A.H.M.E.
INTERVIEW 54:
Interviews de M. Boubacar Ould Messaoud
Mauritanie-Boubacar Messaoud: Le Manifeste des Harratines, un appel pour que ce pays avance dans la paix (Interview)
Boubacar
Ould Messaoud : Nous attendons d’eux une ouverture
réelle vis-à-vis de notre action. Nous, ONG de droit de l’homme,
dénonçons l’esclavage en tant que pratique et séquelles et nous
avons besoin de mobiliser l’opinion nationale et internationale sur
le phénomène. L’esclavage est l’un des grands maux que vivent
les Harratines, mais il est escamoté, nié, ignoré et souvent pas
pénalisé malgré qu’il existe une loi qui l’incrimine depuis
2007. Nous avons souvent des esclavagistes qui sont amenés à la
Police, au Parquet ou devant les tribunaux, mais qui finissent par
être libérés, parce qu’on estime qu’ils ne sont pas des
esclavagistes, ou bien on crée des conditions de leur libération
par une mise en liberté provisoire qui ne finit jamais. Et parfois
le contrôle judiciaire n’est qu’une manœuvre mettant fin
à toute poursuite, le présumé ou la présumée esclavagiste est
mis ou mise en liberté effective et s’évanouie dans la
nature. Le 05/05/2013 |
Interview de Boubacar Ould Messaoud président de SOS-Esclaves-Mauritanie
Des militants africains des
droits de l’homme ont été conviés en France, jeudi dernier, pour
discuter de la question des droits de l’homme en Afrique dans le
cadre du cinquantenaire des indépendances africaines que la France
célèbre depuis quelques mois. Parmi eux, Boubacar Ould Messaoud,
qui est haut fonctionnaire de son pays engagé dans la lutte contre
l'esclavage. le Mauritanien pointe un index accusateur sur
l’esclavage et les inégalités sociales dans son pays.
|
Le directeur de
publication du site électronique "Taqadoumy" Hanevi Ould Dehah
détenu depuis 7 mois vient d’être condamné à deux ans de prison. Pour Boubacar
Ould Messaoud, président de SOS Esclaves, Le cas de Hanevi témoigne d’une
volonté manifeste de la part du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz de
confisquer les libertés qui semblent menacées surtout au regard de la nouvelle
loi antiterroriste qui crée, à l’en croire, Les conditions d’une violation
systématique des droits élémentaires de la personne. Entretien.
|
“Le
putsch perpétue l’esclavage, le racisme et la prédation clientéliste” Boubacar Messaoud est le président de
S.O.S Esclaves, une ONG très présente dans la lutte en faveur des
droits de l’Homme en Mauritanie. Pourquoi selon vous, la police a
accordé une attention particulière au président de S.O.S esclaves ? Avez-vous
le sentiment que les ordres viennent d’en haut ? Le 19/04/09 Source : Biladi (Mauritanie)
|
Boubacar ould Messaoud: Il ne suffit pas d'une loi pour combattre un phénomène pareil
Nous sommes satisfait de cette
loi dans la mesure où elle constitue une de nos principales revendications.
L'avant projet était squelettique et le projet fut insuffisant, nous pensons
que le travail de l'obbying que nous avons fait, et notre action auprès de la
société civile pour apporter des amendements nécessaires à cette loi ont été
payants parce que la majeure partie de nos amendements figurent aujourd'hui
dans la loi.
Quel bilan faites vous de votre lutte anti-esclavagiste? Pour nous la lutte ne fait que
commencer car le problème est reconnu par tout le monde et surtout par
l'opinion internationale. Cette loi est une preuve de l'existence de
l'esclavage. Elle est venue après plusieurs tentatives qui n'étaient en fait
que des leurres. On dit que la Mauritanie a aboli trois fois l'esclavage. Ce
qui est faux ! Elle ne l'a fait qu'une fois. On a promulgué une ordonnance
abolissant l'esclavage, mais du point de vue juridique, elle le légalise car
elle prévoyait la compassassions des maîtres. Ce qui veut dire qu'elle
reconnaissait à certaines personnes le droit d'avoir une propriété sur
d'autres. Vous disiez plus haut que l'esclavage est encré dans nos habitudes profondes, alors que faudrait-il d'autres pour appuyer les mesures législatives ? Une campagne de sensibilisation à
long terme est indispensable. Et le fer de lance de celle-ci doit être les
oulémas, les imams et les gens de religion afin de sensibiliser les
populations. Cette campagne doit être urgente, sérieuse et engagée. Elle doit
se tenir dans toutes les mosquées et à la télévision nationale. Il faudrait
faire une grande sensibilisation dans les médias. En fin, il faudrait scolariser le milieu des anciens esclaves. Car, pauvres, ils n'ont pas les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école. Et une discrimination positive serait également la bienvenue comme ce fut le cas pour les "arabisants" par rapports aux "francisants".
