INTERVIEW DU COLONEL Baby Housseinou.
Lettre de protestation de RSF
Paris le 10/7/2000 L'ALLIANCE DES FORCES DE REFUS PUBLICATION DE L'INTERVIEW ACCORDEE PAR LE COLONEL Baby Housseinou,
ex attaché militaire de l'Ambassade de Mauritanie à Paris,
actuellement réfugié politique en France,
interview qui a été censurée par le regime du dictateur Ould Taya.
La Tribune saisie: Les Mauritaniens n'ont jamais compris votre départ de
l'Armée. Pouvez-vous nous l'expliquer?
Colonel Baby Housseinou :
Directeur de l’intendance de l’armée nationale à l’époque, j’ai reçu un jour de février 1998, dans mon bureau, la visite du lieutenant-colonel Mohamed Ould Abdi, Aide de camp du président de la république qui me dit être porteur d’un message de celui-ci : « le patron m’a dit être très sensible à l’état de santé de votre épouse, opérée d’une rupture d’anévrisme cervical, il est prêt à vous affecter comme Attaché Militaire à notre Ambassade Paris, pour vous permettre de suivre sa santé. » J’ai signifié mon accord et exprimé mes remerciements pour cette attention à laquelle j’ai été dans un premier temps très sensible. Trois jours après, le même envoyé revint me transmettre l’accord final.
Le lendemain matin, à peine arrivé au bureau, le colonel Boukhreiss, chef d’Etat-Major National me convoqua pour me notifier mon affectation. La
froideur de l’entretien, le sourire cynique de mon interlocuteur et l’air à
peine voilé d’avoir remporté une victoire m’édifièrent, de suite, sur le
sens réel à donner à cette mutation. La santé de ma famille primant pour moi
sur mes promotions personnelles, je pris la chose du bon côté et avec
philosophie et commençai dès cet
instant à préparer mon départ. La passation
du service de la Direction de l’Intendance de l’Armée Nationale que je
tenais depuis novembre 1985, a été exécutée en soixante et douze heures dans
les règles de l’art avec le bilan connu de tous et dont on parlera plus
loin.
Les quatre mois que dura l’attente de mon agrément à Nouakchott me permirent
de mener mes propres investigations pour essayer de comprendre qui tirait
les ficelles de ce piège qui semblait se refermer autour de moi. Je
découvris sans grande peine et sans surprise, la pieuvre, pieuvre qui a
détruit tant de valeureux fils de cette Nation et qui, apparemment, n’a pas
encore fini son œuvre dévastatrice : Louleid Ould Weddad , Moulaye Ould
Boukhreiss , Dah Ould Abdi et bien
d’autres petites gens .
Dans la manœuvre, la mission de son excellence Dah Ould Abdi était toute
simple : me provoquer en touchant à mon orgueil d’homme et d’officier, ce
qu’il fit avec tout le zèle qui lui est connu. Monsieur Dah, dès mon arrivée,
voulut me réduire en petit valet juste bon pour la petite besogne, ce que
mon orgueil d’homme et d’officier ne pouvait accepter et ce, pour rien au
monde. Au plus fort de la tension entre son excellence et moi, en décembre
1998, j’ai adressé, via le ministère de la Défense Nationale et la Sûreté de
l’Etat, deux rapports détaillés de la situation qui prévalait et des
provocations de l’Ambassadeur. Aucune suite ne fut donnée à ces rapports
alarmants; j’en déduisis, tout naturellement, que les manœuvres de la
pieuvre avaient trouvé oreille attentive et que le temps était venu de
prendre ses responsabilités. Je sais, par
expérience et pour l’avoir depuis
toujours observé, dans notre société, de ces dernières années, qu’il est
illusoire de prétendre faire pré!
va!
loir la raison même évidente, face au faux érigé en système.
Donnez moi un seul exemple d’un fonctionnaire victime de l’arbitraire des
montages et calomnies de ces lobbies mafieux qui n’a pas croupi sous l’humiliation, le bannissement voire la liquidation déguisée. Si vous me
convainquez d’un seul cas, en l’espèce, je rentrerais au pays, sinon
acceptez que mon attitude soit la seule réponse adéquate à opposer à ces
gens- là.
