Abdoul
Birane Wane : "Les Négro-Mauritaniens restent discriminés dans
tous les secteurs"
Abdoul Birane Wane, leader de Touche pas à ma nationalité. ©
DR
Le mouvement Touche pas à ma nationalité continue de maintenir
la pression sur Nouakchott. Crée il y a un peu plus d’un an, le
collectif exigeait initialement l’arrêt du recensement en cours en
Mauritanie, qu’il juge discriminatoire à l’égard des
populations noires. Depuis, la lutte s’est intensifiée : les
Négro-Mauritaniens (Peuls-Toucouleurs, Soninkés et
Wolofs) réclament désormais un véritable partage du pouvoir.
En attendant, les manifestations – le plus souvent réprimées par
les forces de l’ordre – ne faiblissent pas. Abdoul Birane Wane,
35 ans, est un homme d’apparence discrète. Pourtant, le leader du
mouvement ne mâche pas ses mots à l’encontre du régime de
Mohamed Ould Abdelaziz, qu’il accuse de racisme. Interview.
Jeune Afrique : Comment expliquez-vous que les
Négro-Mauritaniens
soient encore sous-représentés au sein de l’appareil de l’État ?
Abdoul
Birane Wane : Il n’y a aucun fondement, ni aucune
raison objective à cela. On veut nous faire croire que c’est le
résultat d’un vote, mais le découpage électoral actuel ne permet
pas aux Négro-mauritaniens d’avoir ne serait-ce que le tiers à
l’Assemblée nationale. Pour preuve, nous n’avons que 13 députés
sur les 95 que compte la chambre basse du pays… De plus, les
gouvernements successifs n’ont jamais compté plus de quatre Noirs.
Aujourd’hui, un préfet Maure qui exerce dans les localités du Sud
est obligé de chercher un traducteur. Quel intérêt de nous imposer
des administrateurs qui ne parlent pas nos langues ? C’est une
aberration.
Jeune Afrique :
La nomination d’un nouveau bureau en mai a provoqué la
colère de certains cadres, qui se sont dits exclus. Y’a-t-il des
dissensions au sein du collectif ?
Abdoul
Birane Wane :
Non, aucune. Nous nous sommes simplement retrouvés dans une
situation où ce que nous disions dans les réunions filtrait dans la
rue. D’autre part, il ne nous fallait plus uniquement des cadres,
mais aussi des hommes de terrain, qui savent mobiliser la population.
Une révolution ne se mène pas derrière un ordinateur.
Jeune Afrique :
Pourquoi souhaitez-vous créer un "pôle de toutes
les forces noires" de Mauritanie ?
Abdoul
Birane Wane :
Alors que nous sommes certains d’être en majorité par rapport
aux Arabo-berbères, les Négro-Mauritaniens restent discriminés
dans tous les secteurs. Ceci dit, nous sommes convaincus de
l’imminence d’un changement politique en Mauritanie. Une fois ce
jour arrivé, nous ne voulons pas que les Négro-Mauritaniens partent
en ordre dispersé dans les partis dirigés par les Arabo-berbères
ou les Haratines. C’est pour cette raison que nous ne ménageons
aucun effort pour que toutes les forces négro-mauritaniennes soient
présentes avec un seul pôle, fort et unifié.
Jeune Afrique :
Ne craignez-vous pas que ce projet soit perçu comme étant
communautaire ?
Abdoul
Birane Wane :
On nous le reproche déjà. Ces critiques sont injustes, mais
c’est le prix à payer. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’à
chaque fois que des décisions importantes sont prises sur l’avenir
du pays, nous ne sommes pas présents.
Jeune Afrique :
Avez-vous reçu le soutien de la Coordination de
l’Opposition Démocratique (COD) ?
Abdoul
Birane Wane :
Lors de notre dernier grand meeting, il est vrai que des députés
du RFD (Rassemblement des Forces Démocratiques, principal parti
d’opposition) étaient présents. Mais nous ne sommes pas soutenus
par la COD. D’ailleurs,
alors qu’elle appelle au départ du président [Mohamed Ould
Abdelaziz NDLR.], nous réclamons la chute de l’ensemble du
système.
Jeune Afrique :
Les FLAM (Forces de libération africaine de Mauritanie)
viennent d’annoncer leur redéploiement dans le pays, afin de se
muer en parti politique. Envisagez-vous également de créer une
telle formation ?
Abdoul
Birane Wane :
Au vu de la lutte que nous menons, le mouvement pacifique reste le
cadre le plus adapté. Ce que nous voulons, c’est un partage des
responsabilités politiques.