TELEGRAMME HEBDO-SOURCE CRIDEM
|
Mauritanie | BOUBACAR OULD MESSAOUD, SG “SOS ESCLAVES” :
"La solution des problèmes de la Mauritanie passe par la résolution du passif humanitaire" LA SENTINELLE
African Global News : Quelle est votre position par rapport à la loi criminalisant l’esclavage qui doit bientôt être adoptée ? Boubacar Ould Messaoud : Par rapport à
cette loi, je suis très optimiste. En tout cas, je suis très encouragé par
cette décision qu’avait prise le Président de la République. Il s’agit en
outre du respect d’un engagement électoral pris par Sidi Ould cheikh
Abdallah alors candidat à la Présidentielle. Je pense que l’adoption d’une
loi criminalisant l’esclavage est un acte incontournable aujourd’hui, dans
la mesure où notre but est que cette pratique cesse, et que par la suite,
on commence à traiter le phénomène. L’esclavage ne dépend pas seulement
Après la promulgation de cette loi, je pense que les
autorités n’auront pas de difficultés à écouter les plaintes des victimes
de l’esclavage. Et quand j’ai eu à le voir et à en discuter, je me suis
rendu compte qu’elle est relativement floue dans des passages de certains
articles. Dans ce cadre, notre organisation est en partenariat avec
d’autres organisations telle que A. G. N : Et si jamais le Parlement n’en tient pas compte ? B. O. M : Je pense qu’on n’est pas sûr d’avoir raison en tout. Mais je ne pense pas qu’il puisse ignorer l’ensemble des amendements que nous avons demandés. Et s’il ne devait pas en tenir compte, nous continuerons la lutte. Nous pensons quand même que cette loi est une nouvelle étape dans la reconnaissance de l’existence de l’esclavage. Vous savez qu’on se bat depuis des années, que nous avons toujours été maltraités, calomniés par des gens qui disent devant nous que l’esclavage est une invention de gens qui essayent d’en tirer des bénéfices. Nous pensons toutefois que cette loi n’a pas été conçue pour rien. Elle suit une demande répondant à une réalité. L’esclavage existe dans ce pays, il y’a également ses séquelles. Il y a des gens qui vivent les séquelles et d’autres qui vivent les pratiques esclavagistes. Si les parlementaires ne tiennent pas compte de nos amendements, nous continuerons la lutte. Notamment la référence au « prétendu esclave ». Des termes de ce genre qui rendent le texte totalement flou et incompréhensible parce qu’il n’y a pas de « prétendues victimes ». On n’a pas à prouver qu’on est esclave. C’est aux pouvoirs publics de prouver la culpabilité des gens. Tant que cette culpabilité n’est pas prouvée, ils sont présumés innocents. Maintenant, vouloir dire qu’il y’a des « prétendus esclaves » c’est comme prétendre qu’il y a des gens qui inventent l’esclavage. Nous avons constaté que dans la version arabe, qui était l’originale, le terme prétendu n’était pas mentionné. De ce point de vue, nous pensons que nos amendements seront
pris en compte au moins en ce qui concerne par exemple la dimension
religieuse de l’esclavage. Il n’est pas normal qu’on puisse parler de
l’esclavage sans introduire la référence religieuse. L’esclavage a été
maintenu dans ce pays, car on a instrumentalisé la religion musulmane qui,
elle-même, est contre l’esclavage. Nous pensons que la référence religieuse
fait que l’abolition de Pour nous, il n’ y a pas de délit d’esclavage, car
l’esclavage est un crime. Il y’a des personnes qui considèrent que
l’esclavage est une tare et qui veulent se contenter de ce terme.
A. G. N : Selon vous, est-ce que l’esclavage, pratiqué dans le milieu maure, est comparable à celui que l’on trouve dans le milieu négro africain ? B. O. M. : Le lien qui existe entre les
deux communautés, c’est que d’abord, dans les deux sociétés, on adhère à
l’esclavage comme une valeur. L’esclave existe dans toute les communautés
(poulaar, wolof, maure, soninké…). C’est une réalité. C’est quelqu’un qui
est exclu, discriminé. Maintenant la différence réside au niveau de la
pratique. La différence, c’est que certains n’exploitent plus directement
leurs esclaves alors que d’autres les exploitent et les font travailler.
Mais tout ceci, de mon point de vue, c’est une question de temps.
Une fois qu’on est affranchi, on a un nouveau statut. On peut
épouser une femme affranchie et les enfants sont réputés être affranchis,
libres de naissance, alors que j’ai l’impression que chez d’autres, sans
pouvoir les citer, on est esclave, fils d’esclave ; donc on reste
esclave de réputation. La grande différence, c’est qu’en milieu maure, il y
a une grande dénonciation qui est toujours exprimée. Des gens dénoncent
leur situation et se révoltent. En milieu négro-africain, la dénonciation
est toujours cachée. Ils ne veulent pas nous rendre compte de ce qui leur
arrive, sauf dans l’intimité la plus absolue. Pourtant, nous avons une
organisation qui considère que l’esclavage existe dans toutes les
communautés mais nous n’avons presque pas de plaintes de la part des
négro-africains. Mais en fait, l’esclavage est un phénomène caché dans
toutes les sociétés. Les maîtres comme les esclaves n’avouent pas cela. Il
n’y a que des gens réellement libérés qui en parlent. Moi par exemple, je
suis libre. Je A. G. N : Etes vous optimiste par rapport à cette situation là ? B. O. M : Aujourd’hui, je préfère cette situation parce que nous venons de loin. Si vous vous rappelez bien, la période de Ould Taya, le sujet était tabou. On parle aujourd’hui ouvertement de l’esclavage. Tout le monde peut en parler. C’est un pas. Je crois qu’aujourd’hui, on est rentré dans une phase où on ne peut qu’aller de l’avant. C’est pour cela que je suis optimiste. La solution aux problèmes de la Mauritanie passe par la résolution du passif humanitaire, et la liquidation de l’esclavage. Ce combat ne se mène contre personne. C’est notre société elle-même qui doit participer de manière consciente à sa mutation, parce que les changements sont inéluctables. Nous voulons que la société change pacifiquement et que chacun y participe de son coté. C’est qu’on ne doit pas laisser simplement aux fils d’esclaves le soin de se révolter, de se révolter contre leur statut, leur stigmatisation. Il faut accompagner leur mutation et je voudrais appeler tout le monde à y participer. Il n’y a pas de vengeance, nous n’avons aucun contentieux à régler. On veut évoluer et il faut accompagner cette évolution.