La Tribune saisie: Jusqu'à votre départ, on dit que vous avez été l'enfant
gâté de l'Armée. Vous étiez le protégé du Président Ould Taya. Comment se
fait-il qu'un officier de votre trempe soit éjecté aussi facilement de
l'Armée?
Colonel Baby Housseinou : Mon premier poste, après les commandements régionaux à l’Etat-Major National, fut sous l’autorité de l’actuel président de la république, lorsqu’il
dirigea l’Armée en 1984. J’ai eu à traiter, pour lui, alors que je n’étais que deuxième adjoint de l’Intendance, des dossiers techniques dont il avait semblé être satisfait. Devenu président, il avalisa, sous les commandements respectifs des colonels Ahmedou Ould Abdalla et Djibril Ould Abdallahi, ma nomination en qualité de Directeur adjoint puis de Directeur de l’Intendance.
En fin 1991, dès la nomination du colonel Ould Boukhreiss, comme Chef d’Etat-Major de l’Armée, il eut, de manière régulière, à trancher les
fréquents différends entre ce dernier et moi. Mes rapports sur la gestion
scandaleuse et
insultante pour la Mauritanie de Boukhreiss, l’emploi qu’il
faisait sans vergogne des deniers publics, les transferts à peine voilés des
biens de cette pauvre Mauritanie à une destination qui n’est un secret pour
personne, étaient transmis tous les trimestres au Ministère de la défense et
à la Présidence de la république. Il était, lui-même, destinataire de mes
rapports, particulièrement durs à son endroit, car je n’avais que mépris
pour ce prédateur de notre Pays. Il me le rendait d’ailleurs très largement
; tous les deux ou trois mois, Boukhreiss proposait mon départ de la
Direction de l’Intendance, propositions chaque fois rejetées par le
président car les raisons en étaient plus qu’évidentes. Si c’est cela être
un enfant gâté,
un protégé, jugez-en !
vous-mêmes.
Je mets à la disposition du journal la Tribune, pour qui veut les consulter,
copies de mes procès verbaux de passation de service de l’Intendance et du
Bureau Militaire ainsi que les rapports susénoncés, portant sur la gestion
de l’Armée par Monsieur le colonel Ould Boukhreiss. Ainsi, peut-être,
commencera-t-on à savoir qui est qui et qui a fait quoi. La crainte de la
publication des pratiques de Boukhreiss est l’explication à donner à la
précipitation avec laquelle il s'est lancé, dès ma démission, dans cette
honteuse campagne de dénigrement à mon endroit… Mes propos ici ne donnent
qu’un tout petit aperçu du monstre qui se cache derrière ce monsieur, j’en
parlerai plus en détail en d’autres circonstances.
La Tribune saisie: Vous accusez le Colonel Ould Boukhreiss de tous les maux.
Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?
Colonel Baby Housseinou : En guise de réponse à cette question, je vous remets un lot de procès verbaux, de rapports, d’autorisations de paiement de la trésorerie de
l’Armée, de photocopies de chèques au trésor, de procès verbaux de réceptions
fictives de véhicules Mitsubishi, de bons de commande portant sur des
montants de plusieurs centaines de millions, en violation des règles
budgétaires les plus élémentaires … et j’en passe. Je rajouterai simplement
que ces paiements , chèques , factures et autres se chiffrent en moyenne
entre 800.000.000 et 900.000.000 d’ouguiya par an et sont tous au profit de
la S.O.D.I.A ( société Mitsubishi Mauritanie ) dont le propriétaire n’est
autre que Monsieur le colonel Ould Boukhreiss, société gérée par son gendre
Mohamed Ould Jouly .
S.O.D.I.A est un paravent destiné au financement des ambitions politiques régionales de Boukhreiss, bien entendu, politique sans intérêt aucun pour la Mauritanie, mais plutôt à son détriment. Ceux qui cherchent l’explication de
l’état désastreux, dans lequel se trouve aujourd’hui notre Armée, ont, là,
une des réponses ; voilà où vont les budgets destinés à l’équipement et au
soutien des matériels et des hommes. Des preuves que Boukhreiss est bel et
bien à l’origine du dossier monté par Dah Ould Abdy et son maître,
(machination prétendant que je suis en intelligence avec les services
secrets Français), il n’en manque pas; A cet égard, un dossier volumineux
est entre les mains du président. D’ailleurs n’a t-il pas dit, en
pleine réunion d’état-major, il y a de cela deux mois, que je travaillais pour les
services secrets Français ?
