La première, autour d’une caisse noire dont le ministre puiserait, chaque mois, trois millions cinq cent mille. La seconde, lors de la session parlementaire en cours où le député accuse le ministre de percevoir un salaire avoisinant les vingt-cinq millions d’ouguiyas.
Les passes d’armes verbales, entre les deux responsables de l’UPR, ont été si chaudes que les injonctions du député Tawassoul, Mohamed Goulam Cheikh, qui présidait la séance ont à peine évité le débordement.
Mais quelle que soit l’imprécision des allégations du député et les réponses, à l’emporte-pièce du ministre, la question des disparités salariales, entre les fonctionnaires mauritaniens, est un véritable problème sur lequel le gouvernement devra rapidement se pencher.
L’actualisation des textes juridiques (décrets et lois) organisant ces salaires, les indemnités et les avantages doit être entreprise, afin d’en redresser les nombreuses incohérences.
À cet égard, les propos du député ne sont pas totalement faux. Certains fonctionnaires nationaux touchent beaucoup trop d’argent, alors que des cadres de même catégorie sont misérablement rétribués.
La différence, entre les salaires des uns et des autres, peut parfois atteindre des millions. Le paradoxe, en tout cela, est, par exemple, qu’un professeur du second cycle ou un instituteur, travaillant entre vingt-deux heures et trente heures par semaine, ne perçoit que le quart de l’indemnité mensuelle du comptable d’un petit projet, comptable qui n’a généralement pas dépassé les bancs d’un collège de brousse et dont le travail ne dépasse généralement pas quelques jours du mois.
Or le calcul des salaires doit se faire sur le travail accompli, compte-tenu, éventuellement, des références académiques. Il est évident que beaucoup d’autres éléments de paie, liés à la motivation et à la prémunition contre les tentations diverses, sont pris en compte. Mais pas aussi exagérément que ce qui se fait en Mauritanie.
En France, par exemple, les salaires ne sont pas aussi disparates. Le revenu mensuel du Président égale celui de quatre cadres. Alors que, chez nous, vingt-cinq millions d’anciennes ouguiyas représentent le salaire mensuel de cent soixante-dix cadres du ministère de l’Éducation nationale (professeur ou inspecteur).
L’autre incohérence est que les indemnités des directeurs centraux, des chefs de service et des chefs de division diffèrent d’un ministère à un autre. Un directeur central du MEN perçoit une indemnité mensuelle de 5000 N-UM, contre 2500 pour le chef de service, alors que leurs collègues du ministère des Finances perçoivent mensuellement au moins six fois plus.
Dans sa tentative de réponse aux propos du député Ould Babana, le ministre des Finances a utilisé, au moins trois fois, l’expression « la part des chefs », dans le partage des indemnités en certaines directions de son ministère. La relecture des décrets et lois organisant ces avantages doit commencer par polir divers concepts, afin de les départir de leur connotation péjorative et éminemment caduque.
Les termes de « caisse noire » ou de « part des chefs » renvoient à des pratiques opaques et peu orthodoxes qui s’accommodent très mal avec la bonne gouvernance et la lutte contre la gabegie.
Dans son intervention, le ministre de l’Économie et des finances a évoqué des décrets dont le plus récent date de 1988. C’est-à-dire d’il y a trente ans. Certaines indemnités, comme, par exemple, la prime de risques allouée aux agents du corps de la police, sont régies par des dispositions du début des années soixante (vers 1963).
Cette prime est restée de 25 N-UM jusqu’à nos jours. Selon le ministre de l’Économie et des finances, tous les avantages que perçoivent les fonctionnaires de ses directions (Douanes, Impôts, Budget, Direction de la Comptabilité et du Trésor Public) sont légalement prévus par des décrets.
Quand bien même : l’urgence est de procéder à une relecture des dispositions régissant les paiements de la quarantaine de mille de la fonction publique, afin de réduire les disparités injustifiables entre les fonctionnaires. C’est normalement ça, le défi que devraient relever le ministère des Finances et le Parlement. Toute autre polémique est malvenue et hors de propos.
El Kory Sneiba
Source : Le Calame (Mauritanie)