La question de la citoyenneté en Mauritanie est un sujet délicat. Le problème du vivre ensemble se manifeste quand un pays devient une société pluraliste : la notion de citoyenneté commence alors à apparaître comme le terme le plus approprié pour véhiculer l’idée d’un espace à l’intérieur duquel chacun se reconnaît participant d’un horizon commun. Mais il est difficile de définir les frontières de cet horizon, de donner des contenus riches en valeur et en culture à la reconnaissance réciproque des sujets, dans le contexte spécifique de préserver tout-à-la-fois le pluralisme et la spécificité de la Nation.
Je ne veux pas m’arrêter sur les définitions de la citoyenneté et sur les multiples façons de la concevoir : le point focal de ma contribution est la citoyenneté responsable. Il suffit de considérer que l’idée de citoyenneté ne renvoie pas à une simple donnée juridique : bénéficier de droits, détenir la responsabilité ; mais à un processus de construction d’une conscience individuelle et collective, un processus d’édification d’une société. C’est en cela qu’on peut parler de citoyenneté responsable, c’est-à-dire un processus d’appartenance. Celui-ci engagé, on commence alors à devenir citoyen.
Un statut juridique
Il est communément admis de considérer la citoyenneté comme l’état ou la qualité de citoyen. Elle permet en effet à un individu d’être reconnu non seulement comme membre à part entière d’une société ou d’un État mais aussi de participer à la vie politique. La citoyenneté effective implique ainsi une participation à la prise de décision, à travers diverses instances de représentation, notamment. La citoyenneté revêt aussi un aspect juridique. En effet, elle est le statut juridique qui permet à un individu d’accéder à cette responsabilité, en d’autres termes de devenir citoyen. Dans cette optique, la citoyenneté donne accès à l’ensemble des droits politiques, tout en déterminant des devoirs permettant de participer à la vie civique d’une société ou d’une communauté politique, par opposition au simple fait d’être résident. En général, la citoyenneté est liée au droit de vote. Dans une société démocratique, la citoyenneté est également l’une des composantes du lien social, notamment par l’égalité des droits qui lui est associée. De fait, l’égalité se situe au cœur de la notion de citoyenneté. Quand bien même des individus ne disposeraient pas de la nationalité de l’État où ils se trouvent, il leur est possible de jouir d’un certain nombre de droits dont celui de participer aux élections au moins en tant qu’électeurs. Beaucoup d’États se sont inscrits dans cette dynamique.
Avec la Constitution de 1991, on a assisté, en Mauritanie, à un renforcement de la citoyenneté comme vecteur essentiel de l’État de Droit. On lit notamment dans le texte fondamental que la Mauritanie « développe une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les droits et les devoirs de la citoyenneté ».
De ce qui précède, la relation qui lie l’individu à l’État semble revêtir deux aspects distincts : l’un répondant à un souci d’appartenance et d’identification, l’autre ayant plus trait à la question de la participation, des droits et des devoirs. Pour le premier aspect, le seul souci est de procurer à l’individu une assiette de contenance grâce à laquelle il jouit d’une identité. Il est de nos temps malaisé pour une personne de se trouver sans appartenance à un État.
Sécurité, première des libertés
Dans une société de droits et devoirs, le citoyen est tout naturellement partie prenante dans le dispositif des relations avec l’État qui régit les rôles de chacun pour réaliser ce qu’on appelle la cohésion sociale indispensable à toute bonne marche de la société vers le progrès et la stabilité politique. C’est une condition sine qua non pour toute émergence. La sécurité, à l’instar des autres domaines, est l’une des principales raisons de la citoyenneté. Bien que mission éminemment régalienne, elle requiert la participation incontournable du citoyen pour sa réalisation. Á mon avis, elle est élevée au rang de valeur et donc considérée comme un bien commun que la communauté doit protéger. Je considère que la sécurité est la première des libertés et le premier des droits fondamentaux de la citoyenneté. Elle ne s’oppose pas à la liberté mais contribue bien au contraire à l’assurer et à permettre la réalisation des autres libertés dites classiques, telles que celles de circuler, accéder à la propriété, entreprendre, s’associer, etc.
Au niveau de la compréhension des pratiques, on ne peut plus aujourd’hui considérer la citoyenneté dans sa dimension universalisante, abstraite et exclusivement normative, déconnectée des réalités auxquelles se rattache la pluralité des modes de vie et de pensées. Elle est bien souvent pensée en relation avec l’État-nation, du moins avec certaines actions du domaine public. Je trouve qu’un bon citoyen est capable de se conformer, de manière relativement enthousiaste et patriotique, aux valeurs et aux normes du pays. Je trouve également qu’un bon citoyen est également une personne qui s’investit dans les actions civiques, notamment au niveau de la protection de l’environnement et des aides sociales envers les personnes démunies.