Vérifiez cela auprès de tous les officiers présents à cette réunion, je suis
sûr que tous sont prêts à vous confirmer mes propos. Ceux d’entre vous qui me connaissent et qui m’ont approché savent que je suis très, très loin de travailler contre mon pays, les plus hautes autorités et toute l’Armée en dehors de Ould Boukhreiss peuvent en témoigner.
Relevé de mes fonctions, par message N° EMN/519/B1/SC du 20/04/1999, pour intelligence avec les services secrets Français, pourquoi s’est-on ravisé, treize jours après, pour transformer cette relève en une mutation à caractère tout à fait ordinaire comme Attaché Militaire en Algérie ( message N 126/EMN/576/B1/214/EFF/SC du 03/05/1999 ) ? Depuis quand donne t-on ainsi des promotions à un Colonel accusé, il y a de cela à peine deux semaines, de haute trahison ? Pourquoi cette réaffectation précipitée, et pourquoi, en Algérie plus particulièrement ? En fait, devant le mouvement de désapprobation à cette basse manœuvre au sein de l’Armée, voire même des milieux civils, ces Messieurs ont compris que leur projet macabre ne pouvait plus s’exécuter à Nouakchott, ils décidèrent alors de le faire faire en Algérie, avec la collaboration de certains milieux officieux proches du toujours sinistre Boukhreiss. C’est son genre d’individu qu’il faut chercher si bas, pas moi. Rien dans son passé, en dehors des déclarations de façade ne prouve qu’il
ait le moindre attachement à la Mauritanie, son comportement de prédateur n’est – il d’ailleurs pas la meilleure preuve qu’il en est un des pires ennemis ?
La Tribune saisie: Les Mauritaniens aimeraient vous entendre particulièrement sur deux dossiers : celui de la gestion de l'Armée
et celui du rapport d'enquête sur les événements de 90/91. Pouvez-vous édifier noslecteurs sur ces deux questions?
Colonel Baby Housseinou : Pour le premier aspect de votre question, je vous renvoie à ma réponse précédente, elle ne répond pas à toute la question, mais vous donne un petit aperçu de la gabegie dans cet empire fumeux de Ould Boukhreiss et de ses proches. Il faudrait juste rajouter, que pour mieux asseoir son système, il s’est offert, moyennant une colossale corruption, la collaboration, l’appui et la complicité de Louleid Ould Weddad et de tout un petit monde de miséreux sans âmes.
S’agissant du second aspect de votre question, celui se rapportant à ce que l’on appelle communément et pudiquement « les évènements de 90/91 », à chaque chose son temps. Je me réserve, si vous
le permettez, de choisir la stratégie qui sied à la sensibilité du problème et le moment opportun pour en parler. C’est un sujet d’une gravité extrême, dans tous les cas, le moment venu le support premier ne saurait être un journal.
La Tribune saisie: Vous connaissez l'Armée de l'intérieur, quelle est son état aujourd'hui?
Colonel Baby Housseinou : Nous avons des Hommes courageux, sobres, endurants et dévoués, nos Officiers et Sous-Officiers sont valeureux et dignes. OUI, je connais très bien notre Armée, c’était une très belle Armée ; le colonel Moulaye Ould Boukhreiss a parfaitement réussi sa mission de destruction, il n’y a plus d’Armée aujourd’hui. Tout a été vendu, tout se vend et tout est vendable, les esprits ont été pervertis et prostitués, il ne faudra pas moins de dix ans pour tout reprendre bien en dessous du seuil « zéro ». La médiocrité, sous quelque angle qu’on la prenne, ne peut engendrer que médiocrité, les étoiles ne valent que ce que vaut celui qui les porte. Dans ce domaine particulier, des Armées modernes où tout est d’une haute technicité, les colonels bergers issus de formations au rabais, si formation il y a, ne peuvent produire au plus que des hommes à leur image. En fait, ils inspirent bien plus de la pitié qu’autre chose.
