30 November, 2018 – Le Calame
Pour contribuer autant que possible à l’information de mes compatriotes d’adoption pendant cette période où se décide le respect ou pas de l’actuelle Constitution, je crois utile et édifiant le rappel d’événements encore récents mais ayant fondé la courte transition démocratique de 2005-2007, puis caractérisé le régime issu du putsch de 2008.
S’il plaît à Dieu et aux lecteurs de ce journal, qui me fait l’honneur de me publier depuis Mai 2007, le cinquantième anniversaire d’une arrivée au pouvoir, consensuelle comme jamais en Mauritanie, celle du vénéré président Moktar Oud Daddah, je persévérerai dans nos prochains numéros.
Bertrand Fessard de Foucault.
De retour de sa première visite officielle au Maroc depuis le putsch du 3 Août 2005, le colonel Ey Ould Mohamed Vall, président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie, qui a renversé le colonel Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, prend connaissance d’un mémorandum de vingt-deux partis politiques mauritaniens alors existant. A la suite de trois journées de concertation nationale, tenues du 25 au 29 Octobre 2005, il avait été décidé que l’exercice des fonctions présidentielles sera limité à deux mandats, qu’une commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.) prendra les attributions du Conseil constitutionnel pour organiser et juger les élections, qu’enfin et surtout les membres de la junte et du gouvernement qu’elle a nommés, ne sont pas éligibles aux prochains scrutins.
Le mémorandum du 23 Novembre 2005(1) réclame l’interdiction des candidatures indépendantes de manière à « renforcer le rôle des partis politiques dans l’édification d’une société libre et démocratique à laquelle aspire l’ensemble des Mauritaniens ». Cette interdiction fondait le régime électoral précédent mais le Conseil militaire (C.M.J.D.) vient de l’abolir : l’indépendance des candidatures est « un droit constitutionnel et un choix politique garanti par toutes les démocraties ». Les partis, signataires du mémorandum veulent aussi qu’il soit mis fin au « nomadisme des élus », quittant souvent leur parti d’origine pour aller dans une autre formation. Ils réclament aussi l’introduction de la représentation proportionnelle dans le cadre de « listes nationales » pour garantir la représentativité des futurs élus. S’ils se satisfont de la nomination consensuelle d’un colonel à la retraite, Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine pour présider la C.E.N.I. (2), en revanche, ils veulent le renforcement des prérogatives de cette Commission. Nommée la veille (3) sur la base d’une liste de cent cinquante personnes proposées par le gouvernement et les partis politiques, elle est de quinze membres et comprend notamment deux femmes et des militants des droits de l’homme. En revanche, le maintien de l’interdiction de tout mouvement à référence islamiste n’est pas évoqué par les partis, légalement reconnus.
Tandis que le colonel Ely Ould Mohamed Vall introduit la célébration de la fête nationale en déclarant que « la Mauritanie bénéficie aujourd’hui d’une opportunité historique spécifique permettant aux Mauritaniens de déterminer le devenir de leur pays. Pur cela, je vous convie à privilégier la conscience patriotique afin que tout un chacun y participe »(4) et que, par mesure d’austérité, les habituels défilés militaires à cette occasion sont supprimés, le régime de fait commence d’être enfin reconnu internationalement. « L’Assemblée paritaire Union européenne – pays d’Afrique, Caraïbes, Pacifique, se félicite du consensus national et prend acte des engagements pris par la junte de rétablir un gouvernement civil issu d’élections, avec des présidentielles dans un délai de dix-neuf mois ». Délibérant à Edimbourg (Grande-Bretagne), l’assemblée demande donc à la communauté internationale de soutenir les évolutions mauritaniennes en cours. De part et d’autre – Mauritanie, étranger – tout sera exécuté.
Reste que la question des candidatures indépendantes va peser sur l’avenir de la démocratie en préparation. Le poids de celle-ci dans les agencements qui se succéderont pendant la courte présidence de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, lui-même sans parti quand il déclare sa candidature à l’élection résidentielle, a sans doute contribué aux revirements et aux disponibilités diverses des élus en Novembre 2006 au nouveau Parlement. Mais on ne récrit pas l’Histoire, surtout quand manquent ou sont interdites d’accès les sources nationales de documentation et d’investigation : c’est le propre des régimes autoritaires à l’origine contestable.
