Aux portes de la commémoration du 8ème anniversaire de la proclamation du DOCUMENT du Manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Haratine au sein d’une Mauritanie unie, égalitaire et réconciliée avec elle-même ; et en réponse aux sollicitations d’un bon nombre d’amis mais aussi par souci de laisser des traces écrites d’archives pour la postérité, j’ai décidé de vous livrer, dans les pages qui suivent, un bref aperçu sur la genèse et le cheminement de ce qui fut communément appelé par la suite, MANIFESTE DES HARATINE.
Ayant été exclu de l’armée nationale en Novembre 2004, suite aux péripéties de la seconde tentative de coup d’Etat des « Cavaliers du changement », je fis brutalement irruption sur la scène publique après 22 ans et quelques poussières de services au sein de la grande muette. Ce retour prématuré et forcé au bercail de la vie civile a ravivé en moi une passion longtemps tue pour la chose publique et le service de l’intérêt général des populations, surtout les couches pauvres et défavorisées.
Cette tendance naturelle me conduit tout bonnement à tâter le terrain politique où j’ai pris langue avec le RFD par l’intermédiaire de son fédéral à Nouadhibou, feu Yedali Ould Cheikh, avant que mes anciens compagnons d’armes ne soient amnistiés et fondent le parti HATEM en Février 2006 où je fus coopté 1er vice-président. Cette formation dont l’ossature est constituée d’anciens militaires fraîchement sortis des rangs, entre sur la scène politique par effraction, mue par beaucoup d’enthousiasme, d’espoirs et d’ambitions chimériques. Au sein de HATEM, j’ai côtoyé les dirigeants de la classe politique, surtout de l’opposition mais aussi j’ai vécu de l’intérieur les intrigues, les combines et les turpitudes de certaines mouvances politiques et/ou tribales qui ont vite fait de dévoiler et faire voler en éclats la précaire unité de façade entretenue entre les membres du groupe des Cavaliers du changement sur lesquels repose le socle de ce parti. Après HATEM, j’ai rejoint le RFD en 2009 avec un groupe d’amis. J’y suis resté jusqu’en Octobre 2016.
Au sein de ces deux partis, je me suis fait une idée assez précise sur l’approche de la classe politique pour les problèmes nationaux en général et plus particulièrement en ce qui concerne la question Haratine. Tout le monde en parle et chacun perçoit la nécessité de lui trouver une solution. Malgré cela, dans les programmes et les déclarations politiques des partis, aucune vision claire, résultant d’un travail intellectuel approfondi, ne se dégage. Plus précisément, l’analyse sociologique, historique et objective, sans complaisance mais aussi sans amplifications, sans aigreurs ni amertumes, d’une situation qui n’a que trop duré, constitue, de mon point de vue, la pièce manquante au puzzle en plus, bien sûr, d’une volonté politique sincère au sommet de l’Etat. Quelques mois après mon atterrissage au RFD en 2009, j’ai fait la connaissance d’une personnalité exceptionnelle qui jouera un rôle important dans la suite de mon parcours, en l’occurrence mon fidèle ami Mohameden Ould Elbou, avec qui j’ai partagé ces idées et avons convenu ensemble de la nécessité de remuer les eaux stagnantes en jetant un pavé dans la mare par la production d’un document qui ne se limitera pas à l’analyse exhaustive des tenants et aboutissants de la problématique Haratine mais aussi s’évertuera à faire l’ébauche d’un éventail de solutions et de remèdes.
Dès cet instant, les choses sont allées crescendo pour donner, au bout du compte, le document qui s’intitulera : « MANIFESTE POUR LES DROITS POLITIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIAUX DES HARATINE AU SEIN D’UNE MAURITANIE UNIE, EGALITAIRE ET RECONCILIEE AVEC ELLE-MEME. »
Ce document servira de base et de point d’ancrage civique et moral à l’émergence d’une nouvelle mouvance sociétale, ouverte à toutes les forces vives de la nation mauritanienne qui en partagent la vision et/ou le diagnostic, sans considération aucune pour leur appartenance sociale, ethnique ou communautaire ; leur orientation politique ou idéologique. Son objectif ultime étant de réaliser le consensus politique et social sur toutes les problématiques nationales majeures – plus spécialement celle des Haratine – qui minent notre société, hypothèquent son avenir et entravent la concorde et la paix civiles. Elle se donne pour objectif de combattre toutes les pesanteurs sociales archaïques qui polluent encore l’atmosphère de notre société, nuisent à tout progrès et compromettent l’efficience de toute politique sérieuse de développement de notre pays.
