A.H.M.E.
INTERVIEW 4:
Interview
de Cheikh Oumar Ba au site www.haratine.com
Interview de Cheikh Oumar Ba au site de A.H.M.E : www.haratine.com
1) A.H.M.E. : Bonjour Cheikh Oumar BA. Vous êtes membre du bureau des FLAM, section Europe de l’Ouest. Veuillez vous présenter aux lecteurs de notre site ?
Avant tout, je remercie votre site d’être le premier site mauritanien à m’inviter, pour réagir sur l’actualité de notre pays. Je vous remercie aussi en tant qu’organisation qui lutte contre l’esclavage, le racisme et contre toutes les formes d’injustice dans notre pays, la Mauritanie.
Oui, je suis membre des FLAM depuis sa création. Comme je réside en France, mon comité de base se trouve ici, dans la région parisienne. Ce comité de base s’appelle Tafsiiru JIGGO. Donc, je milite dans la Section Europe de l’Ouest. Cependant, je suis membre du bureau national des FLAM. Je m’occupe des affaires sociales et culturelles de cette organisation. Je suis né le 06 janvier 1956 à Boghé DOW, dans le Fuuta mauritanien. Je suis le fils d’un marabout coranique qui, fut mon maitre dans ce domaine. Mon père Ceerno Sileymaani BAH, n’a pas voulu que je fasse l’école moderne, française. C’est dans son école coranique que j’ai reçu mon premier enseignement. Mon père tenait à ce que je reprenne son Duzal (école coranique). Malheureusement, j’ai emprunté une autre voie, en changeant d’orientation. Comme mon père n’était pas spécialiste de la charia et de la langue Arabe, il m’envoyait de temps en temps, auprès de beaucoup d’enseignants pour apprendre la charia ou la langue arabe. Parmi eux, il y eut Ceerno Abdallaay JAH de Boggee, Ceerno Haamiidu Gaalal de Bagodiin, Professeur Aliw KAN de Teekaan, Ceerno Mohamad El Basiiru BAH de Boggee, Ceerno Abuu Malal BAH de Jowol. Tous ceux-là servaient à Boggee comme enseignants. Il m’a aussi envoyé pendant trois ans auprès de Ceerno Aamadu Neene BAH à Kaédi. Mais, celui qui m’a plus marqué sur la maitrise de la langue arabe moderne fut, le feu Aamadu Abdul SAL dit Jibi Bitti. Si je dois parler de mon vrai enseignant de la langue Arabe, c’est bien lui. Comme vous le savez, à l’époque l’Arabe n’était pas développé dans notre pays, il était rare de trouver un maitre qui, maitrisait beaucoup de matières à la fois, comme aujourd’hui. J’ai participé à un concours de recrutement des enseignants arabisants, en octobre 1976 à Kaédi, dans le Bossoya. J’étais admis et affecté à Seylibabi, dans le Gidimaxa, où, j’ai enseigné deux ans avant d’être nommé directeur de l’école de Garalol dans les Yirlave en septembre 1978. En octobre 1979, je fus affecté à l’école d’ilot k à Nouakchott. A la même année, j’ai eu une bourse d’études pour faire des études agronomiques, en Libye. C’est à l’institut agronomique d’Awoyliya que, j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur adjoint, en agronomie, en 1983. Entre cette date et août 1985, j’ai travaillé comme technicien dans un projet d’élevage à Zillitin, toujours, en Libye.
Puisque j’avais toujours le regret de n’avoir pas fait le français, j’ai eu l’idée de venir en France, m’initier à la langue française en septembre 1985 et j’ai atterri à l’université de Bordeaux 3, au département des études françaises pour les étrangers, où je me suis formé pendant deux ans à la langue de Molière.
C’est à Bordeaux, à la fin de l’année 1985 que, j’ai mobilisé des compatriotes pour créer ce qu’on appelait à l’époque la cellule (le premier comité de base des FLAM, en Europe). Quelques mois, après nos ainés furent arrêtés, suite à la publication de Manifeste du Négro-mauritanien opprimé. Avec mes camarades de l’époque, nous avons eu l’idée de délocaliser l’un de nous, pour vivre à Paris, où il y avait plus de compatriotes. Au départ, on faisait tout à partir de Bordeaux et on était isolé. On faisait tout ça en coordination avec nos camarades qui étaient à Dakar. Ce qui a abouti à la création de la section Europe des FLAM, en 1987/1989 à Paris, après avoir contacté beaucoup de compatriotes en Europe.
C’est pour cette raison que je me suis inscrit à l’université de Paris 3, Sorbonne Nouvelle, via le collège coopératif de Paris, pour préparer le diplôme des hautes études des pratiques sociales, entre octobre 1988 et juin 1993. En 1999-2000, je me suis inscrit à l’université de Paris 5 Descartes, pour faire un D.U en gestion et résolution des conflits. Pendant ce temps, je travaillais comme équipier au Quick de Coignières dans le 78 et comme animateur des quartiers à Elancourt dans les Yvelines. C’est pour ce parcours bizarre que je me définis souvent comme un marabout raté ou un almuudo (élève coranique) perdu et égaré dans les universités françaises.
Sur le plan professionnel, je suis actuellement chargé des missions de formation et de médiation pour la Ligue de l’Enseignement, fédération des Yvelines, mis à la disposition de la ville de Plaisir, dans le 78. Parallèlement à ça, je suis enseignant, vacataire à l’Université de Paris 2, ASSAS et à l’Université de Paris 5 Descartes, où j’enseigne les pratiques de médiations. Il est peut être utile de souligner que mon combat politique est doublé de l’autre combat pour lequel je suis plus connu, c’est celui de la culture et de la promotion des langues africaines. Pour les militants de la promotion de la langue Pulaar, Cheikh Oumar BA est un poète. Je suis auteur d’environ 200 poèmes dont certains sont publiés, en cassettes audio, sous la collection GOONGA (la vérité).
