PRESSE 15 :
A.H.M.E.
Esclavage en République islamique de Mauritanie et en terre d’Islam
L’idée même qu’il y ait de l’esclavage au XXIème siècle paraît invraisemblable. Et pourtant c’est de cela qu’il a été question lors d’une conférence de presse donnée à Paris à la mi-février. Avec témoignages et analyses, désaccords même sur le rôle joué par l’Islam dans ce mode de fonctionnement d’une incroyable brutalité puisque certains y sont la « propriété » d’autres. Avec tout ce que cela implique. En République islamique de Mauritanie ce sont, selon un spécialiste en la matière, le juriste mauritanien et membre de SOS Esclavage, Biram Ould Dah Ould Abeid, entre 50 % et 60 % d’une population de 3 millions 400.000 sont soit esclaves, soit affranchis. Un statut qui est loin d’être celui d’un homme libre. Et ceux qui sont ainsi « propriétaires » d’autres personnes, sont également ceux qui tiennent les rênes et levier du pouvoir, à savoir, les Maures ou Arabo-Berbères en place depuis des siècles. Témoignages Yahiya Ould Brahim est né en décembre 1976. Du moins c’est ce qu’il croit. Sans en être sûr : il n’a pas d’état civil. Un jour un homme est venu le prendre à sa mère. Il ne sait pas quand et n’a aucune idée de l’âge qu’il avait alors. Cet homme l’a emmené chez lui. Et l’a fait travailler comme domestique. Et dans les champs quand son travail était terminé ou selon les besoins. Sans lui donner le moindre salaire. Il était nourri et une fois par an il recevait un vêtement. En tergal parce que c’est solide, précise-t-il. Et s’il faisait quelque chose qui déplaisait à cet homme il était sévèrement battu. Il lui était interdit de répondre, interdit de le regarder dans les yeux, interdit de crier, même lorsqu’il était frappé, interdit de tenter de contacter sa mère ou son frère ou sa sœur. Frère et sœur enlevés à leur mère et emmenés, eux, chez le fils et la fille de l’homme qui l’avait pris. Aucun d’entre eux n’ayant droit à rien. Yahiya Ould Brahim parle doucement, les yeux baissés, lorsqu’il raconte son histoire. Et dit comment tout cela s’est arrêté le jour où il s’est enfui et a marché sur des routes goudronnées jusqu’à Nouakchott. Une date qu’il connaît cette fois : on était en 1999. Dans la Mauritanie d’aujourd’hui. La mère et le père de Yahiya Ould Brahim sont esclaves. Il a été esclave. Jusqu’à ce qu’il s’échappe.. Et avant de fuir son pays. Pour la France en passant par l’Espagne. Il y est venu illégalement et vit sans papiers. Le statut de réfugié lui a été refusé. Mais il ne peut retourner dans un pays où il reste esclave. Et donc la propriété d’un autre homme. Et à sa merci, ou condamné à vivre clandestinement, craignant à tout instant qu’on lui demande des papiers « d’homme libre » qu’il n’a pas. C’est Biram Ould Dah Ould Abeid, juriste mauritanien et membre de SOS Esclaves en Mauritanie, lui-même enfant d’affranchis et donc considéré comme affranchi lui-même et donc appartenant à une catégorie sociale méprisée, qui présentait Yahiya Ould Brahim. Et dressait un
tableau précis d’une situation abominable dont on ne parle quasiment pas ici.
La question est « occultée. » Et il souligne que l’esclavage perdure en dépit
de lois mauritaniennes votées pour l’abolir ou le criminaliser. Des lois
votées, explique un ancien diplomate,
Mohamed Yahya Ould Ciré,
lui-même enfant d’affranchis, pour faire plaisir à l’Occident, mais qui ne
sont pas appliquées, « un jeu, » en quelque sorte. Jeu sinistre. Biram Ould Dah Ould Abeid estime qu’il y a eu « instrumentalisation de la colonisation aussi, la France s’étant arrangée pour tolérer l’esclavage et fermer l’œil sur ce phénomène. » Phénomène loin d’être marginal puisque, dit-il, il y a entre 300 et 500.000 esclaves en Mauritanie et entre 1 million 200.000 et 1 million 500.000 d’anciens esclaves, affranchis. Mais qui restent corvéables à merci et, au mieux, doivent verser une dîme à leurs anciens « propriétaires. » Certains parviennent à progresser dans la société mauritanienne et, dans ce cas, la plupart ne veulent pas que leur statut, considéré comme infamant, soit connu, évitant donc tout éclat lorsque leurs anciens propriétaires viennent les solliciter. Mais, ne pouvant progresser, nombre d’affranchis restent sur des terres qui ne leur appartiennent pas, continuant, dans les faits à vivre en esclaves. Et c’est ainsi que les propriétaires de ces terres peuvent les faire voter comme ils le souhaitent. Car s’ils ne le faisaient pas ces terres, leur seule source de survie, leur seraient retirées. Qui possède des esclaves en Mauritanie ? Ce point est
capital car ce sont les Maures ou Arabo-Berbères qui ont été et sont «
propriétaires » d’esclaves dans la République islamique de Mauritanie.
Certes, l’esclavage existait dans ces régions bien avant l’Islam, reconnaît
Biram Ould Dah Ould Abeid. Mais les groupes dominants qui s’y sont installés
ont instrumentalisé l’Islam pour perpétuer ce phénomène. Il précise que le
caractère égalitaire de l’Islam, qui n’est néanmoins pas ouvertement
antiesclavagiste, s’est vite estompé après la chute du Califat. Et, loin de ne perdurer qu’en République islamique de Mauritanie, l’esclavage, nous dit-il, continue à sévir dans « toutes les régions en contact avec les Arabo-Berbères, comme au Niger, au Soudan, au Tchad et bien d’autres pays. » Et l’Islam dans tout ça ? Le rite
malékite, rite musulman sunnite, est en vigueur en Afrique du Nord et dans
des pays de l’Ouest africain. Or, selon Mohamed Yahya Ould Ciré, le
constat est terrible étant donné que « les victimes acceptent leur sort car
elles pensent que l’esclavage vient du Coran. L’esclavage est donc ainsi
légalisé et sacralisé. » Il raconte comment dans son propre cas un
marabout était allé trouver sa mère pour lui dire de le retirer de l’école,
son statut d’enfant d’affranchi ne lui permettant pas d’acquérir une
éducation. Celle-ci allait obéir. Mais un directeur d’école est alors
intervenu. Ce qui lui a permis de poursuivre des études et de devenir
diplomate par la suite. Toutefois
Malek Chebel, auteur de « L’esclavage en Terre d’Islam, » publié en 2007 était
présent et a dénoncé cette « culture esclavagiste. » Mais, réagissant
vivement, il s’est désolidarisé avec tout propos mettant directement en cause
l’Islam, voyant dans ces pratiques esclavagistes essentiellement de la
féodalité. Et mettant en cause, non pas l’Islam mais « un certain Islam lu
par des théologiens rétrogrades, un mauvais Islam. » Selon lui, « le
Coran n’est pas un code civil mais un livre de sagesse qui dit que le
musulman qui affranchit ses esclaves est un meilleur musulman. » Ce qui, à
ses yeux, ferait de l’Islam une religion abolitionniste. Et il faut donc,
dit-il, « se battre contre l’iniquité des lois humaines. » Hélène Keller-Lind 22/2/2009Source : www.résiliencetv.fr |