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Le 17 Novembre¨(5), Alain Joyandet, secrétaire d’tat français à la Coopération, constate que l’ultimatum lancé par l’Union européenne aux putschistes du 6 Août, a expiré, mais assure – après avoir rencontré Jean Ping, président de la Commission africaine – qu’aucune décision de sanctions n’est imminente. La mise en résidence surveillée, chez lui à Lemden, du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, au lieu de son maintien au palais des Congrès de Nouakchott, « est un premier signe mais il faut aller plus loin… il n’est semble-t-il pas encore en capacité d’être totalement libre ». Les euphémismes du président en exercice de l’Union européenne correspondent au langage convenu avec le président auto-proclamé d’un Haut Conseil d’Etat, nouvelle appellation des comités militaires qui se sont succédé en Mauritanie depuis le renversement – le 10 Juillet 1978 – du président Moktar Ould Daddah… Le 20 Novembre, les putschistes avaient indiqué par lettre à Bruxelles(6) avoir libéré le président de la République, élu le 25 Mars 2007, en réponse à l’obligation qui leur était faite de rétablir « l’ordre constitutionnel ».
Ce n’est que le 23 Novembre 2008, que le général Mohamed Ould Abdel Aziz abat les cartes. La veille, une des principales organisations arabes, bailleuse de fonds, a rompu le « blocus » financier en accordant cent millions de dollars à des projets de production laitière principalement(7). Le président de l’O.A.D.A., reçu par le putschiste, annonce même la création d’un fonds agricole. « La solution à cette crise qui est d’ailleurs très simple, ne viendra que des Mauritaniens eux-mêmes, pas de l’Union africaine ou de ‘Union européenne ». Discourant à Rosso, celui qui avait organisé au profit du précédent dictateur, le colonel Maaouya Ould d’Ahmed Taya, le B.A.S.E.P., vingt ans plus tôt, pour assurer la protection du chef de l’État d’alors, et qui en a depuis toujours gardé le commandement personnel et opérationnel, annonce des « états-généraux de la démocratie » et appelle les Mauritaniens à « réfléchir sur l’avenir de leur démocratie, afin d’éviter de tomber dans la dictature comme sous Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Le pays est le vôtre, la solution sera la vôtre, nous devons ensemble nous organiser pour discuter et organiser des élections présidentielles qui relèvent de la seule responsabilité du peuple mauritanien »(8). C’est ainsi que s’est fondé – il y a dix ans – le régime actuel. Bien entendu les détracteurs à l’étranger sont des menteurs et les adversaires de l’intérieur du pays sont des corrompus. Pour faire bonne mesure, le général Mohamed Ould Abdel Aziz promet à Zouerate, le surlendemain, 25 Novembre, jour de la fête nationale de l’armée(9), de « reconstruire l’armée sur des bases solides » pour faire face à la menace terroriste. Sa propre prise de pouvoir répondait à son limogeage par le président de la République. « L’armée a été délaissée par les précédents régimes qui l’ont quasiment anéantie, laissant s’installer un climat de chaos et de peur. Nous allons la reconstruire sur des bases solides, pour lui permettre de jouer son rôle et de lutter contre l’insécurité. L’armée redeviendra plus forte que jamais auparavant » et d’accuser les régimes précédents … comme s’il ne s’agissait pas de régimes militaires depuis trente ans, à la seule exception des quinze mois de la tentative démocratique présidée par Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, seul chef de l’État mauritanien à avoir été régulièrement élu au terme d’un scrutin à deux tours, observé puis salué par le monde entier, ce qui n’avait aucun précédent en Mauritanie. Le paradoxal discours est tenu non loin de Tourine où Al-Qaïda avait surpris une patrouille de l’armée nationale, tuant onze soldats et leur guide civil, le 14 Septembre. Or, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, chef de la sécurité présidentielle depuis vingt ans, chef de l’état-major particulier du président de la République, puis président des énièmes putschistes, est en permanence le plus haut responsable de la sécurité du pays. Il conclut, le 28 Novembre(10), cinquantième anniversaire de l’indépendance nationale : « le Haut Conseil d’Etat n’avait entrepris cette action (le putsch) ni par désir de prendre le pouvoir et encore moins pour y rester… Le Haut Conseil a mis définitivement fin aux pouvoirs de l’ancien président dans le but de sauver le pays des dangers qui le menaçaient et de le soustraire aux crises dans lesquelles il se débattait ». L’issue du processus qu’il annonce, s’inspire de celui du précédent comité militaire, le Conseil militaire pour la justice et la démocratie, qui avait renversé le 3 Août 2005, le colonel Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, après plus de vingt ans de son « règne ». Aujourd’hui, qu’il termine son second mandat présidentiel, sans que la Constitution révisée par referendum selon ce Conseil militaire dont il faisait partie, lui en permette un troisième… le général Mohamed Ould Ahmed Aziz n’a que dix ans de séjour à la tête de l’Etat.
