En Mauritanie, l’élection du président est un « nouveau coup d’État » pour l’opposition

Le 26/06/2019 – Le Croix

Suite à l’annonce de la victoire contestée, le 22 juin, de l’ex-général Ghazouani, les autorités mauritaniennes procèdent à des arrestations massives. Internet a été coupé et les manifestations ont été interdites.

Comment s’est déroulé le scrutin présidentiel ?

Candidats de l’opposition et société civile étaient sur le qui-vive avant la tenue, samedi 22 juin, du scrutin présidentiel, censé permettre la première passation de pouvoir démocratique entre un président sortant et son successeur, dans une Mauritanie longtemps coutumière des coups d’État.

’armée et la garde nationale (rattachée au ministère de l’intérieur), largement déployées dans le pays, ont procédé à des arrestations massives, y compris d’étrangers maliens, guinéens et sénégalais, le ministre de l’intérieur Ould Abdallah voyant dans ces manifestations l’œuvre d’« une main étrangère » déployant « un plan de déstabilisation » de la Mauritanie.

L’Internet mobile a été coupé, puis la fermeture a été étendue, mardi 25 juin, à l’ensemble du réseau Internet dans le pays. « C’est pour empêcher la diffusion des images de l’extrême brutalité des forces de l’ordre sur les réseaux sociaux », commente l’avocate Fatimata Mbaye, présidente de l’association mauritanienne des droits de l’homme, surprise du « déchaînement de violence inattendu ».

Comment la situation évolue-t-elle ?

Les sièges de campagne des quatre candidats de l’opposition ont été fermés, et même dévastés selon plusieurs témoignages. Plus de cent personnes sont en garde à vue depuis dimanche. Et les arrestations se poursuivent, y compris celle de l’un des leaders de l’opposition Samba Thiam. « Les commissariats de Nouakchott sont pleins », relève l’avocate. Selon elle, les personnes arrêtées, qualifiées d’émeutiers, seront déférées devant le parquet et risquent de lourdes peines.

« C’est un état de siège qui ne dit pas son nom », a dénoncé Biram Dah Abeid. Le célèbre militant anti-esclavagiste, arrivé deuxième avec près de 19 % des voix, a toutefois appelé les Mauritaniens à « la retenue et à respecter la loi et la tranquillité ». Mais chacun s’interrogeait sur l’évolution dans les jours à venir. L’appel de l’opposition à manifester le 24 juin avait été reporté à ce jeudi 27 juin, mais toute manifestation a été interdite par le gouvernement.

Y aura-t-il un recomptage des voix ?

Trois des quatre candidats de l’opposition ont déposé un recours en annulation devant le conseil constitutionnel, et tous appellent la Ceni, la commission nationale électorale dite indépendante, à publier les résultats bureau de vote par bureau de vote.

« Malheureusement, au regard de l’histoire mauritanienne, il n’y a guère d’espoir », reconnaît Fatimata Mbaye. Il y a eu selon elle beaucoup trop d’irrégularités et d’achats de voix. Un recomptage conduirait immanquablement à la nécessité d’un deuxième tour de scrutin. « L’ensemble de l’opposition aurait alors fait bloc autour d’un candidat unique, qui l’aurait forcément emporté, assure-t-elle, Ghazouani n’est vraiment pas populaire. »

La France, elle, par la voix de la porte-parole du quai d’Orsay, « salue le bon déroulement de l’élection présidentielle » qualifiée de « moment démocratique historique » et « félicite » le nouvel élu.