2) A.H.M.E. : Vous faites partie des cadres négro-mauritaniens arabisants. Vous avez fréquenté certaines universités du monde arabe. Avez-vous subi dans les différents pays fréquentés des discriminations, liées à vos origines ethniques ?
Oui, mais je préfère commencer par un point positif : c’est remercier ces pays dits arabes pour des études qu’ils fournissent gratuitement aux étudiants africains de tous les pays. Nombreux, sont des étudiants qui sont boursiers et qui reçoivent des études gratuitement. Parmi nous, il y a de très bons cadres arabisants dans tous les domaines.
Mais, hélas comme le dit Houphouët-Boigny, « si tu veux former un anti communiste, il faut l’envoyer dans les pays communistes ». Je m’inspire de cette phrase pour dire, si tu veux former un anti arabe et un anti Islam, il faut l’envoyer dans les pays arabes. Surtout, s’il est noir et musulman. Dans le monde arabe, tout noir est un Abed (esclave) ; c’est une appellation que l’on entend toute la journée. D’ailleurs, parfois, si tu réponds, en disant « ana, mous Abdi », c’est qui veut dire, moi je ne suis pas esclave, tu risques dans certains milieux de recevoir une claque par quelqu’un. Ou bien, on te dit, si tu ne veux pas l’être, demande à ton Dieu de te changer ta couleur de peau. C’est tellement vrai qu’un noir de ces pays dits arabes accepte ce fait, malgré lui. Il arrive qu’un noir de ces pays te dise : arrête mon frère, regarde moi, moi je suis un esclave comme toi. Il ne faut pas prendre ça comme quelque chose de mal. Il te dit que ce n’est qu’un mot. Pour les Arabes la couleur noir est synonyme d’esclavage. Il est rare de sortir de chez soi même pour quelques minutes, sans voir un noir africain qui se bat à cause de ce mot, au coin d’une rue ou dans un bus. Parfois, ce sont des enfants qui vous crient après dès qu’ils te voient « abed, abed, gri-gura ».Dans ces pays, ils ne font aucune différence entre Pullo, Soninké, Bassari, Toubou ou Harratine. Chez eux, nous Noirs, sommes tous esclaves.
Des exemples que j’ai vécus, ou que mes amis ont vécus, sont nombreux et multiples : 1) Deux mois après mon arrivée à Tripoli, en Libye, j’avais pris l’habitude de faire mes prières dans une mosquée, en plein ville, vers 14h00. Un jour derrière moi j’entends deux jeunes discuter : « regardes l’esclave dont je te parlais ». Finissant ma prière, je les ai trouvés au-dehors, m’attendre. L’un d’eux me dit :
A peine j’avais fini de leur répondre que je récitais le coran, tous les deux se sont mis à éclater de rire. Ils m’ont dit « eh, esclave tu pries, ou tu ne pries pas, tu iras à l’enfer, parce que tu es noir ». J’avais 24 ans. J’avais suivi l’initiation que j’ai relatée au dessus. Je suis retourné chez moi et j’ai passé une sale nuit. J’ai commencé à me poser des questions. Est-ce-que ceux là, sont des musulmans ? Est-ce-qu’ils sont les arabes dont on m’a toujours loué la gentillesse, l’intelligence et le respect ? Est-ce que tout ce que j’ai lu sur les arabes et leur rapport avec l’Islam et les musulmans est vrai ? Je n’ai pas eu de réponses à mes questions, mais la perturbation commença, suscitant en moi un choc et une déception profonds. Moi, le fils de l’un des premiers ijazié en Coran chez les Halayve, le fils d’un imam, le fils d’un enseignant coranique, le petit fils de deux djihadistes oumariens, que m’arrivait-il ? Qu’est-ce-que j’ai fais pour mériter cette humiliation ? Chez moi, le doute est né.
2) Quelques mois après, j’étais dans mon école à Awoyliya. Cette année-là, on était que deux noirs africains dans cette école, Moktaar Alasan SOH de Boggee et moi. Nous partagions une chambre d’internats avec Mohamed Salem Old Yeslim, devenu avocat dans les barreaux de Nouakchott et Naji, dont j’ai oublié le nom de famille, un ancien policier, qui faisait avec nous des études agronomiques qui est devenu aux dernières nouvelles Qadi à Nouakchott. Derrière notre fenêtre, j’ai entendu deux étudiants parler de nous, en disant, on va à la chambre des esclaves. Quelques secondes après, ils rentrèrent dans notre chambre. Là, aussi, il n’y avait pas de doute : Moktar et moi, sommes ces esclaves-là, peut être pas les autres ! Je bouillonnais de l’intérieur, mais il fallait se maitriser.
3) J’étais sorti un vendredi, me mettre sous l’ombre d’un arbre et lire mes livres quand soudain, un enfant de 5 ans sortit de la maison d’à côté. Il me dit : « bonjour oncle esclave, je cherche mon chat, tu ne l’as pas vu passer ? Je suis resté une bonne minute pour voir ce que je dois lui dire, après lui avoir crié dessus! J’ai, fini par me dire que, cet enfant, n’a rien fait. Au contraire, il est bien éduqué, en tant que petit arabe. On a appris à cet enfant à saluer, à appeler quelqu’un de mon âge oncle et en même temps, appeler quelqu’un qui a une couleur de peau noire, comme la mienne esclave. Donc, la faute revient à ceux qui l’ont éduqué, pas à lui.