Jeune Afrique :
Comment comptez-vous parvenir à vos fins ?
Abdoul
Birane Wane :
Aujourd’hui, nous faisons appel à toutes les forces qui luttent
contre ce pouvoir. Nous sommes d’ailleurs en négociation avec le
Mouvement des Jeunes de Mauritanie (MJM), la Coordination de la
jeunesse du 25 février, la Coalition du 25 février et El Khor, pour
tenter de planifier un programme d’action. Seule la pression de la
rue pourra faire chuter le régime.
06/07/2012
Propos recueillis à Nouakchott par Justine
Spiegel
Interview
de Abdoul Birane Wane, leader du Mouvement « Touche Pas à Ma
Nationalité »
(Points
Chauds
21/11/2011)
L’homme
est le cerveau des jeunes contestataires contre l’enrôlement qui
exclut les noirs Mauritaniens pour gonfler démographiquement la
population arabo-Berbère minoritaire dans le pays mais qui s’est
accaparée le pouvoir politique, économique et religieux sans
partage depuis l’indépendance du pays.
Nous rappelons aux
lecteurs que l’objectif No1 de l’enrôlement en cours est de
dégager une large majorité fictive en faveur de la communauté
arabo-berbère pour légitimer leur domination. Nous avons décidé
de survoler la situation avec Abdoul Birane Wane. Voici l’interview
révélatrice dans le blog au secours des harratine, Bonne
lecture
1-)Bonjour
Abdoul Birane Wane, vous êtes le coordinateur du mouvement « Touche
pas à Ma Nationalité », où en êtes vous sur le terrain des
manifestations de contestation contre l’enrôlement des
populations?
Adoul
Birane Wane : Le mouvement "touche pas à ma nationalité"
continue de se mobiliser car, le problème de ce recensement raciste
reste encore réel. Pour nous le problème est loin d’être
résolue, c'est pourquoi nous continuerons encore à nous battre.
2-
Certains disent que la mobilisation commence à affaiblir, d’autres
pensent que le pouvoir est entrain de réussir à étouffer dans
l’œuf vos actions en utilisant les chefs religieux et dignitaires
des régions du sud contre vous, qu’en dites-vous ?
ABW
: Non, le mouvement est loin de faiblir, il faut cependant
reconnaître que le combat que nous menons est très difficile dans
la mesure où le régime raciste déploie d'impressionnants moyens
pour décapiter notre mouvement. Ce régime s'appuie sur des nègres
de service qui ont toujours servi le système depuis Ould Dadah, ces
nègres de service ont vendu leur âme au diable et sont utilisés
pour briser toute résistance des noirs en Mauritanie. Parlons aussi
de la complicité de certains religieux puisque c'est dans les
mosquées et accompagnés de cameras de la télévision Mauritanienne
que ces noirs corrompus et traîtres attaquent le mouvement "touche
pas à ma nationalité". Et ce n'est pas fini, nous sommes
également victime du sabotage de certains noirs en mal de
reconnaissance actuellement et qui voient en nous une organisation
qui les éclipse. Alors face à tous ces obstacles sérieux ,il nous
fallait une certaine réorganisation en renforçant nos structures
pour mieux résister à cette campagne contre nous, et ça marche, le
meeting de Kaedi le démontre. Nous sommes loin de dire notre dernier
mot. Les 27 et 28 Novembre nous le démontrerons.
3-Avez-vous
une estimation voir mini bilan à nous faire sur l’impact de vos
actions sur la position officielle du général Mohamed Ould Abdel
Aziz et son gouvernement depuis le début?
ABW
: D'abord nous remarquons que le régime et ses collaborateurs noirs
paniquent car il leur était impossible d'imaginer un soulèvement
noir en ce moment précis. Dans ces conditions le régime fait
semblant de reculer pour nous amener à baisser notre garde, mais ça
ne marche pas, nous restons vigilants et fermes par rapport à nos
revendications, n'oublions pas que les commissions restent encore
représentatives de la seule communauté Arabo-berbère comme si elle
était la seule dans ce pays. Donc pas de véritables
changements.
4-
Nous avons entendu certaines voix dire que les haratine n’ont pas
été mobilisé pour soutenir le mouvement « Touche pas Ma
nationalité », est il vrai ou faux?
ABW
: Nous ne pouvons pas dire que les haratins ne viennent pas à nos
marches. On en voit peu et qui viennent de manière individuelle, et
ils sont réguliers. La question que je me pose maintenant est la
suivante, si vraiment les haratins sont eux aussi discriminés par
ces recensements pourquoi ne se mobilisent-ils pas massivement à nos
cotés? Et pourtant notre mouvement est ouvert à toutes les
communautés et notre sensibilisation n'est pas orientée vers une
communauté, quand nous lançons un appel c'est à tous les jeunes
Mauritaniens.