La Tribune saisie: Est-ce que cette dégradation n'est pas recherchée pour éloigner le spectre des putschs? Sinon qui sert-elle?
Colonel Baby Housseinou : Nos frontières sont une vraie passoire et notre
Défense Nationale inexistante, l’Armée est à reprendre ex nihilo. Pourquoi Boukhreiss a t-il détruit l’Armée, est-ce voulu, donc un acte délibéré ou n’ est-ce que la résultante de la carence et de l’incapacité ? C’est à cette question que doivent répondre tous les Mauritaniens, l’Armée en tête, et c’est précisément cette question qui nous interpelle tous, c’est un devoir impératif et sacré.
La Tribune saisie: Parlons de vous si vous le permettez. On dit de vous que avez mis pas mal de biens à l'abri en France. Est-ce vrai?
Colonel Baby Housseinou : Je conseille à ces personnes, pour ne pas se couvrir de plus de ridicule, de changer un peu d’arguments: dans le monde rationnel, par ici, tout se sait ; la propriété immobilière, les avoirs bancaires, les actions en bourse, les sociétés, les voitures …Les informations officielles et officieuses émanant de Louleid et son petit monde ont toutes été vérifiées officiellement ici et passées au crible. Monsieur Baby n’a aucun bien ; Ni maison, ni société, ni action en bourse. Vous m’avez vous-même rendu visite là ou je loge en banlieue lointaine, dans une maison, de surcroît subventionnée par l’aide sociale Française. Je ne suis nullement obligé de me justifier sur ce plan, mais prenez l’information si elle peut vous être utile. Cela vous permettra aussi de démystifier les montages et calomnies de Louleid , Boukhreiss et compagnie. Ils ont déjà mené la même campagne à l’encontre du Président Moctar Ould Daddah , de notre ancien consul en Gambie , Mohamed Yahya Ould Cire …Ils se couvrent de ridicule et j’ai vraiment honte pour les responsables qu’ils croient être . En Mauritanie, ils ont pris l’habitude de faire et de défaire les hommes avec la langue, de les tuer et de les ressusciter selon les caprices de leur humeur et leurs intérêts, je pense qu’ils n’ont pas compris qu’ils sont en retard d’une longueur, le monde est devenu très
rationnel jusqu’au seuil de leurs portes; ces méthodes là ne paient plus, de grâce,
qu’ils arrêtent de se livrer en spectacle! J’y pense, on va me traiter de fou d’avoir osé citer Louleid, il paraît que nul n’ose pousser la témérité à ce point, à son seul nom tout le monde tremble et courbe l’échine ! Eh bien, qu’il sache que moi, je les tiens lui et son acolyte Boukhreiss comme étant les principaux artisans de la lâche manœuvre dont j’ai été victime. Je ne leur pardonnerai jamais cela, qu’ils le sachent bien, je suis patient comme un Chinois, rien ne me presse et l’on verra bien, le moment venu, qui a peur de qui. Je mourrai sans avoir jamais plié l’échine que pour le tout Puissant.
Le bien, si j’étais à leur image, j’en aurais fait des montagnes, mais eux et moi n’avons pas les mêmes échelles de valeurs. Le bien n’est pas pour moi une finalité, je ne m’en suis jamais servi que pour soulager les souffrances de mes frères.
La Tribune saisie:quand vous avez quitté la Mauritanie, beaucoup de bruits ont circulé concernant vos maisons que vous auriez vendues en prévision de votre démission. Qu'en est-il?
Colonel Baby Housseinou : Permettez – moi de ne pas trop m’étendre sur ces questions accessoires, résultat de la campagne puérile de calomnie de ces petites gens que j’ai citées plus haut.
Les seules choses que j’ai vendues avant mon départ pour Paris le 26/07/1998, ce sont mes deux voitures. J’allais être absent pour au moins un an et j’avais besoin d’un peu d’argent pour installer ma famille, je pense que j’en ai le droit tout de même !