4) L’autre dernier exemple concerne un Tchadien, étudiant au Bouous Al islaamiyya à Baida, en Libye. Il s’était battu contre quelqu’un qui l’avait appelé esclave. Ils ont été conduits tous les deux au commissariat de cette grande ville islamique. On les a fait attendre, tous les deux, sur un banc. Quelques temps après, le commissaire entra, et s’adressant à eux dit : « aayij eh abed », (que veux- tu l’esclave ?) C’est ainsi qu’il se leva pour partir. Le commissaire lui demanda : « Mais tu vas où ? » Il lui répondit : « non. Ce n’est plus la peine. J’étais ici, parce qu’on m’a dit que je suis esclave et vous qui représentez l’autorité vous me dites la même chose, donc, je m’en vais, rentrer dans mon pays. Immédiatement, il rentra dans le bureau du directeur de son école pour demander son billet et repartir sur N’Ndjamena. Personne n’a pu le convaincre ; il a pris son billet et est rentré. Cette histoire était très connue dans le milieu africain de l’époque, en Libye. D’anciens étudiants mauritaniens, en Libye, qui ont assisté à cette scène, sont aujourd’hui en Mauritanie. Pour clore ce chapitre, je peux dire, sans me tromper qu’aucun noir, quelque soit son rang, sa religion, ou son titre n’a échappé à cette nomination, dans les pays arabes. Cependant, aucun dirigeant arabe, aucun notable, aucun imam, aucune organisation ne le dénonce dans ce coin du monde. D’où la nécessité de poser la question : où se trouvent les démocrates et les militants de droit de l’homme dans les pays arabes ? Par contre, tu auras toujours quelqu’un, quand tu t’énerves contre la ségrégation raciale, qui te dit « Non, non, nous sommes tous des esclaves de Dieu » et d’autres qui te disent : « Non, ce n’est pas méchant ». Même, si tout le monde est esclave de Dieu, seuls les noirs sont appelés ainsi. Sachez simplement que nous, noirs, sommes tous considérés esclaves chez les arabes, dans n’importe quel pays où, nous sommes, on entendra cette appellation. Si nécessaire, je suis prêt à revenir sur ce thème et faire témoigner des personnes ayant séjourné dans ces endroits. Tant qu’il reste un seul noir considéré comme esclave sur la terre, nous le sommes tous. Je n’ai même pas besoin de m’étaler sur des appellations différentes pour dire esclave : abed, kahlous, guri-gura, soumour, et autres. Chaque pays a ses concepts pour dire esclave.
Aujourd’hui, là où je vous parle des milliers d’africains sont retenus en otage au Liban. La plupart sont des éthiopiens devenus esclaves de leurs employeurs qui ne les paient pas et qui détiennent leur passeport. C’est un phénomène très sérieux, surtout que nombreux de ces malheureux, sont des femmes. « Nous pouvons imaginer ce qu’elles subissent ». D’autres africains, candidats pour l’immigration pour l’Europe ou pour Israël, sont emprisonnés en Egypte et au Liban. Il y en a parmi eux qui sont en prison depuis des années. Ce sont des informations récentes que j’ai eues. On ne peut appeler ça que du racisme et du mépris, du fait qu’un américain ou un européen ne connaitra jamais cette situation, dans un pays dit arabe, quelque soit la faute commise. Dans ces coins du monde, le seul pays où, on ne perçoit pas la ségrégation c’est la Syrie, d’après mes amis qui, y ont séjourné. Le pire de tous ces pays c’est l’Algérie. Il suffit de descendre à l’aéroport d’Alger, en tant que noir africain. Il arrive souvent qu’on laisse les africains en transit à l’aéroport, alors qu’ils doivent être logés à l’hôtel. Parfois, ils sont parqués à l’hôtel Girie comme des moutons sans aucune considération. On a refusé à deux reprises de nous loger en transit et pourtant c’était compris dans notre voyage ; on était obligé d’aller passer la nuit en ville. C’est ici à cet aéroport, que j’ai vu de mes propres yeux un policier donner une claque à un voyageur mal rangé, un noir mauritanien, en plus. Ce jour-là, j’ai pleuré. C’était une angoisse permanente qu’on avait, si on devait passer par cet aéroport d’Alger. D’ailleurs, c’est le pays qui a extradé Abdoul Qoudous BA, pour être assassiné par le gouvernement de TAYA. Il savait bien qu’il allait le subir, mais c’est un noir, tant pis. Cette attitude de mépris, je ne l’ai pas vu ni au Maroc ni en Tunisie. Dans ces deux pays le comportement est moins violent. Cependant en Tunisie pour voir les noirs, il faut aller à Bengardane, au fond des déserts. Je me demande s’ils font l’école. Ils sont nombreux dans leur région, mais ils ne figurent nulle part. Dans les années 70 des étudiantes zimbabwéennes ancienne Rhodésie en Tunisie ont mené une révolte très dure contre l’appellation systématique féminine d’esclave à leur encontre, c'est-à-dire amate. Si au Maroc les GUENAWA ont une troupe folklorique, en Tunisie, comme d’autres pays dits arabes, les Noirs n’existent culturellement pas. Sauf en Libye, là, l’homme noir libyen est partout. Il occupe tous les postes possibles et imaginables. C’est ça le point fort de Kadhafi. Par contre, cela n’empêche pas que le même noir haut fonctionnaire, est toujours appelé abed (esclave), il n’en peut rien. Pour eux le mot noir, veut dire esclave.
D’après les informations véhiculées dans le milieu des étudiants africains de l’époque, Malcom X avait été reçu par un prince Saoudien de l’époque. Celui-là lui avait fait tous les honneurs. Mais le leader noir avait remarqué que tous ceux qui faisaient les travaux domestiques étaient des noirs. Il posa la question suivante à son hôte : Qui sont ces gens-là ? Le prince gêné par sa question, lui répond qu’ils sont membres de la famille royale. Pourquoi sont-ils les seuls à travailler ? Ce qui fait qu’il était très remonté contre ses hôtes, quand il quittait l’Arabie.
