L’Espoir en danger

« Ingrate Patrie tu n’aura point mes os », avait laissé écrit ou plutôt gravé du fond de son cachot, le Général romain Scipion l’Africain, avant de briser ses chaînes et disparaître pour de bon.

« Romains, par un jour pareil, j’ai vaincu Hannibal et Carthage », avait-il lancé auparavant à l’adresse de l’Assemblée des Sénateurs romains qui l’avaient condamné à la réclusion criminelle pour crimes économiques et abus de pouvoir avéré.

 

Malheureusement pour l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz et ses partisans –au cas où ils voudraient se prévaloir de cet exemple d’ingratitude des gens, un ancien proverbe dit : « Comparaison n’est pas raison ».

En effet, la différence n’est négligeable, tandis que l’un peut se la  couler douce, lui et les siens, jusqu’à la fin de leur jour, l’autre allait rester confiné au fond de sa cellule.

Pourtant  malgré son absence un très court laps de temps de la scène politique nationale, ce terrible galonné, putschiste multirécidiviste notoire, auteur de plusieurs coups d’Etat, peut très bien, avoir cédé à la tentation de ses ambitions et à sa soif inextinguible du pouvoir.

Pour avoir tenté  de déstabiliser son meilleur ami et le pays tout entier avec, il a très bien pu se dire que le peuple mauritanien regrette  déjà, son bon vieux temps et l’âge d’or au niveau duquel il prétend avoir hissé le pays.

 

Au vu de certaines analyses, les mauritaniens en élisant leur nouveau président en 2019, ne se faisaient certes pas d’illusions. Ils savaient que l’homme qui allait présider aux destinées de leur Nation, n’incarnerait pas le Saladin le preux, ni le Roland du Monde Musulman. Et qu’il n’y aurait pas de métamorphose foudroyante de l’économie qui libèrerait définitivement le pays de la pauvreté et du sous développement comme dans la Chine de Deng Xiaoping et de Xi Jun Pung.

 

Ce serait sans compter avec l’oligarchie militaro –civil et l’ancien clan présidentiel, qui tiennent à garder le statu quo, quoi qu’il en coûte au pays dans son ensemble.

Même le Président le mieux intentionné aura  à faire à des défis énormes. Les problèmes structurels en Mauritanie ont besoin d’un pouvoir fort pour être réglés.

On peut citer à titre d’exemple, le chômage très élevé des jeunes, les énormes disparités de qualité de vie entre riches et pauvres, la précarité sous toutes ses formes, le dénuement le plus total,  la cherté de la vie, la grande pauvreté, le manque d’équité et de politique active de l’emploi.

 

Il faut réduire le rôle de l’armée dans la vie politique mauritanienne.

 

Les mauritaniens attendent un changement radical de l’ancien système, et le départ de l’oligarchie  militaro-mafieuse dans son intégralité et dans sa mixture militaro-civile.

Depuis le coup d’Etat du 10 Juillet 1978 qui consacra le renversement du père fondateur de la nation Moktar Ould Daddah, l’armée a toujours pesé de tout son poids dans la vie politique mauritanienne.

Il n’est un secret pour personne, ce que les régimes passés ont toujours nié, que le pouvoir en Mauritanie n’est pas un pouvoir civil.

L’armée a toujours confisqué le pouvoir politique comme en Algérie d’ailleurs et les régimes qui se sont succédé ont toujours été bel et bien militaires.

Toutes ces élections présidentielles et législatives depuis plus de 40 ans ne sont rien d’autres que du maquillage destiné à camoufler le vrai visage du régime où c’est l’armée qui règne en maître absolu et à laquelle revient toujours le dernier mot.

C’est l’Institution militaire qui fait et défait le pouvoir en Mauritanie, qui place les Présidents et les destitue, qui forme les Gouvernements et les recomposent.

 

Il faut cependant reconnaître que ses putschistes comploteurs notoires, ne représentent pas, Dieu merci l’armée mauritanienne du moins dans son intégralité.

Le Président Ely Ould Mohamed Vall a tenté de réduire le rôle de l’armée dans la vie politique mauritanienne à tel point, qu’il avait interdit à tout Membre du Conseil Militaire et même du Gouvernement de se présenter aux élections présidentielles de l’époque.

Malheureusement il n’a pas réussi à dépouiller l’Institution militaire mauritanienne de son statut de rouage essentiel du système de gouvernance.

Ce serait sans compter avec l’influence de l’ancien clan présidentiel, des chefs militaires, des Etats Majors  et des services secrets, sur la vie politique et le fonctionnement des institutions.

 

D’autres chefs militaires ont aussi pesé de tout leur poids pour faire de notre armée, une armée républicaine respectueuse des lois et règlements constitutionnels.

Au début des années 80 Haidalla a tenté, en vain, dans un débat interminable, durant une nuit entière de faire rallier les Membres du Comité Militaire élargis aux Chefs et Commandants des régions à la proposition de céder le pouvoir aux civils et à regagner les casernes. Au dernier moment, ils sont passés au vote. Le clan des officiers félons l’a remporté à la dernière minute par une seule voix. C’était celle de Maaouiya. ;

En 1976  encore un groupe de politiciens magouilleurs avait demandé à Feu Ahmed Ould Bouceif , Commandant des unités de la ligne du front et héros légendaire de la guerre du Sahara, de faire un coup d’Etat. Il leur avait répondu que Moktar était le père de la nation et que lui n’était pas un fils parricide.

Avant cela, durant les évènements de 1966 aussi, le défunt Soueidatt Ould Wedad, un autre héros de la guerre du Sahara, Commandant à l’époque du bataillon des para de Jreide, avait été sollicité par un groupe de ministres et ambassadeurs déchus dont notamment  Mohamed Ould Cheikh, Ahmed Baba Miské, Elimane Kane, de renverser par la force le Président Moktar.

Il leur avait répliqué que s’il faisait cela, il ne pourrait plus en rentrant chez lui, serrer entre ses bras ses propres enfants.

 

Les attentes et les aspirations des mauritaniens.

 

La récente ouverture sur l’opposition du président de Mohamed Ould Chekh El Ghazouani, lui a valu le titre de Président du Consensus politique national qui regrouperait le plus grand nombre de l’opinion.

Cette position novatrice tranche favorablement avec la politique de son prédécesseur qui a le plus divisé et séparé ses compatriotes en différents camps diamétralement opposés, faisant ainsi fi des attentes et aspirations de la population.

Cette ouverture est perçue par les observateurs comme une lecture raisonnée des faits politiques, économiques et socio- culturels pour l’avenir. Certains y voient même un prélude à une dynamique de réformes dans lesquelles le pays pourra et saura initier une nouvelle stratégie de modernisation économique généralisée.

Cette nouvelle stratégie sera marquée par l’apaisement, le dialogue, la confiance, le consensus et l’engagement partagé dans la voie de la réforme et non celle de la tension, la contestation, la révolte voire la rupture par lesquels l’ancien régime sévissait et exerçait ses ravages depuis une décennie.

Mais pour autant que l’on veuille sauver encore l’espoir initié par le changement à la tête de l’Etat, les futures réformes et leur aboutissement restent tributaires d’une véritable purge anticorruption au sein de nos institutions économiques centrales.

 

Lehbib Ould Bourdid

Chercheur Analyste, diplômé d’Etudes Supérieures

de l’I.T.B du Conservatoire National

des Arts et Métiers Français.