5-
Il y a eu un mort Lamine Mangane, des blessés graves sous la torture
des sbires du pouvoir, c’est le cas de Bakary Bathily devant des
élus à Kaédi, d’autres sont envoyés en prison alors que nous ne
connaissons pas leurs identités, pouvez vous nous faire le point sur
la situation ?
ABW
: Nous nous battons pour que ces crimes contre les noirs ne restent
pas impunis. Bathily a été torturé par des policiers dont le
commissaire de Kaedi et le directeur régional de sûreté, Lamine
Mangane a été tué sur les ordres du commandant de brigade, et
aujourd'hui dans les certains quartiers des gardes circulent la nuit
et tabassent tout noir qu'ils rencontrent. La situation elle est là,
tant que les victimes sont noires la justice reste muette, normale,
cette justice est monopolisée par la seule communauté
Arabo-berbère. Cette fois, rien ne sera comme avant, la famille de
Lamine Mangane a porté plainte avec l'aide d'avocats expérimentés
et courageux, Bathily reste déterminé à poursuivre l'affaire et
nous avons reçus la visite de Gaetan Mootoo et Salvatore Saguess
d'amnesty international à qui nous avons exposé toute la situation
et évoqué le problème des détenus leur libération a été
confirmée en présence des missionnaires d'amnesty international.
Ces tortionnaires et criminels seront traqués comme des bêtes
toutes leurs vies, s'il le faut même nous ferons appel à la justice
internationale.
6-
Avez-vous fait des efforts d’aller voir les haratine si oui qu’est
ce qui bloque alors?
ABW
: Nous contactons tous ceux qui sont opprimés comme nous. S’il y a
blocage ce n'est pas de notre faute et nous avons la conscience plus
que tranquille, peut être qu'il y a encore une méfiance entre les
communautés après tout ce qui s'est passé avec des régimes qui
n'ont cessé de diviser. Nous avons lancé un appel à tous ceux qui
sont visés par ce recensement raciste, peut être que ne sont venus
que ceux qui se sentent menacés.
7-
Il y a eu un petit problème d’ordre organisationnel entre vous et
IRA-Mauritanie, ce qui a poussé d’ailleurs les militants de cette
ONG à ne plus participer à vos manifestations, pourriez vous nous
donner des éclaircissements sur ce qui s’est réellement passé
?
ABW
: Je tiens d'abord à préciser que c'est nous qui avons fait le
premier pas vers l'IRA que nous sommes allés voir. Ce que vous
appelez problème ne devait justement pas en être un. Nous,
mouvements au sein de "touche pas à ma nationalité, nous avons
privilégié la cohésion des groupes, c’est pour cette raison que
nous avons décidé de ne pas afficher le nom de différentes
organisations sur nos banderoles. Et quand nous avons appris que les
militants d'IRA allaient venir avec leurs banderoles, j'ai
personnellement appelé le responsable de l'organisation en l'absence
de son président Biram en voyage pour lui expliquer nos principes.
Et le lendemain jour même de la marche à notre grande surprise nous
voyons ceux que nous avions pourtant averti la veille déployer leurs
banderoles, et sur le champ nous tentons de les ramener à la raison,
le minimum c'était le respect de nos règles en tant
qu'organisateurs de cette marche. Personnellement j'ai assimilé ce
comportement à une tentative de récupération ou à un acte de
sabotage. Si nous organisateurs, nous ne mettons pas les noms de nos
organisations, alors on le permettra à aucune autre organisation. Et
après cet incident, c'est nous qui avons aussi fait le premier pas
envers IRA et camara seydi en est témoin, une commission présidée
par notre porte-parole Dia alassane s'est rendue chez Biram et une
deuxième fois chez camara. J’estime que nous avons fait de notre
mieux. Et pourquoi raconter seulement l'incident de départ? Quand la
police a commencé à nous attaquer, les militants d'IRA ont reçu
l'ordre de quitter les lieux, on n'abandonne pas un allié sur le
champ de bataille.
8-
Est-il vrai que vous auriez déchiré les photos de Boulkheir Cheikh
Dieng lors de l’incident avec les militants d’IRA qui
brandissaient sa photo pour dénoncer son emprisonnement arbitraire
?