D’où mon étonnement par rapport au combat que mène Louis Farrakhan. Ce grand monsieur américain, crie sur tous les toits l’esclavage occidental qui n’est plus d’actualité alors qu’il fait des œillades sur celui pratiqué chez ses amis arabes, chez qui il est régulièrement reçu et honoré. Il ne peut pas ignorer ça. C’est impossible !!! L’autre phénomène s’appelle Hassan Fassassi qu’on est habitué à voir dans toutes les réunions panafricaines en France. Ces derniers temps on le voit régulièrement à côté de l’imam de la mosquée de Paris, ou à côté de Dalil Boubaker. Je ne sais pas ce que joue ce monsieur, toujours est-il qu’il passe tout son temps à ramener la généalogie des africains aux arabes. Cet individu est en train de faire comprendre aux antillais et aux africains qui veulent l’entendre qu’ils sont arabes, que les anciens égyptiens l’étaient. Chaque fois qu’on lui parle de l’esclavage chez les arabes, il le nie. S’il ne peut pas le faire, il te taxe d’être anti arabe. Je ne sais pas qui est derrière ce béninois d’origine, mais ses idées font peur. Les temps sont venus pour le dénoncer auprès des Africains qui ne comprennent pas son jeu.
3) A.H.M.E. : L’actuel premier ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf affirme que la Mauritanie est un pays arabe et la langue arabe doit être renforcée au niveau de l’administration. Pourquoi les autorités mauritaniennes tiennent-elles à l’arabisation du pays, ignorant ainsi son caractère multiculturel à la fois arabe et africain ?
Si la Mauritanie est un pays arabe, la langue arabe n’a pas besoin d’y être renforcée. Si on pense à la renforcer, c’est parce qu’il n’est vraiment pas arabe, ce pays. YOLE Soyinka disait à Senghor, « le tigre n’a pas besoin de revendiquer sa tigritude, il saute, griffes en avant et s’abat sur sa proie». Les pays arabes comme l’Arabie et Qatar n’ont pas besoin de revendiquer leur arabité, ni leur islamité, ni leur lien avec le prophète. Ils le sont et ils le vivent réellement. La vérité est que les maures veulent dénégrifier la Mauritanie, particulièrement son administration. Si c’est vraiment l’arabe, où sont-ils les cadres noirs, arabisants ? Qu’est ce qu’on leur a confié ? A leur place, on préférait faire venir des Tunisiens, des Algériens et d’autres pour les faire travailler à la fonction publique, à la place des noirs du pays. C’est du racisme ce qui se passe dans notre pays. Je rappelle que les premiers mauritaniens diplômés des grandes universités arabes sont tous des noirs ; Elhadj Mahmoud BAH, BARO Aali Ceerno, Tafsiiru JIGGO, Abuu Bakri Kaaliidu BAH et d’autres. Ceux-là étaient diplômés avant l’arabité reconnue en 1973 de la Mauritanie. Nos compatriotes maures n’arrivent pas à se défaire de leur vieille idée qui consiste à dire que le noir est un esclave et il n’a de place que dans la servitude. Ils n’arrivent pas à oublier leur dicton « un chamelon solide est mieux qu’un jeune homme noir ». N’est-ce pas eux qui disent « quelque soit l’âge d’un enfant maure, il doit pouvoir se servir, utiliser et manipuler un vieillard noir ». Ce sont leurs termes, ce ne sont pas les miens. C’est difficile de l’accepter, mais c’est une vérité et triste réalité : Vous les négro-africains Harratines, vous êtes des esclaves traditionnels et nous autres négro-africains, sommes des esclaves modernes. Ils sont en train de nous dompter, si on se révolte et on lutte, ils changeront de tactique, sinon, on rejoindra le camp des esclaves traditionnels, dans lequel vous êtes.
Donc lutter contre l’esclavage en Mauritanie, ne veut pas dire soutenir les Harratines, mais faire son devoir d’être humain et de prévention. La réalité est qu’en Mauritanie et au Soudan, la langue arabe est un instrument pour la domination. Elle est une arme pour fusiller les non arabes. On se sert de cette langue pour prendre la Mauritanie en otage et pour marginaliser les noirs. Ils tiennent à cette arabité pour nous marginaliser et pour se valoriser aux yeux des autres Arabes qui ne les reconnaissent pas comme tels. C’est le seul moyen pour nous dominer. Ils nous imposent l’Arabe pendant qu’ils envoient leurs enfants aux Etats Unis et en Europe. Ce qui est sûr, c’est qu’ils nous ont rendu un grand service en voulant nous mâter. La majorité des Beïdanes est unie pour la perpétuité de leur domination. Elle nous met tous dans le même sac et ça nous a réveillé et rapproché, allons en avant. Ce premier ministre, incompétent, entouré par les gens de son niveau, ne peut rien proposer. Donc, il fait de la redite avec des termes plus choquants.
Aujourd’hui, au Sud tous les postes sont occupés par des arabo-berbères qui refusent de parler les langues des autochtones et refusent même de parler le Français. Même les harratine qu’on envoie au sud doivent avoir la même idéologie qu’eux. Le Fuutaa, le Waaloo et le Gidimaxa étaient plus libres au temps colonial qu’aujourd’hui. A côté d’eux, des élus autochtones, des hommes et des femmes de paille, continuent à les caresser dans le sens du poil. Chacun d’eux a son petit maure et le système nous taxe nous qui luttons contre l’injustice, de racistes ou de réfugiés de luxe.
