A.H.M.E.
INTERVIEW 51 :
Interviews de Breyka Ould M'bareck
Breyka Ould M'Bareck la vie d'un résistant
Originaire
d'Atar, le capitaine Breyka Oul M'Bareck, est, de l'avis général, l'un des
plus valeureux officiers de notre armée. L'homme s'est forgé sur les terrains
de combats, une réputation de fin stratège capable de mettre en déroute
l'ennemi au premier contact. AVOMM.COM : Depuis votre retour d'exil en juin 2006, bien des choses
se sont passées, pouvez nous parler un peu des espoirs nées du changement,
les acquis et les déceptions ? 29/01/2008
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25 juin 2007 : Interview de l’ex Capitaine Breika ould M’Bareck
«L’argent mobilisé pour le Palais des peuples s’élevait à plus de 70 millions d’ouguiyas. J’ai les preuves que ce montant était en place lors de mon départ, en conséquence, c’est aux différents Permanents des Comités qui m’ont succédé, qu’il faut poser cette question. Les Mauritaniens ont le droit d’être édifié sur le sujet» Officier le plus médaillé de l’Armée nationale,
l’ex capitaine Breika ould M’Bareck a occupé
plusieurs fonctions militaires. Formé à Saint Cyr,
avec plus tard un stage à l’EAAC d’Alger,
ce spécialiste de l’artillerie s’est particulièrement distingué lors
de la guerre du Sahara occidental. Membre actif de la junte militaire qui a renversé feu maître Mokhtar ould Daddah, il a été mis à la réforme en 1979 après avoir été accusé par ses compagnons d’armes du CMRN (Comité Militaire pour le Redressement National) de préparation, au même titre que l’officier Moulaye Hachem ould Moulaye Ahmed, d’un contre coup d’Etat. Au cours de la même année, il a participé à la restructuration du CMRN qui deviendra le CMSN (le Comité Militaire pour le Salut National). Toujours en 1979, il fait son retour en force au sein de la Grande Muette. Avec sa franchise légendaire, cet ancien officier
a eu un entretien à bâtons rompus avec Le
Véridique : Vous avez commencé votre carrière professionnelle
par Breika ould M’Bareck : J’ai
effectivement commencé ma carrière comme instituteur et j’ai exercé
ce métier à Bir Moghrein et à Chinguitti pendant près de sept années.
Au cours de cette expérience, je me suis imposé la noble mission de
préparer la composante Khadhara à assumer son avenir et sa place sur
l’échiquier national. Le Véridique : Vous avez participé à la guerre du Sahara. Quels souvenirs gardez vous de cette époque ? BOM : (Rire). Si je me mets à énumérer les souvenirs, nous ne terminerons pas cette interview aujourd’hui mais je vais vous en parler, dans le tas de quelques ‘uns. Je me rappelle que quand notre Armée s’est engagée
dans cette guerre, je voyais certains soldats détaler dans les regs
de Lagoueira, cela me faisait sourire. Mon deuxième souvenir,
Le Véridique : Justement, l’accident de feu Kader a suscité de nombreux commentaires notamment en ce qui concerne l’identité des personnes venues les premières à son chevet. Avez-vous des éclaircissements sur cet épisode ? BOM : En réalité, Kader a
été récupéré par une unité commandée par Mohamed Khouna ould Haidalla
mais c’est moi-même qui ai eu l’honneur de venir le premier au pied
de cet Defender et ce n’était pas par hasard. C’est à partir de
certaines données que j’ai pu identifier la zone où il pouvait être
tombé. L’avion nous avait survolé aux environs de 16 heures, j’ai
suggéré au chef de revenir à Mheiriz El Hachya et à partir de là,
nous avons pris les traces du Polisario et en regardant la carte,
j’ai estimé que c’est à partir de la zone dite Zbyera Ehel Deikhine
que Le Véridique : Pensez vous que la Mauritanie avait raison de se retirer de la Guerre du Sahara et que Feu Mokhtar ould Daddah s’était trompé sur cette affaire ? BOM : Ecoutez, feu le
président avez parlé de la Mauritanie dans son ensemble bien avant
Le Véridique : Durant votre parcours, vous avez été placé en détention plusieurs fois. Peut-on savoir le pourquoi de ces incarcérations ? BOM : J’ai été arrêté trois fois. La première fois, il y a eu des divergences entre moi et mon chef dont je ne veux pas citer le nom ici par pudeur. Cet officier a oublié que j’étais officier comme lui et surtout en toute modestie que je n’étais du genre à se laisser marcher sur les pieds. Il a voulu déborder et je l’ai rappelé amicalement mais fermement et avec honneur tel que cela nous a été enseigné dans les académies militaires. J’ai beaucoup regretté cette arrestation surtout que durant mon absence, mes compagnons ont subi une lourde défaite à Bir Guendouz. Je ne sais pas si ma présence aurait pu changer le cours des choses mais ce dont je suis sûr, c’est que j’ai joué un rôle déterminant dans plusieurs batailles comme peuvent en témoigner tous les officiers, sous officiers et hommes de troupe honnêtes qui ont eu à me côtoyer durant cette période de ma vie. La deuxième fois, j’ai eu des démêlées avec un