Une fois que disparaissent ou sont largement battues en brèche ces causes qui l’ont suscité, notre mouvement, au caractère sciemment non légalisé et donc non pérenne, est plus que prédisposée – et le plutôt possible – à s’auto-dissoudre spontanément.
Les principales étapes de sa genèse et de son cheminement peuvent être ainsi réparties :
A– La conception et la rédaction du document ;
B– L’obtention du consensus autour du document et sa publication ;
C– L’organisation de la mouvance et l’instauration de la MARCHE commémorative annuelle ;
D- L’hymne du MANIFESTE
A) – La conception et la rédaction du document :
Le premier acte du processus qui mènera à cette fin, fut inauguré dans la nuit du 1er au 2 Mars 2012, par l’organisation d’un dîner au domicile de Mohameden Ould Elbou à la SOCOGIM PS auquel ont été conviés une trentaine de cadres et militants du RFD, tous Haratine et sans aucune femme. Il reste entendu que cette initiative n’a nullement été concertée avec la direction du parti RFD qui, d’ailleurs, n’en a pas été informée.
Avec mon ami Mohameden Ould Elbou, nous avons expliqué, ce soir-là, à nos invités l’objet de la réunion qui se résume dans les points suivants :
*Les Haratine étant la composante principale du peuple mauritanien et dont l’importance est de plus en plus significative. De ce fait, ils doivent être confiants en l’avenir et prendre conscience que la solution pérenne de leurs problèmes ne peut se faire que dans le cadre des réformes menant à un Etat démiurge et à égale distance de tous ;
* La nécessité de sortir la question Haratine du « ghetto » du militantisme particulariste ou sectaire car c’est une cause juste qui peut recueillir l’assentiment et l’approbation de toute la communauté nationale pourvu qu’elle intègre et fasse appel à tous les citoyens mauritaniens en tant que cause sociale et patriotique dont la solution profite à tout le monde ;
* Partant de ces deux constats, nous avons informé l’assistance de notre intention de concevoir un document qui servira de référence à cette nouvelle approche et qui synthétisera les souffrances et les injustices que subissent les Haratine en Mauritanie tout en formulant des suggestions et des recommandations pour sortir de cette impasse.
Les discussions qui ont suivi ont surtout loué l’initiative et insisté sur la nécessité que le document prévisible doive mettre « les points sur les i », n’occulter aucune réalité et appeler les choses par leur nom.
Nous leur avons répondu que nous les avons réunis pour avoir leur soutien, les embarquer avec nous dans cette galère par leur implication et leur participation active dans toutes les phases de préparation du document en herbe que nous projetons de concevoir. L’opinion de chacun d’entre vous est importante, leur avions-nous déclaré, car elle nous permet de prendre le pouls de l’opinion que vous représentez afin de la traduire au sein du document pour qu’il soit représentatif de l’opinion nationale autant que faire se peut. En plus de cela, nous leur avions promis de revenir à eux dans toutes les étapes de rédaction pour valider, compléter, apporter des modifications ou des corrections à ce qui aura été déjà fait.
A la fin de la réunion, nous avons demandé à l’assistance des volontaires pour nous renforcer dans le comité de rédaction. Aucun volontaire ne s’est déclaré et le comité de rédaction est resté figé au binôme initial.
Quelque deux mois après cette réunion inaugurale, nous convoquions une seconde réunion, toujours chez Mohameden Ould Elbou, pour présenter le premier draft de notre travail durant cette période.
Etant très soucieux de garder jalousement notre secret et afin d’éviter toute fuite, nous avions décidé que notre travail reste uniquement dans la mémoire de mon ordinateur. Durant nos réunions, je lis de mon ordinateur les textes en français que nous avons préparés et mon ami Mohameden se charge de les traduire pour l’assistance en arabe et en Hassaniya. Nous consignions à chaque fois les remarques et observations mais surtout nous saisissions le pouls de l’assistance, essayons de lire entre les lignes de leurs déclarations pour déceler les non-dits et là où veut en venir chacun d’entre eux afin que le document que nous préparions, exprime réellement et fidèlement leurs préoccupations et leurs aspirations.