L’administrateur colonial ne tronquait pas nos noms de famille, ne nous déportait pas, ne confisquait pas nos terres, ne brûlait pas nos villes et nos villages, ne leur attribuait pas des noms à consonance arabe ou Français. L’administrateur français ne nous empêchait pas de parler nos langues, au contraire, il mettait à la disposition des populations noires des traducteurs. Les chrétiens français n’ont pas violé nos mères, nos sœurs et nos femmes. Ce sont des Maures qui se disent musulmans et Arabes, qui l’ont fait et qui continuent à le faire.
Ce système maure est allé jusqu’à former certains médecins Maures, les affecter au sud pour ne soigner que celui qui parle le Hassaniya. Pire, il y en qui sont là pour exterminer des femmes enceintes, comme ce médecin gynécologue qui a été chassé ces jours-ci par la population de Kaédi dans le Boosoya, après avoir fait beaucoup de victimes. Après la politique de la déportation, c’est la politique de mettre à la retraite tous les cadres noirs et les faire remplacer par des Maures, on s’en fout, qu’ils aient des diplômes ou non. Leur seul souci c’est de nous pousser vers l’exil, ou nous couper de l’Afrique noire, ce qui justifie le retrait de la C.D.E.A.O, comme si les maures n’en bénéficiaient pas. Le sud est occupé par des Beïdanes, pire qu’au temps colonial. Ils pensent que c’est fini et ils ont gagné, mais c’est ce qui pensait Saddam au sujet de Kurde.
4) A.H.M.E : D’aucun accusent les FLAM de camoufler l’esclavage dans le milieu negro-mauritanien. On sait, sauf exception que les esclaves et les castés ne peuvent prétendre à la chefferie du village ou à la fonction d’imam dans la mosquée. Que répondez-vous à ces graves accusations ?
Comment peut-on camoufler l’esclavage ? Un esclave est fait pour travailler et pour faire les travaux les plus durs. Cependant, je mentirai, si je dis que les séquelles de l’esclavage ne restent pas dans notre milieu fuutankais. Hélas, elles y restent ! Mais nous luttons contre. Autre chose, au Fuuta, ce ne sont pas toutes les familles torovve qui dirigent la mosquée. C’est une affaire de convention ancestrale qui n’à rien avoir avec l’esclavage. Même si les descendants de l’esclavage sont les derniers à venir dans ce marché de liberté. Dans chaque ville au Fuuta, il y a une famille à qui est confiée sa chefferie, une autre sa mosquée, une autre ses puits, une autre son petit port, une autre la gestion terrienne. Chaque famille garde jalousement ce qu’on lui a confié. Si tu vas à Boghé par exemple la grande mosquée est dirigée par les sookve et les lamve et ça ne concerne pas tous les LAM ou tous les SOOKO. La deuxième est dirigée par le clan de DIA, mais pas tous les DIA, non plus. C’est une ancienne convention que, personne ne peut remettre en cause facilement. Pourtant, ils ne sont pas aujourd’hui les seuls lettrés. Dans mon poème HALAYVE, je parle de partage des pouvoirs, entre les habitants de cette région. Il suffit de l’écouter. C’est ainsi qu’était organisé tout le Fuuta Tooro. C’est toujours difficile de le changer, même si aujourd’hui il y a un grand progrès qui est fait. Par contre, dans la gestion moderne de la cité les gallunkoove dirigent bel et bien des villages, des quartiers et des associations. Aujourd’hui, ce sont des faits non contestables.
J’ai d’ailleurs un poème célèbre, intitulé Ndiyaagu (esclavage). Ce poème date de 30 ans, il est très connu. Dans ce poème, je dénonce le manque de mariages mixtes, entre les gallunkoove, c'est-à-dire les descendants d’esclavage et les autres. Si nécessaire, on le traduira un jour. Cela veut dire que pour moi l’esclavage n’est pas d’actualité au Fuuta Tooro, on parlerait plutôt de strates dans cette société!
Dans le milieu où je suis né dans le Halayve et partout dans le Fuuta, d’ailleurs, je n’ai pas vu quelqu’un, avoir des êtres humains, comme esclaves. Ça avait existé au temps de nos ancêtres, c’est vrai. Mais aujourd’hui, c’est faux, ça n’existe pas chez nous. Ce qu’il y a c’est que Les gallunkoove ont formé une caste, comme celle des wayluve, des sakkaave, de toorovve et d’autres. Certaines coutumes qui liaient les gens sont restées, par exemple, fotde (le devoir), dokkal (le don). Mais la possession d’un être humain comme des biens ça n’existe pas. Il y a aussi des anciens esclaves qui réclament leur anciens fotde (droit) auprès de descendants de leurs anciens maitres, pour qui, ils ne fournissent aucun devoir et ils ne servent à rien. Au contraire à cause de leur statut passé, ils gardent les liens qui leur sont avantageux. Les gallunkoove, vivent chez eux, avec leur famille. Mais le fotde est une affaire tellement juteuse pour cette caste et pour d’autres castes que, nombreux sont ceux qui, ne veulent pas le céder. Parallèlement à ça, il y a aussi des descendants d’anciens maitres qui s’en targuent, qui n’y récoltent rien du tout, à part de la fierté. Mais je crois que quelque soit l’esclavage et quelque soit son milieu, il faut le combattre. S’il existe chez nous les Haalpulaar (fulve), il faut lutter contre, c’est notre rôle et celui des gouvernements que dirigent les Maures depuis l’indépendance de la Mauritanie. Dès qu’on touche à ce sujet, nos compatriotes arabo-berbères nous disent qu’il y en aussi chez vous les Haalpulaar. S’il y’en a il faut dire où ? Et chez qui ? On ne peut pas comparer l’incomparable. Non, aujourd’hui l’esclavage n’existe pas chez nous, ni au Tooro, ni au Dimat, ni au Halayve, ni au Laaw, ni au Yirlaave, ni au Hebbiyaave, ni au Boosoya, ni au Damga, ni, au Ngenaare. Il faut arrêter de faire l’amalgame et de vouloir déplacer le problème.