ABW
: Personnellement je ne déchirerai jamais le portrait d'un noir
détenu par le système raciste, je rappelle que par un communiqué
nous avons condamné l'acharnement des autorités envers les
militants d'IRA et la condamnation de Boulkheir, nous on se trompe
pas d'ennemis. Si certains jeunes ont déchiré ces portraits ce qui
m'étonnerai c'est qu'ils ont interprété le comportement de nos
amis comme une tentative de récupération. ET pourtant sur certaines
images on voit bien les photos de Boulkheir tenues par les
manifestants.
9-
Certains disent que les responsables du mouvement « Touche pas à Ma
Nationalité » refusent de se dresser contre l’esclavage,
qu’avez-vous à répondre à cela ?
ABW
: Ils peuvent peut être nous reprocher de ne pas faire de
l'esclavage notre principal cheval de bataille, mais ce serait
injuste de dire que nous ne nous dressons pas contre l'esclavage,
vous êtes témoins du rôle que nous avons joué quant les militants
abolitionnistes dont Biram ont été arrêtés, et Dieu sait les
risque que nous avons courus, parce que nous sommes convaincus de
l'injustice que constitue l'esclavage. Rien que la couleur de notre
peau doit nous amener à lutter contre l'esclavage. Ces mêmes
personnes qui nous reprochent de ne pas lutter contre l'esclavage
commettent une erreur d'appréciation ,j'ai l'impression que pour ces
personnes toute la lutte des noirs doit se limiter à combattre
l'esclavage, c'est une erreur, et de la même manière certains
peuvent leur reprocher de ne pas parler de la spoliation des terres
de la vallée, de nos langues etc.
10-
Comment voyez-vous l’avenir du mouvement ? Ya t il eu des missions
de coordination et de sensibilisation à l’intérieur du pays
?
ABW
: Ce mouvement est appelé à devenir un grand mouvement national,
une parfaite coordination existe entre Nouakchott et l'intérieur et
nous comptons effectuer des déplacements pour revoir nos camarades
de l'intérieur. Ils éprouvent d'ailleurs le besoin de nous voir et
il est temps.
11-
Vous êtes historien de formation, on parle souvent de l’arabité
des harratine, comment cela est il possible en sachant qu’ils sont
d’origines du continent Africain, jadis les arabes volaient ou
razziaient les enfants africains pour les soumettre à l’esclavage
et l’acculturation?
ABW
: Un simple fait historique nous prouve que les haratins n'ont jamais
été arabes par leur origine. Précisons que l'esclavage existait
seulement en Afrique parmi les populations noires. C’est à la
suite des contacts avec les populations noires que des marchands
arabes ont commencé à pratiquer l'esclavage. Pour le cas
Mauritanien, je précise que les arabes sont venus dans le sahara
juste dans la seconde moitié du XV siècle, ce qui est récent par
rapport à l'histoire d'un peuple, alors ces arabes ont assimilé les
berbères et par des razzias mais aussi par des transactions, ils ont
asservi des noirs devenus aujourd'hui les haratins, noirs par la
couleur de la peau, mais parlant la langue des anciens maîtres. Et
pourtant certaines habitudes culturelles des haratins sont encore
très similaires à celles des noirs.
12-
Le président de l’association des haratine de Mauritanie en Europe
Mohamed Yahya Ould Ciré disait : « Les Haratine sont recensés
comme serviteurs (esclaves) et leurs votes restent détournés aux
bénéfices des Maîtres. » Qu’en pensez-vous ?
ABW
: Oui les haratins restent dans une large mesure dépendants de leurs
maîtres maures, alors il leur est impossibles de prendre des
décisions de manière souveraine, le pire se passe dans les coins
les plus reculés.
13-
Que pensez vous des actions de l’association des haratine de
Mauritanie en Europe, créée depuis en 2001, elle dénonce sans
répit l’esclavage, le racisme d’état et les injustices qui
frappent les populations noires Mauritaniennes ?
ABW
: Nous voyons que ce mouvement participe à une véritable prise de
conscience chez la communauté haratin et en même temps il favorise
un rapprochement entre négro-Mauritaniens et haratin, c'est l'espoir
d'une possible unité. Ces efforts doivent se poursuivre.
14-
Quel est votre dernier Mot ?
ABW
: Nous sommes déterminés à combattre ce système raciste et
esclavagiste et que ni les menaces, ni la répression ne nous ferons
reculer. Nous appelons tous ceux qui sont opprimés à s'associer
avec nous pour mettre fin à ce système d'apartheid qui vit ses
derniers jours. Le 28 Novembre, nous défierons le système en
organisant des marches à Nouakchott et à l'intérieur. Nous devons
combattre énergiquement les cadres noirs qui rien que pour préserver
leurs miettes sacrifient toute la population noire .Tous ensemble
pour le triomphe de la justice.
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