La révision constitutionnelle par référendum le 25 Juin 2006, a même rétabli le serment de l’élu à sa prise de fonction et limité à une fois sa réélection éventuelle(11) le referendum du 5 Août 2017 n’a rien ajouté à ces dispositions(12). La conscience d’un seul homme et la prochaine écriture de l’Histoire nationale sont actuellement confondues..
à suivre….
Ould Kaïge
1 – Agence France Presse Nouakchott . 23 Novembre 2005 à 19 heures 22
2 – putschiste de 1978, il a été chargé du Comité permanent de la junte en 1982, puis ministre des Affaires Etrangères pour les débuts du colonel Maaouya Ould Sid Ahmed Taya. Depuis le putsch de 2008, c’est un militant notoire pour le rétablissement de la démocratie, et unanimement respecté
3 – Agence France Presse Nouakchott . 22 Novembre 2005 à 17 heures 11
4 – Agence France Presse Nouakchott . 27 Novembre 2005 à 21 heures 44
5 – Agence France Presse Nouakchott . 17 Novembre 2008 à 15 heures 59
6 – Agence France Presse Nouakchott . 20 Novembre 2008 à 13 heures 06
7 – Agence France Presse Nouakchott . 22 Novembre 2008 à 17 heures 18
8 – Agence France Presse Nouakchott . 23 Novembre 2008 à 21 heures 20
9 – Agence France Presse Nouakchott . 25 Novembre 2008 à 19 heures 15
10 – Agence France Presse Nouakchott . 28 Novembre 2008 à 13 heures 12
11 – – – – révision référendaire du 20 Juin 2006
ARTICLE 28 (nouveau): Le Président de la République est rééligible une seule fois.
ARTICLE 29 (nouveau): Le Président nouvellement élu entre en fonction à l’expiration du mandat de son prédécesseur.
Avant d’entrer en fonction, le Président de la République prête serment en ces termes :
« Je jure par Allah l’Unique de bien et fidèlement remplir mes fonctions, dans le respect de la Constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national.
Je jure par Allah l’Unique de ne point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives aux conditions de la durée et du renouvellement du mandat du Président de la République, prévues aux articles 26 et 28 de la présente Constitution ».
12 – faisant suite aux « Assises du dialogue inclusif », organisé entre la majorité et l’opposition modérée du 29 septembre au 20 octobre 2016, mais boycotté par une partie de l’opposition, un referendum est prévu puis son projet est annulé le 30 décembre 2016 « du fait d’une conjoncture économique difficile ». Le gouvernement décide de passer par la voie parlementaire, selon l’article 99 de la Constitution, mais, le 9 mars 2017, la proposition bien qu’ adoptée le 9 mars 2017 par l’Assemblée nationale (141 voix sur 147) est repoussée, le 18 par le Sénat (33 voix sur 56, dont 24 de la majorité au pouvoir) – wikipédia 5 Août 2017
Deux questions ont été posées aux Mauritaniens : la suppression de la Chambre haute et l’institution de nouvelles collectivités territoriales d’une part, l’ajout au drapeau national de deux bandes horizontales sanglantes