Un long et pénible processus
Après cette deuxième réunion, le rythme de nos rencontres s’est accéléré à raison d’une réunion toutes les deux à trois semaines. Elles se déroulent le plus souvent chez Mohameden, parfois chez l’ambassadeur Bilal Ould Werzeg. A chaque fois, nous présentions une version améliorée, tenant compte des résultats de la session précédente en plus de ce qu’on aurait pu grignoter comme données statistiques, nouvelles idées ou améliorations du style, du fond ou de la forme du document. Vers le milieu de l’année 2012, le document a été jugé acceptable par tous. Commence alors l’ouverture vers d’autres groupes de la nébuleuse Haratine avec lesquels nous croyions partager quelque chose. Les membres francophones du groupe ont reçu une copie de ce premier jet avec consignes de le garder pour eux aux fins de lecture et d’améliorations éventuelles. Il en fut de même avec les leaders Haratine que j’ai contactés avec Mohameden et à qui nous avions expliqué notre projet et demandé de conserver le caractère secret du document qu’ils sont appelés à enrichir et à améliorer. Peu de temps avant le début de la traduction du document en arabe, nous avons reçu l’excellente contribution écrite de Jemal Ould El Yessa. Elle nous fut transmise par Boubacar Ould Messaoud qui était en rapport avec lui. Il est à noter que seules six personnes ont fait une contribution écrite, plus ou moins importante, qui fut intégrée au corps du document du MANIFESTE. Ils sont donc considérés comme les seuls rédacteurs et sont : Mohameden Ould Elbou, Jemal Ould El Yessa, Brahim Bilal Ramdhane, deux cadres supérieurs ayant requis l’anonymat et moi-même.
Beaucoup de gens, souvent analphabètes ou de faible niveau, ont néanmoins apporté leur contribution verbale au travail de conception par des idées, des critiques ou des suggestions. Cependant, on aurait bien voulu que les cadres se donnent la peine d’écrire quelque chose pour enrichir ce document. Ce qui n’a pas été le cas, malheureusement.
Durant la phase de traduction du français vers l’arabe, quelques jeunes se sont portés volontaires pour participer à cette tâche. Parmi ceux-ci, feu Brahim Ould Semir, El Id Ould Mohameden et Oubeid Ould Imigine. Au bout d’un ou deux jours passés à essayer de travailler au domicile de l’avocat El Id Ould Mohameden, j’ai réalisé qu’il n’était pas possible de faire avancer le travail dans de telles conditions… De ce fait, j’ai demandé un volontaire parmi le groupe qui sache écrire en arabe sur l’ordinateur et je me charge de lui dicter la traduction arabe du texte français du document. Oubeid Ould Imigine s’est porté volontaire. Le lendemain, il est passé chez moi en milieu de journée et a travaillé avec moi pendant une heure environ. Au cours de cette heure, il a fixé, sur mon ordinateur, le format du document en arabe et commencé l’écriture des débuts du texte. Il est parti au bout de ce court laps de temps en prétextant des engagements qu’il est tenu de respecter malgré mes protestations. Le jour suivant, il m’a consacré le même temps : une heure environ. J’ai vu qu’au bout de ces deux jours, nous avons traduit une page et demie et qu’à ce rythme, nous risquions de durer encore longtemps. J’ai alors décidé de me débrouiller tout seul. J’ai acheté les lettres d’un clavier arabe que j’ai collées sur mon ordinateur et continué la traduction du document sur le modèle qui a été conçu par Oubeid. D’ailleurs, j’ai très vite maîtrisé l’écriture en arabe sur l’ordinateur que je pratiquais pour la première fois. Cette traduction a constitué en même temps une réécriture du document. A chaque fois, nous ajoutions de nouvelles idées, nous améliorions leur style ou leur agencement, nous introduisions de nouvelles données, statistiques ou autres et ce dans les deux versions arabe et français. Après la fin de la traduction, la version arabe a été distribuée aux membres du groupe dont la quasi-totalité était incapable de la comprendre en français. L’ouverture vers d’autres groupes Haratine, déjà entamée même avant la traduction, se poursuit de plus belle.
C’est ainsi que commence la seconde phase de ce long et pénible processus, émaillée d’embûches, d’intrigues, de petites misères et de coups bas.
(A suivre)