Bien qu’attendue, la victoire dès le premier tour de Mohamed Cheikh El-Ghazouani, dauphin du président sortant, est entachée d’irrégularités, selon ses opposants qui ont appelé à manifester.
Est-ce parce que le président sortant et son successeur sont deux anciens généraux putschistes ? En tout cas, à peine M. Ghazouani s’était-il proclamé lui-même vainqueur de l’élection (intervenue le 22 juin 2019), à partir des résultats de 80% des bureaux de vote, que l’opposition qualifiait cette annonce précoce de « nouveau coup d’Etat ».
L’opposition crie depuis des mois aux risques de perpétuation d’un régime « militaire » et de fraude. La Commission nationale électorale indépendante (Céni) a pourtant confirmé la victoire revendiquée dès avant l’aube le 23 juin 2019 par M. Ghazouani, avant validation par le Conseil constitutionnel.
Le candidat du pouvoir remporte 52,01% des suffrages et arrive en tête dans toutes les provinces du pays, à l’exception de Nouadhibou (nord-ouest), où il est devancé par M. Ould Abeid, le militant anti-esclavagiste, qui atteint 18,58% dans le pays.
Suivent trois autres opposants : l’ex-Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar (17,87%), le journaliste Baba Hamidou Kane (8,71%) et le professeur d’université Mohamed Ould Moloud (2,44%).
Une forte participation électorale mais pas de liberté d’expression
Ce scrutin représente la première transition entre deux présidents élus dans ce vaste pays du Sahel secoué par de nombreux coups d’Etat de 1978 à 2008, date du putsch qui a porté Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir, avant son élection en 2009. Il ne pouvait se représenter après deux mandats.
Les Mauritaniens ont voté nombreux – 62,66% de participation – pour désigner leur président, qui devra préserver l’équilibre du pays chèrement conquis, mais aussi en assurer le développement économique et y faire progresser le respect des droits de l’Homme.
Certes, M. Ould Abdel Aziz a stabilisé la Mauritanie, frappée dans les années 2000 par des attentats jihadistes et des enlèvements d’étrangers, en menant une politique volontariste : remise sur pied de l’armée, surveillance accrue du territoire et développement des zones reculées. Mais la liberté d’expression est fortement réprimée dans le pays.
Pour preuve, l’histoire, déjà longue de cinq années, du blogueur Mohamed Mkhaïtir toujours emprisonné dans un lieu inconnu, alors que la Cour d’appel avait annulé sa condamnation à mort en novembre 2017 et ramené sa peine à deux ans de prison, déjà effectués.
Depuis, aucune nouvelle du jeune homme. Amnesty International réclame sa libération. Le nouveau président agira-t-il dans ce sens ?
L’opposition veut comparer ses relevés avec les résultats proclamés
Mais les critiques se focalisent sur les droits fondamentaux, dans une société marquée par des disparités persistantes entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d’esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne.
La croissance économique, de 3,6% en 2018, bien qu’en amélioration, reste, quant à elle, insuffisante par rapport à la démographie, selon un rapport de la Banque mondiale (BM) publié en mai 2019.
Après le scrutin du 22 juin, les candidats de l’opposition exigent de la Céni la publication des résultats « bureau par bureau » afin de pouvoir les comparer avec leurs propres relevés qui valideraient l’hypothèse de la tenue d’un second tour, le 6 juillet.
« Nous allons organiser des manifestations de protestation, c’est notre droit constitutionnel », a déclaré Mohamed Ould Moloud, insistant sur leur caractère « pacifique ».
Source : Francetvinfo