Entretien réalisé par Birome GUEYE |
Boubacar Ould Messaoud, président de SOS Esclaves:
«Les jours de l'esclavage et des pratiques esclavagistes sont comptés»
Cette décision est une nouvelle
victoire remportée sur plus de cinquante ans de dénis de l'esclavage et contre
ceux, autorités publiques ou autres esclavagistes inavoués qui continuent de le
nier. C'est une autre preuve que la pratique de l'esclavage n’est pas un
phénomène banal dans certains pays et justifie pleinement la création en 2007
de notre Réseau de Lutte Contre l’Esclavage en Afrique de l'Ouest, regroupant
des organisations mauritaniennes, nigériennes et maliennes. J’en éprouve une
profonde satisfaction. Le 04 /11/08 Source
: Le Quotidien de
Nouakchott
|
«Pour lutter efficacement contre la persistance de pratiques de l’esclavage et ses séquelles cette loi a manqué jusqu’ici à l’arsenal juridique du pays»
La Tribune : Une Loi sur la criminalisation de l’esclavage passe bientôt devant le parlement. Considérez-vous que c’est le couronnement d’un combat ? Boubacar
Ould Messaoud : Une Loi criminalisant l’esclavage revêt une importance
capitale dans la lutte contre la persistance de pratiques esclavagistes. Encore
faut- il qu’elle soit opérationnelle pour rompre avec les actes qui l’ont
précédée telle que l’ordonnance La Tribune : Que rapprochez-vous à ce projet ? Boubacar
Ould Messaoud : Je trouve dans ce projet de loi du gouvernement a beaucoup
de lacunes. L’exposé des motifs ne mentionne pas les autres pratiques analogues
à l’esclavage. Son titre devrait être libellé comme suit : «Projet de loi
portant incrimination et réprimant En fait la Mauritanie est débitrice d’obligations positives d’application de deux conventions relatives à l’esclavage, celle de 1926 et celle de 1956. Elles contiennent respectivement les qualifications de l’esclavage et des pratiques analogues à l’esclavage ; L’absence de référence à la religion Islamique est dommageable car elle aurait armé, ou du moins réconforté les militants anti-esclavagistes ; aidé psychologiquement les victimes à se promouvoir et les maîtres à se conformer à la loi. L’absence de renvoi aux expériences des autres Etats, à la charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est également regrettable. C’est pour tout cela que des modifications substantielles de «l’exposé de motifs» sont requises. Concernant
les dispositions de la loi, pour éviter toute ambiguïté dans l’interprétation
l’article 2 doit reprendre les termes exacts de la convention de 1926 relatives
à l’esclavage : L’esclavage est un crime contre l’humanité et ne pourrait en aucune manière être considéré comme un délit. L’intitule de chapitre 2 devrait être rédigé ainsi : «Chapitre deuxième : Du crime d’esclavage et des délits commis à l’encontre des victimes des pratiques esclavagistes». Au
niveau de l’article 3, il serait juste que la discrimination soit considérée
sous toutes les formes quelles qu’en soient les victimes. A l’article 4. Les
peines prévues pour cet article sont moins sévères que celles prévues par le
code pénal pour des infractions moins graves que Dans
l’intitulé «Section deuxième : Des délits d’esclavage», la création de
«délits Un nouvel intitulé doit être attribué à la section 2. Soit : «Section deuxième : Des délits commis à l’encontre des personnes victimes d’esclavage». A l’article 5, la notion de «prétendu» esclave est grave de conséquence. Elle constitue une négation de la qualité de victime. Il ne s’agit aucunement d’une qualification juridique. Et d’ailleurs le terme «prétendu» n’est à aucun moment utilisé dans le code pénal pour qualifier les victimes. La qualification de «prétendu victimes» n’aurait jamais été adoptée dans ce code. Cette qualification sous-entend une inversion de la charge de la preuve en ce qu’il appartiendrait à la victime de prouver sa qualité. La qualification de «prétendu» doit être supprimée et remplacée par «victimes de l’esclavage ou de pratiques analogue à l’esclavage». Ceci est valable pour tous les articles qui utilisent cette qualification. Cette observation étant valable pour tous les articles qui utilisent cette qualification, au niveau de l’article 7, priver un enfant de l’accès à l’éducation ne doit pas être incriminé de la même manière que l’enlèvement d’un enfant : ces deux faits doivent être incriminés de manière distincte l’un de l’autre. A l’article 9, relativement au mariage forcé, en se référent aux dispositions du Code du statut personnel, en l’absence du consentement le mariage est nul. Toutes relations sexuelles dans le cadre d’un tel mariage doivent être punies de la même manière que le viol.. En ce qui concerne l’article 15 le fait de pouvoir dénoncer les pratiques esclavagistes et d’assister les victimes ne répond pas à la demande des organisations de défense des droits de l’Homme puisque ce sont des activités qu’elles exerçaient déjà. En revanche, il est indispensable que nos associations puissent se constituer parties civiles et assister les victimes devant la justice. La Tribune : «Séquelles», «Pratiques», cette guerre des mots a-t-elle un sens pour vous ? Boubacar
Ould Messaoud : Aujourd’hui plus que jamais chaque mot a son importance.
