A.H.M.E.
INTERVIEW 7:
Interview de Mbouja Mint Bah au site www.haratine.com
Interview de Mbouja Mint Bah au site www.haratine.com
1) A.H.M.E. : Bonjour, Madame Mbouja mint Bah, Bachelière en 1987, maîtrise en Alimentation et Nutrition en 1990, trilingue (arabe, français et anglais) et militante anti-esclavagiste. Présentez-vous à nos lecteurs ?
M.B : Je m’appelle Mbouja Mint Bah o Salem. Je suis née en 1968 à Teychtayatt (département de Rkiz dans la Région de Trarza en Mauritanie). J’ai
commencé mes études en 1973 dans mon village natal pour les
compléter à Rosso (lycée de Rosso) et à Nouakchott (ISS) et pour
rectifier je ne suis pas militante anti-esclavagiste, je n’ai pas
encore mérité ce surnom.
M.B :
Oui, on m’a toujours privé de mes droits les plus absolus, ces
droits qui sont facilement attribués a des personnes qui ne le
méritent pas mais qui sont les fils de tel ou la tribu est telle …
je ne veux pas trop expliciter pour ne pas subir d’avantage.
M.B :
Outre l’exploitation physique des esclaves du sexe masculin,
les femmes esclaves subissent l’exploitation sexuelle, car le
maître est sensé abuser de son esclave même sans son consentement.
Aussi, dans un autre cas il peut prendre la
femme esclave comme concubine (conjointe) secrètement
et refuser s’il le veut l’enfant né de cette relation
M.B :
Ces cas abondent dans les sociétés esclavagistes et les
enfants abandonnés grandissent et parfois vieillissent sans
connaître leurs vraies mères. Cette
fuite est souvent entourée de tous les dangers et les fuyardes
tombent parfois entre les mains des proxénètes ou des malfrats. Les
autorités ne prévoient aucune assistance dans ces cas. 5) A.H.M.E. : L'engagement des femmes haratine dans la lutte anti-esclavagiste est impératif. Existe-t-il un mouvement féminin engagé dans le combat contre la servitude ?
M.B :
L’engagement des femmes harratines dans la lutte
anti-esclavagiste reste encore très mitigé malgré un début
d’éveil lent durant cette dernière décennie. Je connais beaucoup
de femmes qui sont conscientes du danger de ce fléau, mais le manque
d’organisation structurée reste la principale contrainte pour
promouvoir cette lutte. S’ajoute à cela la sensibilité du
problème et le manque de sensibilisation et d’éducation de
beaucoup de femmes harratines. De ce fait une grande tranche des
femmes harratines est encore soumise à l’esclavage d’une façon
au d’une autre. Les chanteuses harratines qui chantent les louanges
de leurs maîtres en rappelant les fonctions des esclaves ne sont
qu’une manifestation de cette soumission. D’ailleurs, ces
chansons sont très appréciées et sollicitées par les maures.
M.B : Une habitude encore en usage, même si l’usage tend à diminuer avec l’activisme des mouvements anti-esclavagistes apparus ces derniers temps. Je veux ajouter dans ce cas que la responsabilité est partagée avec les parents haratines qui font de leurs filles une source de financement de leurs foyers tout en sacrifiant leurs études et leurs avenirs.
7) A.H.M.E. : L’esclavage maure touche essentiellement les femmes et les enfants. Pourquoi les esclavagistes tiennent tant aux femmes et aux enfants ?
M.B : Les femmes et les enfants sont les sujets les plus vulnérables, leur dépendance matérielle et leur ignorance les contraint à rester sous prédominance de leurs maitres. A cela s'ajoute le complexe de dépendance de certains qui croient qu’ils ne peuvent pas vivre sans leurs maîtres.
8) A.H.M.E : Les Haratine étaient et restent exclus de l'enseignement coranique et moderne. Les femmes sont les grandes victimes de cette exclusion. Pourquoi les maures esclavagistes excluent les Haratine de l'enseignement et particulièrement les femmes ?
M.B : Cette tendance tend à s’estomper depuis quelques décennies avec l’effet conjugué de la sédentarisation et de l’éveil des dernières générations. Certes dans des contrées reculées, les maures utilisaient cette pratique pour accentuer davantage le servitude des esclaves qui ignorent encore leurs droits.
Une autre dimension qui a poussé les maures à garder le monopole sur l’éducation et la science, c’est d’éviter l’indépendance matérielle des esclaves qui les encouragerait à quitter les foyers. Nous avons vu que les premières communautés haratines qui ont réussi à arracher leurs libertés sont ceux qui ont pu accéder l’éducation. Il est évident que l’analphabète est moins disposé à savoir ou défendre ses droits les plus simples, il est encore moins capable d'éduquer ses enfants. Il
y a une anecdote haratine qui dit qu’une fois une femme mauresque
sensée enseigner le coran aux enfants haratines leur dit « kavicoum
estaalemtou ! : c’est suffisant vous êtes devenus
érudits ».