Depuis cette date du 26/07/1998, je n’ai jamais quitté la ville de Paris, ni moi ni aucun membre de ma famille, encore une fois, cela est vérifiable sur nos titres de voyage et au niveau des polices des aéroports de Paris et de Nouakchott. Je défie quiconque de me présenter la preuve contraire !
L’objectif étant ici de faire croire, aux gens de bonne foi, l’aspect prémédité de ma démission et de mon refus de rentrer. Je vais peut être décevoir certains ou pire: je n’ai jamais, de ma vie, nourri la moindre idée de sortir de chez moi, j’y ai été contraint et poussé par ces lobbies mafieux, mon intention ferme est de rentrer chez moi et de continuer à servir mon Pays jusqu’à mon dernier souffle.
Refuser la soumission aux vrais ennemis de la Mauritanie qui sont entrain de la détruire de l’intérieur, bien plus que n’auraient fait tous les ennemis potentiels réunis, lutter pour que cet état de fait cesse et pour plus de justice, pour le bien de ses compatriotes, ne peut être condamnable.
La Tribune saisie: Racontez-nous brièvement comment vous avez vécu le mois d'avril 99, en sachant que votre démission date du 10 mai...
Colonel Baby Housseinou : Rappelez-vous, j’ai dit en fin de réponse à la question N° 1, qu’au vu de l’enchaînement des évènements, j’avais compris et décidé de prendre mes responsabilités devant cette situation. J’ai une habitude connue, je ne transige jamais quand sont en jeu mon honneur et ma famille, c’est tout ce qu’un homme possède réellement. Ceci, pour vous dire que la décision de ma démission était prise et matérialisée fin avril 1999. C’est, en fait, l’idée de la date de sa diffusion qui ne l’avait pas encore été.
Au lendemain ou surlendemain de l’arrestation de ce pauvre Ely Ould Dah, lorsque j’ai appris, de source sûre, que le même groupe à Nouakchott avait encore une fois réussi à convaincre en haut lieu que j’étais à l’origine de l’arrestation du capitaine. Alors, je suis sorti de mes gongs et ai décidé, à 21 heures, de publier ma démission. Je l’ai envoyée par télécopie
à l’adresse du Ministère de la Défense Nationale sans même prendre soin d’en changer la date. Il n’y avait aucun aspect prémédité dans ma réaction. Le raisonnement qui voulait que j’évite par ce jeu de date d’être mis en position de désertion est totalement débile. Dès l’instant où cette décision était prise, je n’avais que faire que Boukhreiss me mette en position de désertion ou pas, c’était le cadet de mes soucis.
C’est encore probablement là une de ses trouvailles pour s’afficher en homme intelligent. L’intelligence, c’est autre chose que les petits calculs, les petites mesquineries et manœuvres vicieuses d’hommes d’un autre temps.
Si j’ai bien suivi les informations, l’Ambassade de Mauritanie avait engagé un avocat pour la cause, ce dernier ayant accès au dossier devrait pouvoir dire à ses clients quels ont été les témoignages à leur charge. Mieux, les témoins ont probablement été confrontés à l’accusé ; le Capitaine Ely Ould Dah, qu’ils lui posent la question.
La Tribune saisie : La diffusion de cette démission a coïncidé avec l'arrestation du Capitaine Ely Ould Dah, d'aucuns vous ont accusé d'être derrière. Est-ce vrai?
Colonel Baby Housseinou : Je vais vous dire une chose très simple : pourquoi aurais-je témoigné contre Ely Ould Dah ? Pour lui faire du mal ? Je n’ai pas de contentieux avec ce jeune, il était de l’Intendance que je dirigeais, je ne lui ai jamais voulu que du bien, demandez-le lui. Encore une fois, voyez comment la bassesse et la mauvaise foi peuvent conduire tout droit au ridicule.
Si j’avais versé le moindre témoignage dans cette affaire, on en serait certainement pas là aujourd’hui à spéculer et à pavaner.
Imaginez que je veuille réellement faire mal, je n’aurais pas eu besoin, avec tous les arguments en ma possession, de m’attaquer à Ely Ould Dah, il est quasi insignifiant dans cette affaire, ç’aurait été un détour inutile et de trop.