Devant la justice chaque mot a un sens précis. Il se rapporte à faits précis.
Entre esclavage et séquelles de l’esclavage, il y a une différence. Ce qui est
juste, c’est que dans notre pays nous avons des personnes qui subissent
l’esclavage et vivent dans des conditions serviles. Nous avons également des
anciens esclaves qui se confrontent aux séquelles du phénomène à des degrés
divers. Au niveau d’une loi, il est important que le crime d’esclavage soit
bien caractérisé et que les pratiques esclavagistes soient définies avec
précision. C’est primordial. Il y va de la crédibilité de la démarche et de la
sincérité des engagements pris par le président de la République. L’esclavage
existe. Ses séquelles aussi. Dire que l’esclavage La Tribune : Ne craignez vous pas que cette image d’extrémiste vous colle encore plus ? Boubacar Ould Messaoud : Je voudrais bien que vous puissiez me décrire cette image. Si être extrémiste c’est insister pour qu’il y ait plus d’équité et de justice sociale dans mon pays et vouloir que les torts soient reconnus, nommés tels quels, puis criminalisés, alors je crois que ceux qui pensent que je suis extrémiste peuvent continuer à avoir de tels raisonnements maladroits. Mais moi je suis un homme convaincu. La Tribune : La Mauritanie d’aujourd’hui comporte quand même des notes d’espoir… Messaoud O. Boulkheir, president de l’Assemblée, loi incriminant l’esclavage, SOS-esclaves convié à tous les forums…. Qu’en pensez-vous? Boubacar
Ould Messaoud : Déjà l’on peut dire que l’espoir né au lendemain du 3 août
avec le départ de Maaouiya n’a pas été déçu, Ely Ould Mohamed Vall a respecté
ses engagements. Enfin comme vous le soulignez l’élection de Messaoud O/
Boulkheïr comme Président de Source: La Tribune N° 359 |
Interview de M.Boubacar Messaoud: «Il faut mettre
en place une structure pour coordonner la lutte contre les diverses pratiques
esclavagistes»
Gulnara Shaninian rapporteur spécial de l’Onu sur les formes contemporaines de l’esclavage, a effectué tout récemment une mission en Mauritanie à l’issue de laquelle elle a indiqué lors d’une conférence de presse tenue le 3 novembre que la législation de 2007 criminalisant l’esclavage n’est pas correctement appliquée dans les faits. «Les
victimes ne sont pas incitées à dénoncer publiquement les abus subis»
avait-elle annoncé. "Il existe en Mauritanie toutes les formes
d’esclavage: travail des enfants, travail domestique, mariages d’enfants et
trafic d’être humains", a-t-elle dit en invitant les pouvoirs publics à
étoffer l’arsenal législatif existant par des lois spécifiques propres aux
pratiques en matière de travail, de citoyenneté et d’immigration. M.Boubacar
Ould Messaoud, président de SOS Esclaves, s’était réjoui des conclusions
du rapporteur spécial des Nations unies. «Le fait qu’elle reconnaisse ces
réalités est un motif de satisfaction pour nous. Cela nous aidera à convaincre
les autorités de lutter contre ce problème». M. Ould Messaoud précise dans
cette interview, ce qu’il attend des autorités. Entretien
… Boubacar Ould Messaoud: Les militants des droits de
l’homme ont certainement souhaité la visite de la rapporteuse spéciale des NU
en Mauritanie pour qu’elle se rende compte sur place de la situation de
l’esclavage dans notre pays, se faire une idée juste et vivante des différentes
formes qu’il revêt et évaluer les solutions préconisées et ou mises en œuvre
pour son éradication. Ceci relève de son mandat et les vœux des organisations
comme la notre sont tout à fait légitimes. Il s’agissait également de connaitre
quelles seraient aujourd’hui les conclusions d’un représentant des nations
unies sur la question, le propos de Madame répare une injustice vieille de
vingt cinq ans ; en 1984, le rapport d’un certain Marc Bossuiyt expert du
groupe de travail sur les formes contemporaines d’esclavages affirmait, qu’en
Mauritanie, le phénomène avait disparu au point de ne laisser subsister que
quelques séquelles ; il venait alors de forger l’argument massue auquel
recourront les différents régimes pour relativiser ou nier l’actualité et la densité
de cette pratique dans l’espace mauritanien, retardant ainsi, par ce temps
perdu en polémiques stériles, le travail de l’indispensable réparation. BOM. Qu’est-ce qui vous fait dire tout cela ? Si vous avez
bien écouté nous avons aussi bien demandé l’application de la loi que
l’élaboration et la mise en œuvre des mesures d’accompagnement de cette loi
aptes à promouvoir l’émancipation effective des victimes et de leurs
descendants, structurellement cibles de discriminations. L’accent sur la mise
en œuvre de la norme juridique fait partie des recommandations prévisibles, de
sorte que votre question manquerait d’objet, je le crains. T H : Après le 6 août 2008, on a peu entendu les autorités aborder l’épineux sujet de l’esclavage. A S.O.S Esclaves, comment est perçu le fait qu’elles aient donné leur aval à une enquête diligentée par l’ONU sur les formes contemporaines? Un gage de bonne volonté ou de la poudre aux yeux?