M.B : Mon école a été inaugurée en 1968 pour une communauté exclusivement harratine. Néanmoins, je peux dire que les esclaves étaient toujours privés de l’école parce que toutes les places étaient réservés aux fils des maîtres ou tout simplement ils devaient s’occuper du bétail , des champs et des travaux domestiques.
M.B : Il n’existe pas de programme qui vise spécialement cette communauté. On peut dire que toutes les écoles ouvertes dans les douawabas ont échoué. Cette échec est du à l’effet conjugué de l’ignorance et la pauvreté des parents qui font sortir les enfants des classes pour aller aux champs. On peut signaler dans ce sens que l’Institut Pédagogique Nationale qui s’occupe de l’édition des livres scolaires a publié des livres dans lesquelles on peu trouver des textes qui spécifie l’existence des esclaves en Mauritanie (voir de la dune au marigot ed.2004 page 20 dixit :les femmes maures confectionnent les paniers …pendant que les servantes pilent le riz et le fonio ; elles vont chercher de l’eau balaient les cases, vont couper du bois, font la cuisine)fin de citation. Pour expliquer ce texte aux élèves l’enseignant leurs demande la différence entre les femmes et les esclaves.
M.B : Les organismes anti-esclavagistes sont appelés à initier des programmes pour l’insertion des esclaves libérés en parallèle aux campagnes de libération. Cela nécessite l’implication de chacun et chacune, notamment les hommes d’affaires et hauts cadres harratines qui ont le devoir de soutenir ces efforts car seuls les mesures d’accompagnement qui peuvent pérenniser ces activités Je dirais dans ce sens que le suivi est nécessaire pour ne pas perdre les acquis, car on
constate le retour dans les foyers maures des esclaves libérés
volontairement par crainte de la campagne des militants et je parle
en connaissance de cause . M.B : ce sont les propos de ses prédécesseurs, les gouvernement mauritaniens ont toujours nié l’existence mêmes des séquelles de l’esclavage. Cela ne change rien aux données. On doit se demander pourquoi budgétiser des centaines de millions pour abolir ce qui n’existe pas. je crois qu’on doit rien attendre de l’Etat car on ne donne pas les droits on les arrache . Il
faut travailler et surtout sensibiliser pour que tout le monde soit
conscient du fléau.En tout cas cette symbiose ne profite qu’aux
maures donc ils ne peuvent jamais opter pour son changement.ce qu’on
peut demander d’un président c’est l’application des lois
incriminant l’esclavage et non la description à sa façon de ce
qui existe parce qu’il ne peut pas sentir.
M.B
: Durant l’exercice de mes fonctions en tant
que consultante dans un projet, jai effectué plusieurs missions dans
des localités très reculées et j’ai vu des pratiques que je ne
peux pas raconter dans une interview; il faut plutot des livres pour
les illustrer.allant des travaux domestiques penibles jusquà les
insultes.
14) A.H.M.E. : Les esclaves "libérés" par les militants anti-esclavagistes restent sans assistance ni de l'Etat, ni de la société maure. Dans les pays où l'esclavage et le racisme où continuent d'exister, comme l'Inde, les Etats-Unis et Afrique du Sud, la discrimination positive a été adoptée pour corriger les injustices.Qu'est ce que la discrimination positive ? "[...] la discrimination positive est l'instrument clé d'une politique de rattrapage entre différents groupes. Elle vise à promouvoir entre eux une plus grande égalité de fait, ou, à tout le moins, à garantir aux membres des groupes désavantagés une véritable égalité des chances. Elle s'inscrit dans une logique de comblement d'un écart de développement économique et social et suppose donc, plus qu'un simple traitement différencié, l'instauration d'un véritable traitement préférentiel." in Claves ( Gwénaële),La discrimination positive, Collection Que sais-je ?, Edition PUF, 2004 , page 7.
M.B en Mauritanie
il n’y a que la discrimination négative, les harratines ne
bénéficient de rien et toutes les mauvaises pratiques leurs sont
réservées.
15)
A.H.M.E.
: Les Haratines, victimes à la fois de l'esclavage et du racisme,
méritent la discrimination positive qui pourrait réparer les
injustices subies.
Quelle
est votre réflexion à ce sujet ? M.B Cette volonté politique n’existe pas, car l’état mauritanien nie l’existence même de l’esclavage ou de ses séquelles. Tout dernièrement au lieu de la discrimination positive, l’état cherche à contrecarrer les ONG antiesclavagistes par d’autres créés de toutes pièces par les services de renseignements. Notre société n’est pas habituée au partage et trouve que les esclaves sont bannis des biens de la vie ici bas du paradis dans l'haut-delà. 16)
A.H.M.E.
:
Quelles sont vos impressions relatives aux activités de A.H.M.E. M.B.
: Cette association contribue considérablement à
l’augmentation du niveau de prise de conscience des haratines de
leur problème.
17) A.H.M.E. : Votre dernier mot aux lecteurs du site www.haratine.com .
M.B.
: L’émancipation et l’obtention de nos droits méritent une
lutte de longue halène et plus de sueur que nos ancêtres ont
déversées sous les fouets des esclavagistes.
Le 31/12/2011
Interview
réalisée au nom de A.H.M.E : |
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