Je n’ai rien à voir avec cette affaire, le lobby Louleid et compagnie pourra certainement vous en dire bien plus que vous ne pouvez l’imaginer, puisqu’ ils l’ont paradoxalement créée de leurs propres mains, cette affaire Ely Ould Dah. Cela vous étonnera comme ce fut le cas pour d’autres, mais c’est bien ainsi.
La Tribune saisie : La rupture avec le pouvoir de Nouakchott est consommée. Vous êtes installés en France. Pourquoi vous ne vous êtes pas engagés contre le pouvoir? Participez-vous à une quelconque manifestation et avez-vous des relations avec l'Opposition (de l'intérieur ou de l'extérieur)?
Colonel Baby Housseinou : Pour l’instant, je préfère réfléchir seul, méditer, tirer les enseignements de ces pratiques inattendues d’un Etat sur la personne d’un colonel de son Armée, en remerciements du sacrifice de son sang et de sa personne. Cela va vous étonner, mais j’en suis toujours à essayer d’en comprendre un peu plus les raisons, mais et surtout, le pourquoi de la caution dont ils ont bénéficiée. Quant aux véritables auteurs, toute la Mauritanie les connaît. Je me porte, dieu soit loué, très bien, je n’entends nullement que ma vie s’ arrête là, je pense que le jour viendra où les hommes se donneront des explications les uns aux autres, comme disait un grand Chef d’Etat que j’ admire, « il faut donner le temps au temps. »
La Tribune saisie : Revenons au cas Ould Dah. Croyez-vous que sa fuite aura réglé la question du passif humanitaire de 90/91? Si ce n'est pas le cas quelle solution préconisez-vous?
Colonel Baby Housseinou : En toute honnêteté la fuite a été une idée catastrophique et ce, pour les multiples raisons que je vais énumérer :
- Cela constitue incontestablement un aveu en bonne et due forme. - Elle peut soit gêner ou détériorer les relations avec la France, Pays ami de toujours et en toutes circonstances de la Mauritanie. - Elle accentue la fracture sociale déjà largement béante - En agissant ainsi, nous prenons hélas le rôle d’ «Etat voyou. »
Je suis parmi ceux qui sont persuadés que la fuite en avant est toujours la pire des solutions aux problèmes de ce monde, il n’y a pas de problème qui
n’ait pas sa solution, et le problème du passif humanitaire mauritanien peut bien trouver une solution mauritanienne, il suffit qu’on le veuille, mais
qu’on le veuille avec honnêteté et qu’on y aille avec franchise
et détermination. Mais il y a, pour ce faire, des passages obligés incontournables; à défaut, on reviendra au dialogue de sourds :
1 - Reconnaissance des faits
2 - Désignation d’une commission nationale indépendante d’enquête.
3- Création d’une commission vérité et réconciliation distincte de la première ayant pour mission :
- l’identification, l’examen au cas par cas et la sanction des responsables. - la réhabilitation des victimes dans tous leurs droits et leur indemnisation. - La refonte des textes pour une justice sociale réelle et durable en Mauritanie.
La Tribune saisie : Cette question des événements salit l'Armée nationale toute entière. Comment vous l'avez vécue au moment des événements et après?
Colonel Baby Housseinou : Je ne partage nullement votre opinion à ce sujet, le passif humanitaire mauritanien ne salit pas l’Armée, pour la seule et simple raison que les personnes concernées ne dépassent pas trois cents, tous grades confondus. D'ailleurs, je dois le préciser, ici, avec force, sur ce chiffre, les instigateurs, c'est à dire les vrais responsables d'actes de torture ou de meurtres délibérés, se comptent sur les doigts de la main. Les autres, donc la majorité écrasante, étaient contraints d'exécuter des ordres impératifs, sans quoi ils étaient passibles de la peine capitale.
L’Armée, dans son écrasante majorité ne saura strictement rien de ce qui était entrain de se passer en son sein; ceux qui, accidentellement, comprenaient qu’il se passait quelque chose de peu ordinaire, ne pouvaient en aucun cas en avoir qu’une très vague idée. Enfin, la toute petite minorité de ceux qui comprenaient, en majorité des officiers supérieurs, mais qui étaient eux-mêmes des victimes en sursis, vivaient avec une terrible peur au ventre, une peur atroce et n’avaient d’autres choix que de se terrer.