BOM : Effectivement le Président Med Ould Abdel Aziz
n’a pour ainsi presque jamais rien dit sur cette épineuse question; après la
conférence de presse du Rapporteur Spécial des NU où elle a confirmé, entre
autres, combien l’esclavage est encore pratiqué dans le pays sous de multiples
formes y compris traditionnelles par ascendance, le Commissaire aux Droits de
l’Homme, à l’Action Humanitaire et à la Société Civile, sur la chaine Al
Jazeera – bien entendu, le lendemain du départ de son illustre hôte, dira, en substance,
qu’en Mauritanie seules les séquelles de l’esclavage subsistent aujourd’hui et
l’Etat s’attellerait à leur éradication. Il s’exprimait en Arabe et visait
ainsi la consommation locale ; son propos a sonné comme un démenti pour
rassurer les esclavagistes de tous bord : « rien n’a changé - semblait-il
signifier - nous sommes toujours maîtres de la situation, les Mahmoud,
M’bareck, El Keir, Mabrouk, Messoud, Tarba, Tamrazguent et Imijine dépendront
toujours de nous, ils ne parviendront jamais à devenir maîtres de leur destin!
». Propos recueillis par Samba Camara |
07
juillet 2007 : Interview de Boubacar Ould Messaoud, Président de SOS
Esclaves Interview réalisée par Camara Mamady
Depuis plus d’une dizaine
d’années, Monsieur Boubacar Ould Messaoud va en croisade
contre la pratique de l’esclavage et des esclavagistes. Mais cette
pratique étant vue par ses coreligionnaires comme conforme à la pratique
de la Sainte religion de l’Islam, sa lutte n’a jamais été une
partie de plaisir. Son chemin a été souvent parsemé d’embûches. Mais
devant toutes ces difficultés, il a tenu bon, très bon même. Car l’Etat
vient de prendre une loi incriminant la pratique de l’esclavage en Mauritanie. Que pensez-vous de la nouvelle loi qui incrimine la pratique de l’esclavage en Mauritanie ? La loi qui incriminerait l’esclavage en Mauritanie
est pour moi un acte attendu, souhaité et revendiqué par tous les
militants anti-esclavagistes mauritaniens, tous les hommes de progrès à
travers le pays et à l’extérieur. Ce n’est pas la seule mesure
nécessaire, mais au stade actuel, elle est indispensable. Mais elle n’est
pas l’unique mesure. Nous pensons également que cette institution doit entreprendre des projets et des actions orientées vers les descendants d’esclaves et les esclaves eux-mêmes pour qu’ils puissent être réellement insérés dans la vie économique, du reste et devenir totalement autonomes. Que cette institution veille à ce que qu’ils aient leur lopin de terre et qu’ils puissent de manière autonome utiliser cette terre pour cultiver, une partie de cette terre pour leur permettre de vivre de manière autonome. Il y a également le problème de culture et de l’aliénation. L’esclavage, s’il a perduré, c’est parce que les
Mauritaniens considèrent que c’est la volonté de Dieu, et que c’est
conforme à leur religion. Les esclaves n’admettent en général leur
affranchissement que lorsqu’il est prononcé par le maître. Donc, il
s’agit de faire la sensibilisation et d’amener les imams dans les
mosquées à reconnaître que l’abolition de En fait pourquoi cette loi, parce qu’il faut finir avec l’impunité de la pratique esclavagiste. La loi va pourchasser ceux qui continuent délibérément à spolier les esclaves ou les descendants d’esclaves. Ceux qui continuent à séquestrer les enfants ou à enlever les enfants de leur famille pour les mettre à leur service, de les partager entre leur imam et leur famille. Ce qui les empêchent d’aller à l’école comme les autres enfants. Ceux qui peuvent posséder une femme parce qu’elle est leur esclavage et abuser d’elle et ne pas d’ailleurs reconnaître sa progéniture le plus souvent. Ceux qui sont capables d’amener des filles pour faire le baby-sitter. Et elles restent les baby-sitters. Jusqu’à la fin de leurs jours dans les familles comme domestiques. L’esclavage chez nous a une réalité, c’est que c’est un travailleur non rémunéré. Il ne l’est jamais que ça soit dans l’agropastoral ou dans la domesticité. Pour ça, il faudrait faire la différence, il ne faut pas faire croire aux gens que c’est une notion un peu vague, non. Ce sont des gens qui ne sont pas payés. Ce sont des gens qui peuvent être vendus. Ils peuvent être donnés et légués. Et ça, il faut le dire. Il y a également les séquelles, et nous pensons que cette loi, aussi, pourra non seulement criminaliser les actes des victimes d’esclavage, mais les délits aussi. Dans ce cadre aussi, il y a la stigmatisation et les insultes. Nous pensons qu’il y a les insultes d’ordre racial, d’ordre d’ethnique, d’ordre castal. Quand on vous traite de griot, de