Roger Botte, Esclavages et abolitions en terres d'Islam, Bruxelles, André Versaille éditeur, 2010, 391 p. L'Autre et l'Ailleurs
 

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Comment la malédiction biblique de Cham (condamnation à l'esclavage et châtiment par la noirceur de l'épiderme de sa descendance) fut-elle
détournée en terre d'islam afin de justifier l'esclavage des Noirs ?

Le Coran a-t-il vraiment programmé la fin de l'esclavage ? Pourquoi Muhammad qui aurait pu l'interdire, comme il a prohibé l'alcool, les jeux de hasard et l'usure, ne l'a-t-il pas fait ? La suppression de l'esclavage en islam ne se serait-elle accomplie que contrainte par de fermes pressions extérieures ? Voici quelques-unes des nombreuses questions soulevées par cet ouvrage.

L'auteur analyse et compare les situations en Tunisie (où le décret  d'affranchissement, en1846, précède de deux ans l'abolition en France) ; en Arabie saoudite (où la Mecque, territoire sacré, fut longtemps un marché d'esclaves) ; au Maroc (où l'esclavage ne fut jamais formellement aboli) ; en Mauritanie (où d'anciens esclaves doutent encore de l'efficacité de l'abolition étatique et ne jugent valide que la formule religieuse d'affranchissement prononcée par le maître) et au Soudan (où l'esclavage a connu une résurgence dans le cadre de la guerre civile de
1983 à 2005).

Il montre encore comment, au moment des abolitions, les jurisconsultes musulmans ont déployé subterfuges, fictions légales ou ruses jurisprudentielles pour faire concorder réalité sociale et légalité divine, et comment, partout, les maîtres d'esclaves résistèrent opiniâtrement à la disparition de ce “droit de Dieu”, jusqu'à appeler au jihad.

Si l'on estime qu'aucune institution du droit musulman ne peut être considérée comme abrogée, quand bien même elle serait tombée en désuétude, on comprend qu'un peu partout dans le monde musulman, des juristes ou des islamistes continuent de soutenir que l'esclavage, sous certaines conditions, est toujours permis.

Loin des polémiques partisanes, Roger Botte nous donne un livre indispensable pour saisir une question qui fait largement débat aujourd'hui.



Table des matières

Avant-propos, 7

I -L'abolition de l'esclavage au regard de la shari'a,13
L'abolition en islam ou l'absence de tout modèle religieux,  13
Fondements scripturaires de l'esclavage, 14
Les obstacles juridiques à l'abolition, 22
Idéologie islamiste et esclavage: une lecture biaisée du Coran, 31
Ahmad Baba: retour au Coran et objections à la malédiction de Ham, 37
L'esclavage et les droits de l'homme, 49
Esclavage et jihad ou les deux parties d'un tout, 55

II - Tunisie : première abolition en terre d'islam (1846), 59
Ahmad Bey : des mesures d'abolition progressives, 59
L'abolition et ses justifications religieuses, 61
Débats internes, pressions extérieures, 65
Esclaves noirs et organisation confrérique, 68
Comparatisme : en Algérie aussi, 70
Les esclaves noirs : de mauvais musulmans ?, 71
Le culte des esclaves noirs : une menace pour la société blanche ?, 76
Des saints noirs et leur culte, 78
L'affranchissement comme œuvre pie, 81
Poids démographique des esclaves et des affranchis, 83
Un très lent dépérissement de l'institution esclavagiste, 85

III - Arabie saoudite : une des abolitions les plus tardives du XXe siècle, 93
La rhétorique religieuse de l'abolition, 93
Panarabisme, pressions occidentales et évolutions internes, 98
Combien d'esclaves ?, 105
Une condition servile multiforme, 109
Se procurer des esclaves : des sources et des usages multiples, 116
Pèlerinage aux Lieux saints et traites, 122
La crise économique de 1929 et le déclin de l'esclavage dans la Péninsule
Arabique, 126
Industrie pétrolière et esclavage, 134
L'embellie de la traite et de l'esclavage pendant et après la Seconde
Guerre mondiale, 138

IV - Le Maroc : une abolition de facto tardive, 145
Dispositions isolées en faveur de l'abolition, 145
La position orthodoxe du sultan : légalité de l'esclavage, 149
Traite, marchés, pratiques de l'esclavage marocain : fin XIXe début XXe
siècle, 152
La vente au marché, 154
Des fonctions multiples, 158
Des maîtresses femmes : les 'arifa, 169
Les esclaves chrétiens, 173
L'esclavage sous le protectorat français et... au-delà, 175

V - Mauritanie : l'esclavage et l'insurmontable contradiction entre les
termes « république » et « islamique », 189
La Mauritanie ou le record mondial des abolitions de l'esclavage, 189
Stratification sociale et esclavage, 191
L'esclavage sous la colonisation : une lente dégradation des structures
sociales198
Poussée vers le sud et déguerpissements d'esclaves, 199

L'affranchissement : œuvre pie ou intérêt bien compris du maître ?, 206
Compter les têtes, 208
Quand « le paradis est sous le talon du maître », 209
Constitution et shari'a, 210
Naissance du mouvement antiesclavagiste mauritanien, 216
Abolition : l'illusion légale, 219
Le pays où les esclaves deviendraient ministres, 226
La société maure entre “hégémonie culturelle” et abolition, 230
L'esclavage est-il soluble dans l'islam radical ?, 237

VI - Soudan : esclavage et imposture humanitaire, 241
L'arrière-plan historique, 244
Arabes blancs vs Africains noirs ?, 255
Le débat américain : Bible-bashing zealots vs Black Muslims, 260
Une politique américaine complexe et contradictoire, 266
Les milices baggara ou le retour de la razzia d'esclaves, 271
Sainte Bakhita : arme suprême de l'Église catholique ?, 277
Les rachats d'esclaves : une mise en scène pour la presse internationale, 278
La leçon d'éducation civique des élèves de Barbara Vogel, 280
Slaves for sale, 282
Quand les esclaves sont des figurants, 286
Le conte merveilleux de l'Underground Railroad soudanais, 290
Les “rachats d'esclaves” : un leurre idéologique, 292
“Ce qui relie une œuvre d'entraide chrétienne avec les adversaires
deI1slam », 295

VII - Lexique de l'esclavage dans le monde musulman de langue arabe, 297

Notes par chapitre, 317

Bibliographie sélective, 369

Index, 379