Il est important de considérer la citoyenneté comme une soupape de sécurité pour l’unité, le développement et la prospérité de la nation. Elle détermine l’identité des individus en ce que celle-ci peut être déterminée par l’identité de la nation. Certes il s’avère que la réalité des conflits de civilisation oblige les nations à s’accrocher à leur identité et à leur spécificité pour affronter le risque de disparaître ou de se dissoudre dans autre chose. Dans cet esprit, je dois parler du degré de citoyenneté, son concept et ses valeurs. Elle est également déterminée par son degré d’enracinement dans la profondeur historique et émotionnelle de notre pays. Á cet égard, quelles sont les stratégies et solutions appropriées pour éviter la perte de l’identité nationale et développer des sentiments patriotiques ?
Quand la citoyenneté pose problème ?
La citoyenneté est une pratique, une procédure qui commence par l’acquisition et la réception des droits, avant de se poursuivre dans la conscience des devoirs. L’âge adulte est le moment où naît le principe du devoir confié à l’individu dans les limites de ce qu’il est capable d’accomplir correctement : le bien-aimé, le niveau et la quantité souhaités. Avec cette question en filigrane : où et quand la citoyenneté pose-t-elle problème ? On convient ici qu’il n’existe pas de conception unique de la citoyenneté au sein d’une même société. Son concept est lié à la stabilité du pays, à la résistance et à la lutte. Dans un souci d’indépendance, de durabilité et de développement, la notion de citoyenneté revêt une signification de sacrifice, avec le devoir de répandre la sécurité, la bonté et la prospérité dans le pays. Tout cela nécessite la justice sociale et l’égalité des droits, en particulier les plus naturels de ceux-ci.
La propriété naturelle est légalement garantie : droit à la vie, à la liberté, à l’éducation, au logement, à un revenu décent, au travail, à la santé et aux soins ; tout comme ses conséquences : droit à l’appartenance, à l’affiliation, à l’élection et à la participation à la vie sociale. Tout ce qui s’ajoute à ces droits est conditionnellement lié à ce qui va au-delà de l’accomplissement du devoir, comme l’esprit d’initiative. Le bénévolat, le don, la diligence, la créativité et tout ce qui augmente la performance et la réussite augmentent la vérité du contrat social. L’intégration et la différenciation se réalisent ensemble, c’est l’essence de l’égalité et la réalité de la justice sociale.
La citoyenneté est un concept central au sein d’une structure de concepts tels que la liberté, la responsabilité et la justice : justice pénale et sociale, démocratie, droits et devoirs… Cette structure conceptuelle peut être un système dynamique, fonctionnel ou téléologique où tous ces aspects sont intégrés. La subjectivité et l’objectivité aboutissent à une interaction fonctionnelle qui conduit à un état de solution qui s’exprime par la conscience. La véritable personne civilisée exprime une attitude de capacité. Ou bien il s’agit simplement d’une structure statique et non fonctionnelle où le concept de citoyenneté est intégré.
Un défaut de capacité produit des problèmes économiques, sociaux et moraux comme le chômage, la corruption et le népotisme. Détournement de fonds, fraude au travail et au traitement, manque de maîtrise, déviations morales, injustice et violence, manque de confiance envers l’État, corruption… Tout cela conduit à l’émergence de conflits, de divisions et de guerres. On se retrouve ici devant un choix : soit nous voulons être une nation qui produit de la civilisation, soit nous voulons être une nation qui consomme de la civilisation, en marge de la civilisation. Notre condition d’aujourd’hui est le résultat de ce dans quoi nous étions hier, un état d’ignorance et manque de maturité.
Pour conclure, je voudrais partager avec vous mes idées concernant les principales obligations légales du citoyen à l’égard de son pays : respecter la loi et s’efforcer, grâce à une attitude civique, de la faire respecter, qu’il s’agisse du droit national défini par nos instances juridiques et institutionnelles ou de valeurs démocratiques en matière d’obéissance à la Constitution. Chaque citoyen doit être loyal envers la nation, c’est-à-dire ne pas commettre d’actes contraires aux intérêts de celle-ci ; participer à la vie politique : par son vote ,le citoyen assure le bon fonctionnement de la démocratie ; respecter les autres et faire preuve de civilité par la reconnaissance mutuelle, sans discrimination aucune : le respect mutuel constitue l’un des fondements de la paix sociale et de l’unité nationale ; faire preuve de solidarité sociale, venir en aide aux autres en fonction de ses moyens, défendre l’environnement en apportant sa contribution en différents domaines : alimentation, consommation, eau, énergie, transports, etc. ; engager une réflexion originale et constructive sur la citoyenneté ; établir un diagnostic sur les problèmes de celle-ci ; promouvoir un dialogue élargi entre différents acteurs politiques afin de mettre en commun leur expertise et de décloisonner la discussion sur ce sujet ; identifier des perspectives à caractère culturel et juridique sur des aspects spécifiques de la citoyenneté.
Cheikh Ahmed ould Mohamed
Ingénieur
Chef du service Études, aménagement et développement
Établissement portuaire de la Baie du repos (Nouadhibou)