forgeron, ça vous rabaisse. Des insultes qui vous traitent de sale blanc ou sale nègre, pour nous c’est la même chose. Tous ces gens doivent être poursuivis et doivent répondre devant la loi. Si on sait que le Président Haïdalla avait en son règne pris une loi abolissant la pratique de l’esclavage en Mauritanie, pensez- vous qu’une nouvelle loi peut vraiment mettre fin à cette pratique coutumière esclavagiste sur le sol mauritanien ? Bon, je pense qu’aucune loi ne peut mettre fin à une pratique surtout que c’est une pratique traditionnelle sociale, mais elle fait partie de l’arsenal nécessaire pour combattre le phénomène. Pour parler de l’insuffisance des lois en tant que telles par rapport à ce phénomène, nous pensons que toutes les lois, qui ont été prises jusqu’ici, n’ont pas été en mesure de participer à la lutte contre l’esclavage. Parce qu’elles n’étaient pas des lois prises de manière sérieuse. Elles ne reflétaient pas de réelles volontés politiques c'est-à-dire elles ne traduisaient pas la réelle volonté politique de combattre l’esclavage. Quand vous parlez de la loi prise par l’ancien
Président Haïdalla en 1981, je vous dirai que
cette loi était tout simplement un moyen de faire croire aux gens, que
l’esclavage est fini. Mais en abolissant l’esclavage, on s’est précipité
pour réconforter les esclavagistes, en disant Cette loi concerne la traite des personnes. Elle se
limite essentiellement au trafic des enfants, des organes et la vente des
organes, au travail des enfants, à l’enrôlement des enfants dans Parce que la convention parle également de l’esclavage et des pratiques assimilées, je vous informe, que quand on a fait cette loi en 2003, le pouvoir mauritanien a enlevé de sa loi la référence à l’esclavage. C’est pour dire qu’il ne cherche pas à combattre l’esclavage qui est chez lui. Il laisse l’opinion nationale et internationale dans l’ignorance totale d’abord du phénomène qu’il pratique chez lui, qu’il continue à décrire, à identifier et à désigner par le terme séquelles. Moi, je dirai tout de suite à tous ces gens-là qui parlent de séquelles, que les séquelles ne se criminalisent pas. Les séquelles se traitent. Quand on criminalise, cela veut dire qu’il y a des faits, des éléments, des crimes et des délits commis. Ce sont ceux qu’on criminalise. Donc pour moi, la loi n’est pas suffisante. Même la
nouvelle loi, qu’on va prendre. Jusqu’ici, Cet exercice qui a été fait le 25 juin au Palais
des Congrès ne me paraît pas encourageant. Pensez-vous que l’esclavage en Mauritanie est l’apanage d’une seule composante ethnique ? Pas le moins du monde, je ne pense pas que l’esclavage est l’apanage d’une seule ethnie en Mauritanie. Je pense que l’esclavage est un problème de société mauritanienne dans toutes ses composantes ethniques et nationales, à savoir qu’il y a ceux qui s’appellent les Arabes, les Soninkés, les Wolofs et les Poulars. Dans tous ces milieux, on pratique l’esclavage et on le tolère, c'est-à-dire culturellement on l’accepte comme rapport humain. Il est plus spectaculaire quand il s’agit des Maures, des Arabes, parce que souvent il met en relation les noirs et des blancs, et les esclaves sont en général noirs. Ce qui n’exclue pas, qu’on ne trouve pas des esclaves blancs en milieu maures. Mais les esclaves sont essentiellement noirs. Et entre les noirs Poulars, Soninkés, tout le monde se confond. Par ailleurs dans toutes ces communautés, personne
n’avoue être esclave ou avoir des esclaves. Cela est une caractéristique
de nos populations. En réalité le mal, le mauvais, c’est toujours le
voisin. Ce n’est jamais moi, ce n’est jamais ma famille, ce n’est jamais
ma tribu, ce n’est jamais mon ethnie. Pour moi, en tout cas, pour mes
amis militants de droits de l’Homme et anti-esclavagistes, nous savons et
nous le disons en haute voix partout que l’esclavage Moi, je vais aller plus loin par rapport à votre question. L’esclavage n’est pas seulement en Mauritanie. J’appelle nos amis de la sous région et de la région à se voir en face, nous ne sommes pas une îles dans le désert, ni dans la mer, nous sommes entourés des mêmes populations. Quand nous parlons de Maures, on en trouve au Sahara, au Mali. Quand nous parlons de Peulhs, on en trouve au Mali, au Sénégal et en Guinée. On trouve des Wolofs chez nous, au Sénégal. On trouve des Touaregs au Mali, au Niger. Ces sociétés sont encore esclavagistes. Cela, je le soutiens, je n’ai jamais dit que c’une affaire d’ethnie ou de race. C’est une affaire de société Est-ce que les structures officielles de l’Etat vont prendre le relais de SOS Esclaves dans sa lutte ?