La Tribune saisie : Dernier mot?
Colonel Baby Housseinou : Je n’ai pas de question particulière à poser à titre personnel, j'exprime, tout simplement, de petites évidences qui me hantent en tant qu’être humain fait de sang et de chair. Je ne comprends pas que des êtres intelligents aillent à contre-courant de ces évidences et des enseignements des peuples.
- Il n’y aura jamais de Mauritanie uni-raciale, ceci est valable dans les deux sens. Si cela devait un jour arriver, ce serait la négation pure et simple du pays. Je pense que les dépositaires des philosophies de types Nazis nous ont fait suffisamment de mal, notre plus grand souhait est de laisser à nos enfants et aux enfants de ceux-ci une Mauritanie riche de sa diversité, de son métissage, prospère et stable.
- La réconciliation sincère et rapide est la seule chance de sauver la Nation, la fuite en avant et les approches en trompe-l’œil ne feront qu’ aggraver la situation en rendant l’explosion d’autant plus destructrice.
- Les solutions extérieures, si elles semblent donner un répit, celui-ci n’ est qu’illusoire; les solutions à nos problèmes sont à chercher chez nous et en nous.
Je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité d’apporter quelque redressement au chapelet de mensonges et de calomnies des seuls et vrais ennemis de la Mauritanie et des Mauritaniens. Je n’ai pas le moindre doute que, autant en amont qu’en aval, ces gens là seront très vite découverts et leurs manœuvres machiavéliques mises à nu.
Je profite de l’occasion pour exprimer une chose qui me tient beaucoup à cœur ; mes sincères et profonds remerciements à tous mes compatriotes, sans distinction aucune, pour le soutien spontané qu’ils nous ont apporté, à ma famille et moi, quand nous avons été injustement frappés par la loi du mensonge et de l’arbitraire. Cela prouve une chose, et ceci est le plus important, que les Mauritaniens, dans leur écrasante majorité, gardent encore en eux un sens élevé de grandeur, de dignité et de justice. Ces groupes mafieux, même très puissants, restent une infime minorité appelée à disparaître comme elle est née, dans les ténèbres profonds du néant. Une autre Mauritanie unie, fidèle à ses valeurs ancestrales d’honneur, de grandeur et de justice se bâtira sur leurs cendres.
Cet entretien n’est qu’un tout petit aperçu d’une longue série à venir.
Lettre de Protestation de Reporters Sans Frontieres RSF
Censure de la Tribune
6 juillet 2000
Un numéro de l'hebdomadaire privé La Tribune saisi
Dans une lettre adressée au ministre de l'Intérieur, Dah Ould Abdel Jellil,
Reporters sans frontières (RSF) a protesté contre la saisie du dernier numéro de l'hebdomadaire La Tribune. Robert Ménard, secrétaire général de RSF, a demandé au ministre de faire en sorte que l'article 11 de la loi sur la presse soit supprimé. L'organisation a rappelé que, depuis le 1er janvier 2000, quatre hebdomadaires ont fait l'objet de saisies en vertu de cet article.
Selon les informations recueillies par RSF, les autorités mauritaniennes ont invoqué l'article 11 de la loi sur la presse pour saisir, le 3 juillet 2000, le dernier numéro de l'hebdomadaire privé La Tribune. Celui-ci avait publié l'interview d'un ancien colonel mauritanien, exilé en France, qui tenait des propos critiques à l'égard du gouvernement. Un autre article évoquait l'expulsion de deux Français, dont un diplomate, le 1er juillet 2000. Enfin, l'éditorial de ce numéro, qui abordait la violence policière aux zones frontalières, mettait en avant la déliquescence de l'Etat.
L'article 11 de la loi sur la presse mauritanienne prévoit que leministère peut, par arrêté, interdire la circulation, la distribution ou la vente de journaux [...] qui
portent atteinte aux principes de l'Islam ou à la crédibilité de l'Etat, causent un
préjudice à l'intérêt général ou troublent l'ordre et la sécurité
publics [...]. Dans tous ces cas, le ministère de l'Intérieur n'est pas tenu de
justifier sa décision.
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