gouverneur à F’Derick suite à une altercation avec lui du fait que
durant une manifestation de projection de film, j’ai trouvé des
officiers de La troisième fois, juste après le 10 juillet. J’ai été arrêté parce que j’ai estimé que la première configuration du Comité et les options n’étaient pas celles qui étaient définies au préalable par tous les officiers. J’ai mis en garde le chef du CMRN que s’il ne corrigeait pas cette déviation, je n’hésiterai pas à la corriger moi-même si l’occasion m’était donnée de le faire. J’ai été arrêté pendant près de trois mois, puis mis à la réforme avant de revenir avec le CMSN avec l’aval de Mohamed Khouna ould Haidalla et feu Ould Bouceif. Un valeureux officier à qui je rends ici un vibrant hommage et que les Mauritaniens ne doivent pas oublier. Le Véridique : Vous étiez sous le régime de Ould Haidalla, l’un des hommes forts du pays. A l’époque, les Mauritaniens s’étaient fortement mobilisés pour la construction du Palais du Peuple dont vous aviez la charge. Peut-on savoir où est passé tout cet argent ? BOM : Contrairement à ce que
soutiennent beaucoup de gens, le Palais du peuple n’a pas mobilisé
beaucoup d’argent. Toujours est-il que, l’argent mobilisé pour cet
édifice s’élevait à plus de 70 millions d’ouguiyas. J’ai les preuves
que le montant était en place lors de mon départ, en conséquence,
c’est aux différents Permanents des Comités qui m’ont succédé En 1990, j’avais rédigé une lettre ouverte dans
laquelle je disais toute ma disposition d’aller Le Véridique : L’un de nos confrères, en l’occurrence Jeune Afrique avait écrit à propos de l’officier Feu Moulaye Hachem « l’arroseur arrosé ». Cette formule pourrait-elle être adaptée à votre cas ? BOM : J’estime que lorsque j’étais au pouvoir avec Ould Haidalla, personne ne pouvait le toucher. Même les Américains, les Français, le savent. Je suis très content d’avoir quitter le pouvoir sans avoir à trahir mon ami et frère Mohamed Khouna ould Haidalla et de pouvoir aujourd’hui le regarder en face sans la moindre honte. J’ai préféré traverser le désert depuis 1984, parce que j’estime que cet homme est celui qu’il fallait à la Mauritanie. Le Véridique : Depuis un certain temps vous êtes actif dans la scène politique. Mais vos détracteurs vous reprochent ce qu’ils appellent votre instabilité politique ? BOM : Ce que ces gens appellent l’instabilité, moi je le définis plutôt comme expérience et fidélité aux principes. Je connais bien les mentalités des mauritaniens pour avoir été l’un des architectes du Mouvement d’Education des Masses. De fait, ceux qui me reprochent mon instabilité, ce sont des gens qui ont peur que je leur tire le rideau. De fait, dans mon entendement, il était souhaitable pour moi et pour El khadhara que je représente, que je me mette en retrait puisqu’ils avaient eux-mêmes choisi un leader. Il ne servait à rien de venir lui faire la concurrence. Cela pouvait tout au plus affaiblir la cause que nous défendons tous malgré les divergences d’approche. Il faut dire que c’est avec le kalach que je me suis imposé et que j’ai aidé les Khadaras. Le Véridique : D’autres vous accusent d’appartenir aux services de renseignements? BOM : C’est dommage parce que mon genre ne peut pas appartenir aux renseignements et puis qui renseigner ? Des hommes que j’ai eu à commander ? Si j’avais appartenu aux réseaux des renseignements, j’aurai dû trouver ma place de soleil après le 3 août 2005... Le Véridique : En tant qu’expert militaire, est ce que vous pensez que la tentative de coup d’Etat du 8 juin 2003, qui est à la fois la plus sanglante et la plus osée de la longue série de putches, pouvait être dirigée par un homme qui n’était plus en service au sein de l’Armée ? BOM : L’action du 8 juin a
été menée par des officiers qui étaient au sein de l’institution
militaire, des hommes qui dirigeaient des unités. Ils se sont peut