Je vous ai dit tout à l’heure au début, de toute façon
pour nous la loi n’est pas suffisante. La loi n’est pas un élément
nécessaire pour lutter contre l’impunité. Elle a un caractère
pédagogique. Elle va montrer à tout un chacun que l’Etat ne cautionne
plus l’esclavage, que les autorités ne cautionnent pas l’esclavage. Cela
peut à notre avis faire reculer la pratique de l’esclavage. Mais ce n’est
pas suffisant de combattre l’esclavage. Parce que l’esclavage est
également une culture aujourd’hui. Ce sont des rapports de dominations
multiples. Il y a une multiplicité de formes de dominations. Il y a des
dominations économiques, culturelles, sociales…Et tout ceci demande des traitements,
et donc des mesures d’accompagnement. Une équipe dynamique peut engager des projets, des
structures de formation, un travail autre que manuel, qui permet
d’insérer ces gens-là, qui sont en général des bergers, des
agriculteurs, des domestiques. Il faudrait qu’ils puissent faire autre
chose que cela, qu’ils puissent pleinement bénéficier de tous les droits
qui doivent provenir de l’Etat et de la communauté. Ils doivent
bénéficier d’une certaine discrimination positive pour les ramener au
même niveau que les autres. C’est ça le traitement de l’esclavage, c’est
ça le traitement des séquelles de l’esclavage. Une fois que l’esclavage
aura été interdit et pénalisé, nous pouvons parler des séquelles de
l’esclavage. Aujourd’hui parler des séquelles de l’esclavage sans Si toutes vos doléances sont faites par l’Etat, quelle sera alors la nouvelle raison d’être de SOS Esclaves ? Moi, je vous dirai que la nouvelle raison d’être de SOS Esclaves, quand l’Etat commencera à prendre en charge l’esclavage dans toutes ces dimensions, la société civile comme nous sommes une partie, un élément de cette société civile. Elle aura toujours son rôle à jouer, parce que l’esclavage ne peut pas être à plat en un jour, un dix jours, ni en dix ans. Donc, je pense que le travail de l’éducation, de sensibilisation, parce qu’il faut créer la citoyenneté. Il faut accompagner cet effort de sensibilisation d’émancipation, nous avons tous notre rôle. Et SOS Esclaves est une organisation des Droits de l’Homme, nous ne nous limitons pas depuis que nous sommes créées, il y a une dizaine d’années. Nous ne sommes jamais limités uniquement aux problèmes d’esclaves. Nous parlons de tout, nous avons la discrimination à combattre, nous continuerons également à nous mettre au côté des victimes, de ceux qui sont sujets à des arrestations arbitraires, à des procès inéquitables, à des tortures. Si on est militant de Droit de l’Homme. Maintenant l’esclavage, nous savez qu’il existe l’esclavage moderne, il faut continuer à le combattre. L’esclavage traditionnel, il faut également continuer à le combattre. Ces pratiques ne vont pas disparaître en un jour. Moi, je ne pense pas pourquoi SOS Esclaves disparaît dès lors que l’Etat commence à s’occuper de l’esclavage. Au contraire SOS
esclaves va coopérer avec l’Etat, pour sortir avec ce rapport
conflictuel avec l’Etat. Mais nous serons des partenaires encore beaucoup
plus proche. Parce qu’il est entrain de réaliser le programme pour
lequel, on a créé cette organisation.
|
M. Boubacar Ould Messaoud, Président de SOS esclave de la Mauritanie : "l’esclavage existe encore au 21è siècle"
Le Républicain du Mali - 24 avril 2007 Tombouctou a abrité du 7 au 8 avril
2007 un forum sous-régional contre la pratique de M. Boubacar Ould Messaoud. Il nous parle ici du combat de son organisation contre cette pratique multiséculaire sur le plan national et sous-régional. Le Républicain : Peut-on croire aujourd’ hui en ce 21e siècle que l’esclavage existe encore dans nos sociétés ? Boubacar Ould Messaoud : Oui, l’esclavage existe encore au 21e siècle. On le croit et on peut le voir. Chez nous en Mauritanie, on trouve des esclaves et je crois qu’on en trouve ailleurs. Si j’en crois l’association Temedt et ses militants, l’esclavage existe également au Mali. Il existe aussi au Niger au moins. Le Républicain :Depuis quand votre organisation existe alors ? Boubacar Ould Messaoud :Notre organisation existe depuis 1995 en tant que organisation autonome, indépendante. Le Républicain :Quelles sont les formes et manifestations de l’esclavage de nos jours ? Boubacar Ould Messaoud :L’ esclavage existe dans les milieux ruraux comme dans les milieux urbains. C’est une main d’œuvre. C’est une personne qui est propriétaire d’une autre personne, qui en abuse et qui en dispose à sa guise. Il les (esclaves) fait travailler sans salaire, il a toute l’autorité sur eux. Ils ont besoin de son assentiment pour se marier. Qu’ils soient hommes ou femmes. Il peut les léguer à sa mort à ses enfants. Il peut les vendre, bien que la vente soit très rare. Parce qu’elle a été enrayée depuis très longtemps, depuis le temps colonial. Il était déjà très difficile au moment de l’indépendance. Mais il existe encore de nos jours. Le Républicain :Quels sont les fondements de ce phénomène ? Boubacar Ould Messaoud :A l’origine,
c’est la violence, les guerres tribales, les razzias et la misère.