5) A.H.M.E : Le pouvoir mauritanien refuse de reconnaitre les pratiques esclavagistes, mais admet l’existence de des séquelles de l’esclavage. Comment qualifier-vous cette attitude ?
C’est Stéphane Smith, Libération, 05 avril 1991, « l’apartheid est maure » Le maure est tellement à l’aise avec ces pratiques qu’il fera tout pour le garder, le plus longtemps possible. Ce n’est pas à eux de l’admettre ou de le refuser. C’est à nous les militants des droits de l’homme de lutter contre ça. On doit le faire avec des maures, militants sérieux de droit de l’homme, s’il y en a bien sûr. Sinon, on ne doit attendre personne, nous les Noirs. «Hello e hakkille, ngo nezzo fiyaa, ko kanyum yoftantoo zum hoore mum», (seule la personne qui a reçu une claque pourra convenablement prendre sa revanche). Je dis s’il y a des militants maures sincères, parce que tous ceux qui nous ont côtoyés en Europe sont rentrés et on ne les entend pas dénoncer ce qui se passe à l’intérieur du pays. Parmi eux, il y a ceux qui sont devenus ministres, directeurs et d’autres petits malins restent dans l’ombre, après avoir réussi leur mission de division de l’opposition. Ces petits se reconnaitront, on ne les entend plus. Ces gens on ne les voit ni sur le combat contre l’esclavage, ni contre celui du racisme.
Ce qui se passe chez les maures c’est de l’esclavage comme on le pratiquait à l’état féodal ; sinon, comment qualifier le fait de pouvoir vendre quelqu’un, le louer, en faire une partie de son héritage, le castrer ou bien le faire travailler toute sa vie sans le payer. Si ça n’est pas l’esclavage, c’est quoi l’esclavage ? On peut ne pas avoir des esclaves en tant que maure, ou ne pas lutter contre, mais dire que cela n’existe pas, c’est comme le proverbe Pulaar qui dit « yizde wirnirde naange junngo mum » (vouloir cacher le soleil par sa propre main). N’attendons pas qu’ils reconnaissent l’esclavage ou non, luttons contre et donnons nous des moyens pour ça. Ce combat, nous appartient. Comme j’ai l’habitude de le dire en «Pulaar : «Alla neldataa en jinneeji, o neldataa en malaykaaji, yoo kavane en». (Le bon dieu ne nous enverra ni des démons, ni des anges pour combattre l’injustice à notre place). Ould abdoul Aziz ne peut que reconnaitre l’esclavage, parce qu’il ne veut pas lutter contre. Comme tout Maure esclavagiste qui se respecte, il doit tout faire pour le camoufler. D’ailleurs, dans son interview, il nous a confirmé que la Mauritanie est Arabe. Et celui qui n’en veut pas doit plier ses bagages.
6) A.H.M.E. : Certaines associations disent qu’Ould Abdel Aziz a la ferme volonté de régler les problèmes des déportés. Or ceux du Sénégal ne sont pas tous rentrés au pays et les rapatriés vivent dans des conditions assez difficiles. Aussi, le ministre de l’intérieur a déclaré : « la Mauritanie n’a jamais expulsé ses citoyens vers le Mali », voir communiquer numéro 346 du site www.haratine.com. Que signifient cette politique et ce discours contradictoires ?
Si Ould Abdoul Aziz veut régler ce problème, qu’est-ce-qui l’en empêche ? Le plus dur était de destituer Ould Taya, il l’a fait. Il voulait destituer le gouvernement démocratiquement élu de Sidi, il l’a réalisé. Il rêvait de marginaliser le tortionnaire Ely, il l’a poussé hors du champ politique. Il voulait chasser la représentation diplomatique d’Israël, il l’a fait de la façon la plus honteuse sur le plan diplomatique. A travers ce dernier acte, il voulait montrer aux nassériens, aux bassistes et aux islamistes qu’il est le plus nationaliste de tous les Maures. Aujourd’hui, il veut vendre à l’occident le fait qu’il est plus ferme que tout autre dirigeant de la région vis-à-vis d’AQMI. Les résultats sont hélas, le sacrifice d’un innocent qui n’a fait qu’aider les pauvres. Paix à son âme. Un peu de séreux. Abdoul Aziz ne se soucie que de l’arabité et de son pouvoir. Ces associations qui veulent nous faire croire que cette personne est bonne pour nous, sont toutes, sans exception créées ou payées pour faire le sale boulot dans leur milieu naturel. Nombreux parmi les responsables de ces associations qui l’avaient vu quand il fut arrivé au pouvoir, actuellement, sa porte leur a été fermée. Ils ont erré pendant des semaines à Nouakchott pour le voir, ils n’ont pas pu. Il a fallu l’intervention d’Abdoul Karim Dicko pour qu’Abdoul Aziz accepte de les recevoir quelques minutes à Paris. D’ailleurs, des sources assez informées, parlent d’Aziz en négociation avec certaines associations, pour racheter les plaintes déposées contre les tortionnaires mauritaniens. Même si, certains d’entre eux font du tapage partout pour faire croire le contraire, nous sommes tous mauritaniens et on sait ce qui se passe. Quand au premier ministre d’Aziz, j’aurai voulu entendre de sa bouche que, la Mauritanie n’a jamais expulsé ses citoyens, mais il a dit « n’a jamais expulsé ses citoyens vers la Mali ». Cela veut dire qu’il reconnait que la Mauritanie a déporté ses citoyens vers le Sénégal. Si ce premier ministre reconnait que les déportés qui sont revenus du Sénégal ont été déportés, pourquoi ne pas s’occuper d’eux, avant de parler ceux qui ne sont pas rentrés encore. Que ce premier ministre l’accepte ou non, ces déportés aux Mali rentreront obligatoirement. Rappelez-vous que pendant 18 ans, les gouvernements beïdanes successifs disaient n’avoir déporté personne. Donc, ça ne m’étonne pas du tout que ce premier ministre oublie que le gouvernement de Sidi avait accepté ce fait et avait envoyé des délégations vers le Mali pour organiser leur retour. Ce n’est pas surprenant, parce que ces déportés ne sont ni arabes, ni palestiniens. Mêmes les Maures qui reconnaissent ce drame et qui font semblant d’être solidaires avec nous, ne font rien qui lie leurs paroles à leurs actes. Leur préférence va vers la Palestine, une cause qui certes mérite la solidarité, mais qui doit passer après celle de la Mauritanie. Il faut que ce gouvernement soit acculé pour l’accepter comme ces prédécesseurs.
