus pour leur maitrise du dossier.
Ce doit être aussi l’occasion de chercher l’efficacité qui suppose la compétence, la droiture et l’engagement. Il existe, à travers les choix et la symbolique, des outils (ou options) «stratégiques» qu’un dirigeant peut promouvoir en leur accordant plus d’intérêt que d’autres. Cela est reflété par le dispositif déployé et le positionnement choisi. La nouvelle agence est rattachée à la Présidence de la République directement.
Le choix de ses dirigeants et de son encadrement doit être le plus judicieux possible. Pour ce faire répondre aux attentes.
A un an de l’échéance présidentielle, Ould Abdel Aziz se soucie sans doute du bilan qu’il va devoir présenter sur la question. Ce sera certainement un axe stratégique de sa campagne, d’abord de son bilan.
Mais en attendant, l’on doit éviter les polémiques stériles autour des survivances de la pratique de l’esclavage. Ne pas s’obstiner à nier l’existant. Ne pas non plus occulter les avancées.
Source: La Tribune de Mauritanie