L’esclavage s’est surtout consolidé quand les maîtres d’esclaves
ont développé une idéologie esclavagiste qui a réussi à enchaîner
les esclaves à leurs maîtres. Ils ont réussi à leur faire croire
que leur situation, que leur condition de vie sont voulues par
Dieu. Et qu’il serait grave de leur part, voir inadmissible,
de se rebeller contre leur maître. Et que leur admission au
Paradis dépend entièrement de leur soumission à leur maître.
Ce sont des fondements pseudo-religieux. Car je pense
que la religion musulmane ne justifie pas Le Républicain :Pouvez vous nous parler du parcours de votre organisation ? Boubacar Ould Messaoud :SOS
esclave a été créée à la suite de certains événements survenus
en Mauritanie. Ces événements sont essentiellement dus au fait
que la Mauritanie a aboli l’esclavage en 1981 et que, au cours
d’une décennie, nous avons constaté que cette abolition n’a
donné lieu à aucun effet. Le seul effet qui a été produit c’est
que certains cadres Haratines qui avaient posé la revendication
ont été promus à des postes importants de l’Etat. Ils sont devenus
soit : Premier Ministre, secrétaire général de ministère, directeur
général des sociétés d’Etat. Mais l’esclavage continue et on
s’est rendu compte qu’il fallait s’organiser et se mettre à
la disposition des victimes pour pouvoir les aider et réussir
à avoir leurs témoignages pour rendre visible la pratique de
Le Républicain :Quelles sont vos activités ? Boubacar Ould Messaoud :Nous
somme une organisation de défense des droits de l’Homme qui
s’occupe des victimes d’arrestations arbitraires, d’emprisonnement,
de détention, de procès inéquitables. Nous luttons également
contre l’impunité des juges et la torture des policiers. Dans
ce contexte, nous avons choisi d’appeler notre organisation
SOS esclave parce que nous voulons frapper l’imagination de
tout un chacun, du monde entier. Quand on dit SOS esclave, nous
mettons l’accent sur l’esclavage, nous le dénonçons immédiatement.
Nous nous considérons comme des gens qui sont venus assister
des esclaves en détresse. Nous avons souvent des individus qui
viennent nous demander de les assister et nous les assistons.
Qui a son enfant qui a été retenu par son maître comme esclave
domestique, sa fille qui a été mariée sans son avis ou donnée
comme domestique à la fille du maître. Qui, à la mort de son
père, se voit dans l’incapacité d’hériter de ce dernier. Car
le plus souvent, c’est le maître qui vient prendre les biens
et ainsi de suite. Donc, toutes ces formes de pratiques esclavagistes
font très rarement l’objet de réclamation. Ce sont des cas isolés
qui nous permettent de mettre en visibilité l’esclavage. Parce
que nous accompagnons nous-mêmes la victime chez l’autorité
qui est obligée de reconnaître qu’il y a un cas de pratique
Le Républicain :Quelles sont les réactions des autres communautés face aux actions de votre organisation ? Boubacar Ould Messaoud :La communauté
des classes supérieures qui sont les maîtres Le Républicain :Est-il possible, selon vous, d’éradiquer le phénomène ? Boubacar Ould Messaoud :Bien sûr qu’il est possible. Nous travaillons à cela. Toute ma vie, je la consacre à la lutte contre ce phénomène. J’ai personnellement créé cette organisation avec des amis pour ça. Tout le long de notre parcours, nous avons exigé que nous soyons pris comme des interlocuteurs de cette communauté. Le Républicain :Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ? Boubacar Ould Messaoud :Nous
n’avons pas de moyens économiques. On parle de leur libération,
de leur émancipation. Mais leur émancipation est fonction de
leur autonomie sur le plan économique. Alors que dans nos pays,
notamment en Mauritanie, la terre appartient encore aux tribus.
Et ce sont les maîtres qui en ont encore le privilège. Et les
esclaves ne sont que les exploitants. Ils peuvent rester exploitants
tout le temps que les maîtres sont encore contents d’eux. Et
aujourd’hui quand ils refusent de voter du côté des maîtres,
ils sont renvoyés des terres. Leur attachement à la tribu est
dû à des raisons d’ordre économique, à la tradition et à l’habitude
etc. Même dans les garages et les ateliers, ce sont les mêmes
maîtres qu’on retrouve là-bas. Car c’est eux qui ont bénéficié
des prêts et subventions de l’Etat depuis une quarantaine d’années.
Propos recueillis par Abdoulaye Ouattara
|