7) A.H.M.E. : La réussite du combat contre l’esclavage et le racisme impose l’unité de toutes les victimes en Mauritanie. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Normalement, c’est une cause mauritanienne qui doit impliquer tout le monde. En Afrique du Sud, des blancs ont lutté contre l’apartheid, aux Etats-Unis ce fut le cas. Ici, en France, les piliers des combats contre le racisme et l’exclusion sont des blancs. C’est seulement en Mauritanie que l’on voit cet égoïsme, inexplicable. Si on veut former une Nation, il faut un minimum de solidarité et de reconnaissance. Sinon, ce qui est arrivé entre le Bangladesh et le Pakistan arrivera à la Mauritanie. Le négro mauritanien qui pense que le silence le sauvera, les Harratines qui pensent que dire qu’ils sont arabes les protégera et les beïdanes qui pensent que les jeux sont faits, la Mauritanie est arabisée, basta, tous se trompent ; Moi, Sayku Umar BAH, je ne dissocie pas l’esclavage, le racisme, l’injustice et la mauvaise gouvernance. Tous ces problèmes sont mauritaniens. S’ils ne sont pas réglés, la Mauritanie disparaitra avec. A défaut de voir les beïdanes dans nos rangs de combattants, nous noirs devons être solidaires et faire notre place dans ce pays qui nous appartient tous. Nous devons le faire pour instaurer une Mauritanie juste et égalitaire pour l’ensemble des citoyens de ce pays. Au pire des cas, la question de la séparation n’est pas à exclure.
8) A.H.M.E. : Les Flam ont beaucoup fait pour la lutte contre le racisme en Mauritanie. Quel est leur apport politique, psychologique,…en vue de l »abolition de l’esclavage et du racisme ?
N’étant pas le porte parole ou le chargé de la communication des FLAM, je parle en mon nom personnel. Par ailleurs, le combat des FLAM est connu, même si le manifeste de negro-mauritanien fut falsifié et envoyé dans les ambassades arabes, pour montrer que les FLAM, veulent exterminer les Maures et ils veulent créer un Etat Haalpulaar, ça ne nous a pas découragés, puisque nous n’avons demandé que l’égalité et la justice. A la suite de ça, on a arrêté les membres des FLAM, appartenant à la communauté Fulve ; les autres membres des autres communautés, Soninkés Wolof, Bambara, furent libérés. Tout ça c’était pour diviser pour mieux nous dominer tous.
Notre apport politique est celui d’avoir posé le problème et puis lutter pour démanteler l’apartheid maure. Aujourd’hui, nous sommes l’organisation, la plus ancienne de la Mauritanie. Je crois aussi que l’entêtement des défenseurs de ce système est aussi pour nous un apport important. C’est ce qui nous a aidés à internationaliser ce combat pour la justice. C’est grâce à ça que nous avons obligé indirectement, toutes les organisations politiques mauritaniennes à avoir dans leur programme politique un volet sur la question nationale, même pour ceux qui n’y croient pas. Parce que la question nationale nous l’avons nationalisée et internationalisée. Avant les FLAM, aucune organisation politique n’en parlait. Actuellement une organisation mauritanienne qui veut exister ne peut pas s’empêcher de parler de l’esclavage et du racisme. Psychologiquement, nous avons souffert, en tant que FLAM, mais nous continuons la lutte, comme vous le voyez, nous ne nous sommes pas suicidés, nous n’avons pas non plus abandonné la lutte, car, nous sommes convaincus de la justice de notre combat et pensons à nos martyrs qui, nous ont légué ce bel outil que sont les FLAM. Paix à leurs âmes. Il y a ceux qui sont fatigués qui ont abandonné. Ceux qui ont trahi et qui ont vendu l’âme de la dignité. Ceux qui travaillent dans la clandestinité et il y a nous qui sommes encore attachés à ces idées nobles qui sommes sur le train à visage découvert. Comme on a l’habitude de le dire, le combat est un train et dans chaque gare il y a ceux qui montent et ceux qui descendent. Il y a trois jours nous avons eux deux adhérents qui nous ont dit avoir compris que le seul mouvement qu’ils voient comme sauveur est le nôtre. L’autre apport, c’est le renouvellement des générations et les nouveaux outils de communication, comme l’internet. Si le monde entier a pu découvrir les FLAM, c’est grâce à notre travail de terrain en Afrique, aux U.S.A et en Europe et grâce à notre site internet : www.flamnet.info Avant ça, TAYA et ses collaborateurs avaient réussi par la falsification de notre principal document le manifeste du negro-mauritanien et à nous diaboliser. Aujourd’hui, mauritanien ou non, on peut savoir ce que disent les FLAM, sans passer par le gouvernement mauritanien, ou par ses médias. Eskey terze FLAM (mention spéciale) aux militants des FLAM.
