Dans un rapport exhaustif publié récemment, l’ONG Transparence Inclusive a mis en lumière les graves dysfonctionnements et les soupçons de corruption entourant le projet Aftout Ech-Chargui, un ambitieux programme d’approvisionnement en eau potable destiné aux communautés rurales du Gorgol, de l’Assaba et du Brakna.
Lancé sous l’égide du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, il visait à améliorer l’accès à l’eau potable pour 155 000 personnes, en construisant un réseau complexe de réservoirs, conduites et châteaux d’eau.
Sa mise en œuvre était divisée en deux phases confiées respectivement à la société Arab Contractors qui a achevé sa tâche « de manière acceptable », souligne le rapport, et à un consortium dirigé par une société appartenant à Zein El Abidine, président de l’Union Nationale du Patronat mauritanien et dont les résultats sont beaucoup moins probants, selon les termes de l’enquête.
Le rapport détaille les manquements en termes de quantité et de qualité des composants-clés du projet. Il pointe du doigt le non-respect des spécifications contractuelles, des matériaux de qualité inférieure, et une coordination déficiente entre les entités de supervision et l’entreprise en charge de la construction, entraînant une capacité hydrique nettement inférieure aux objectifs.
De plus, une augmentation suspecte du budget a été accordée avant même l’achèvement des travaux, justifiée par des arguments fallacieux tels que l’extension des bénéfices à plus de villages, l’augmentation de la hauteur des châteaux d’eau et l’amélioration des capacités de pompage — des affirmations rapidement démenties par les faits : la majorité des installations ne fournissent pas d’eau de manière fiable, avec des coupures totales observées dans 20 % des cas et un approvisionnement intermittent et insuffisant dans 72 % des cas. Seulement 8 % des installations fonctionnaient correctement au terme de l’enquête de l’ONG.
Le supplément susdit a été accordé avec la complicité de trois acteurs : la tutelle, représentée par monsieur Ahmed Zeidane ould Taleb Mokhtar, coordinateur du projet Aftout ech-Chargui, qui a signé le contrat d’annexe additionnelle et présidé le comité d’accueil ne faisant état d’aucune pénurie dans les quantités des composantes de l’accord malgré sa valeur élevée et se contentant de quelques observations formelles ; les bureaux des études de la SGIE, affilié à l’homme d’affaires Mohamed Lamine Ould Betah, et de l’ACEI, dirigé par Seydou Coulibaly, associés pour la circonstance, qui ont de concert produit des documents frauduleux pour justifier ladite augmentation, signant notamment les procès-verbaux de réception des quantités contrefaites ; et enfin les membres du comité d’accueil dont aucun ne s’est opposé à la non-exécution d’environ 23% des travaux programmés dans les trois composantes du projet.
Vaste opération de détournement de fonds, conclut Transparence Inclusive qui appelle à une enquête immédiate pour élucider ces accusations graves et récupérer les fonds gaspillés, soulignant l’importance cruciale du projet pour les communautés-cibles et la nécessité de mettre fin à ces pratiques corruptibles qui entravent le développement et le bien-être des populations les plus vulnérables.
Très précis et documenté, le rapport de l’ONG aura également eu le mérite de mettre en évidence les processus d’entente et de manipulation du projet et de ses objectifs, donnant ainsi aux (éventuels ?) enquêteurs ultérieurs de l’État mauritanien des outils sérieux pour s’attaquer aux arnaqueurs en col blanc… Merci, Transparence Inclusive !
Ahmed ould Cheikh
Source : Le Calame – Mauritanie