être appuyés sur d’autres hommes qui n’étaient plus dans le corps. Il
faut dire quand même que malgré tout, l’Armée était suffisamment
verrouillée pour que le premier civil, fut-il un ancien du corps,
puisse pénétrer dans la plus petite caserne sans attirer l’attention
sur lui. C’est une action héroïque dirigée par des hommes courageux,
mais qui a connu de nombreuses insuffisances graves qui ont fait que
la tentative a capoté. Le mérite de cette opération est d’avoir permis de dégripper le régime de Ould Taya et préparer le terrain du 3 août 2005. Le 8 juin est donc une réaction de certains officiers héroïques qui ont pris leurs armes pour sauver le pays du chaos vers lequel il s’acheminait inexorablement. Le Véridique : Selon certaines sources, vous auriez été contacté par les instigateurs du 8 juin 2003 ? BOM : Je ne peux pas confirmer ou infirmer cette information. Tout ce que je peux dire c’est que certains officiers qui me connaissent, ont cherché à avoir mon avis. Je leur ai dit que Ould Taya n’est pas à sous estimer et que si on ne cherche pas à impliquer tous les officiers, cela ne peut pas marcher. Le Véridique : Quel est l’avenir politique de l’ex capitaine Breika ? BOM : Mon avenir est lié à celui de la Mauritanie. J’estime que les partis politiques ont fait une erreur en cautionnant aveuglement le 3 août 2005 et en acceptant d’être manipulé contre la déclaration de Dakar. C’est pour cela que j’estime qu’il n’y a pas eu de période de transition. Parce qu’une transition suppose l’implication de tous les acteurs publics, partis politiques et société civile. Le Véridique : Que pensez vous de l’actuel régime ? BOM : Le Président élu Sidi ould Cheikh Abdallahi est un homme foncièrement bien. Je le connais parfaitement pour l’avoir côtoyé durant sa traversée de désert. Je lui fais confiance mais il doit appliquer l’équation très simple de la politique nationale. C’est-à-dire qu’il doit permettre au Premier ministre, au président du Sénat et celui de l’Assemblée nationale de se concerter pour les grandes décisions. Tout comme il doit impliquer le leader de l’opposition. Mais encore une fois, il ne doit pas oublier l’Armée. Il faut que l’actuel locataire du Palais ocre se penche sur la situation des militaires. En tant que commandant en chef des Forces Armées, il doit prendre très au sérieux le cas de l’Armée. Le Véridique : Qu’avez-vous fait concrètement pour aider à l’émancipation de ceux que vous appelez El Khadaras? BOM : J’ai aidé à une prise de consciente de l’injustice subie par cette frange de la population. J’ai passé le flambeau à ceux qui militent aujourd’hui pour cette cause. Le problème de cette frange ce n’est pas de faire une loi criminalisant l’esclavage, le problème c’est de trouver une solution concertée. Pour cela, il faut associer toutes les personnes, toutes les organisations concernées de près ou de loin par la question. Il est inconcevable qu’en 2007, on trouve dans les domiciles de certains responsables encore des captifs pour leur laver les mains. Ces responsables doivent être sévèrement punis. Le gouvernement gagnerait à se désolidariser de tout ministre ou autre responsable chez qui on trouverait un Abd. Ca c’est du concret. Le Véridique : En tant qu’expert militaire, pensez vous que dans le contexte actuel de démocratisation, le pouvoir puisse être pris par la violence? BOM : Les coups d’Etat sont toujours envisageables. La germe d’un coup d’Etat, c’est quand des femmes et des enfants conduisent des voitures de l’Etat alors que des commandants ou des capitaines marchent à pied ou attendent des taxis, c’est quand les militaires n’ont pas de dortoirs, c’est aussi quand ils n’ont pas de soins, ils n’ont pas de moyens de transport, c’est également quand dans le tableau d’avancement on n’applique pas les règles, ou encore quand il y a des problèmes sociaux...Les coups d’Etat c’est quand des hommes formés et de qualité estiment que leur pays est au bord de la dérive et qu’il convient de le sauver. Il ne faut surtout pas croire que l’Union Africaine ou la Ligue Arabe ou toute autre institution internationale puisse empêcher des officiers, des soldats de prendre le pouvoir par les armes s’ils jugent que cela va aider à mettre leur pays sur bons rails. Ensuite, vous avez dans la rue plus de 300
officiers, limogés pour différentes raisons et qui Propos recueillis par Haiba et
Ragel |