9) A.H.M.E : Quel regard portez-vous sur l’esclavage maure ? Les visions différentes selon la situation des personnes. Les Harratine, victimes de l’esclavage, vivent celui-ci d’une manière dissemblable que les maures bénéficiaires de leur asservissement. Il en est de même des négro-mauritaniens qui sont dans l’ensemble, victimes du racisme et non de l’esclavage ?
D’abord, je dis que c’est dommage qu’au 21ème siècle, on parle encore de l’esclavage. On parle de l’esclavage entre compatriotes musulmans de surcroit. On devrait discuter sur les problèmes d’éducation, sur les problèmes de santé, sur les problèmes de développement de notre pays, la Mauritanie. Mais hélas, il y a encore des mentalités rétrogrades dont la seule soif est la domination. Alors, on sait que ce n’est plus tenable. L’époque où on pouvait posséder un homme est révolue. Cette question m’a rappelé ce que m’avait dit un compatriote maure avec qui je discutais sur l’esclavage en Mauritanie : « Oui, c’est difficile, parce que moi, mon père ne sait pas travailler, si on lui ôte ses esclaves et qu’à la place on ne lui donne rien, il ne pourra pas vivre, mon père n’a pas appris à travailler ». Et pourtant, cette personne est considérée comme l’un des meilleurs défenseurs de la question Harratine. Est-ce-qu’il croit ce qu’il dit ou non. Je ne sais pas. C’est ce qui répond à la question de vivre l’esclavage d’une manière dissemblable. Les Harratines luttent pour leur libération et pour la discrimination positive, avec une forte envie de rattraper le retard. Certains négro-mauritaniens pensaient n’être pas concernés par l’esclavage des Maures et pourtant, nombreux savent que certains membres de leur famille ont été volés et rendus esclaves. On en connait même qui sont devenus Haratine et reviennent dans leur famille d’origine de temps à autre. Malgré tout ça, c’est maintenant avec le racisme aigu du système maure que certains negro-mauritaniens ont compris que « bone kavete ». (L’injustice est à combattre), et que mieux vaut tard que jamais. Parallèlement à ça, des soi-disant défenseurs des droits de l’homme arabo-berbères se soucient du sort de leurs parents esclavagistes. Ils pensent qu’il faut mettre quelque chose à la place pour que les maitres ne souffrent pas de la libération de leurs esclaves comme le fit Haydalla qui prônait l’indemnisation pour les maitres. Pour moi, ces maitres doivent payer les Harratines. Ils doivent êtres traduits devant la justice, s’ils n’acceptent pas de libérer ces opprimés. C’est normal que les vécus de cette situation soient dissemblables. Ce qui n’est pas normal, c’est de ne pas se sentir concerné par le génocide de Noirs en Mauritanie, ou de l’esclavage. On massacre ses propres compatriotes noirs, en Mauritanie et on défend la cause palestinienne. Quelle hypocrisie ! Pour moi, tous les retards que vit la Mauritanie de sa naissance, jusqu’aujourd’hui doivent être combattus par tous les mauritaniens, sinon, jamais nous ne construirons une nation. Alors que chacun prenne sa responsabilité devant l’histoire. En tout cas, nous aux FLAM, on avait compris depuis longtemps qu’il ne faut plus attendre que d’autres viennent nous soigner nos maux. S’ils viennent, tant mieux. Voilà la première leçon que chaque militant des FLAM reçoit au moment dès son adhésion.
10) A.H.M.E : Que pensez-vous des activités de l’association des harratines de Mauritanie en Europe ?
D’abord un grand remerciement pour cette association. Je la remercie parce que, je suis mieux placé pour savoir ce que cela demande comme sacrifice : temps, matériel, humain et psychologique. Je vous remercie aussi, car je sais que vous menez ce combat pour les futures générations et vous la faites fonctionner avec vos propres moyens, et que vous n’en tirez aucun bénéfice. Je sais aussi que vous avez posé des jalons solides et incontournables pour nos héritiers. Ceci étant, vous A.H.M.E, I.R.A et nous FLAM, avons une lourde responsabilité devant Dieu, devant l’histoire, et devant l’Afrique, pour œuvrer pour que jamais, on ne monte un négro-africain Harratine contre son frère de sang et de couleur et vice versa. Tous les fils de la Mauritanie doivent travailler ensemble pour faire disparaître cette Mauritanie injuste, raciste et esclavagiste et construire une patrie viable ; une patrie qui, abritera tous ses fils, sans tenir contre de sa race, de sa couleur et de sa croyance. On ne peut pas obtenir ce rêve sans que l’on sépare Etat et l’arabité. Nous devons nous inspirer des autres nations comme la France qui, après avoir fait des millions de victimes, un consensus est trouvé entre les progressistes, la droite dure et l’église catholique d’où la naissance de la loi 1905 qui a conduit à la séparation de l’église et de l’Etat. Pour la Mauritanie, ça sera la séparation de l’Etat et de l’arabité. Ceux qui pensent aujourd’hui rendre service à leurs enfants, en les éduquant sur des bases injustes et égoïstes, se trompent lourdement. Ils sont en train de leur léguer des cadeaux empoisonnés, qui tôt ou tard se retourneront contre eux. Enfin, je termine par le poème d’Abou Alqassimou Achabi : Iza chabu yawman araada alhayaa falaabudda an yastajiiba alqadar Falaa budda lillleyli an yanjaliya falabudda lil qaydi an yankasira
Si un peuple a envie de vivre II faut qu’il réponde au destin Il faut que la nuit achève Il faut que la chaine se casse.
L'équipe du site http://www.haratine.com/ vous remercie infiniment d'avoir répondu à nos questions.
Août 2010 |
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