Entretien
avec Mr. Mohamed Saïd Ould Hamody, ambassadeur retraité et
ex-président ...
...de
la Commission Nationale des Droits de l’Homme Mauritanienne
(Cndh):"Les
séquelles sont beaucoup plus graves que l’esclavage ".
Mohamed Saïd
Ould Hamody est un écrivain-
journaliste, diplomate et consultant international.
Il a
notamment servi comme conseiller d’ambassade au
Caire, à Washington
et à Rabat.
Secrétaire général à la Présidence de la République un moment
il a été ensuite représentant permanent de la Mauritanie
auprès des Nations Unies
à New York (
1980-1984), puis conseiller du ministre des affaires étrangères et
chargé de mission au même département. Affecté comme ambassadeur
auprès des Etats-Unis d’Amérique
(2000-2002).
Il est admis, en
2002, à faire valoir ses droits à la retraite.
En outre, M. Ould
Hamody s’est impliqué dans diverses
activités culturelles et au sein de la société civile et a été
notamment Commissaire du Mataf
culturel d’Atar en
1989, président ; en 1999, du Colloque international sur la
sauvegarde et valorisation du patrimoine culturel national,
co-président avec la représentante du PUND
du projet de sensibilisation , en 2004-2005, sur les Objectifs
du Millénaire du Développement (OMD)
et vice-président de la commission nationale de réforme de la
presse en 1906.
Il est l’auteur de plusieurs études et de
deux ouvrages : "Bibliographie Générale
de la Mauritanie",
ouvrage de prés de 6oo pages édité par
Sépia à Paris en 1995 et "Mauritanie
(1444-1975) relations séculaires
avec l’Europe"
publié en 2004 par L’institut
Mauritanien de Recherches Scientifiques."Assiraje
Hebdo" Notre journal a rencontré pour
vous, son Excellence Mohamed Saïd Ould
Hamody, à son domicile, et malgré son
calendrier trop chargé, il a voulu aimablement répondre à nos
questions. Qu’il en soit remercié.
Assiraje
Hebdo : Excellence, vous avez vu la Mauritanie naître et grandir,
aujourd’hui on parle de célébrer les cinquantenaire
d’indépendance. En tant que doyen quelle analyse faites-vous de ce
cinquantenaire d’indépendance ?
Mohamed
Saïd Ould Hamody : Le cinquantenaire,
bien sûr est un événement exceptionnel et très important ; 50
ans, c’est un anniversaire qui mérite d’être fêté ! Et je
salue l’initiative qui a été prise dans ce sens, surtout les
témoignages à la radio, à la télévision et dans les quotidiens
écrits par tant de témoins différents par l’âge, l’origine,
les convictions politiques etc.
Je souhaite seulement que la
traduction en soit faite, dans toutes nos langues nationales, de ces
interview pour que tous le monde puisse en prendre connaissance. Et
encore une fois et je félicite le choix de la diversité pour faire
parler des gens. Et toutes les opinions, toutes les régions et même
la pyramide des âges… ont été sollicitées et respectées. Nous
qui étions jeunes à l’indépendance, ceux qui étaient déjà
responsables, d’autres qui étaient bébés ou petits enfants avons
tous été interrogés.
Mais j’aurais souhaité que le
rappel mentionne tous les chefs d’état qui ont dirigé la
Mauritanie, tous les présidents de l’assemblée nationale, et tous
les ministres et hauts fonctionnaires qui ont contribué d’une
façon significative aux combats mené pour construire la maison. La
Mauritanie n’a pas de père. Elle n’a que des enfants !!! C’est
elle la mère nourricière…
Et l’œuvre de construction
est le produit du travail d’équipe et du labeur de tous ; depuis
le chef d’état jusqu’au manœuvre, le berger et le cultivateur.
Ce n’est pas une, deux ou trois personnes qui ont construit ce pays
mais un groupe d’hommes et de femmes.
Assiraje
Hebdo : Vous êtes aussi un militant des droits de l’homme, vous
étiez président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme,
quel regard portez-vous sur les questions relatives au retour et à
la réinsertion des rapatriés mauritaniens ; à l’esclavage, au
passif humanitaire et aux conditions socio-économiques des
populations ?
Mohamed
Saïd Ould Hamody : Et bien, Il y’a
une question à la résolution de laquelle je suis très content,
c’est le règlement du retour des rapatriés. Je pense qu’au delà
des différences entre les régimes qui se sont succédés depuis
2005, tout le monde a respecté le programme, tout le monde a décidé
de laver la tare de la honte. Ce qui était important pour la
démocratie, pour la réputation du pays et surtout pour la justice
et pour le raffermissement de notre unité nationale.
Ce qui
reste à achever en la matière c’est un règlement des documents
d’identité qui élude la mention à l’ancien statut du réfugié.
Et il reste à installer, autant que faire se peut, les réfugiés
(fonctionnaires et possédants) dans leurs situations
antérieures.
Et préparer le règlement des différends et
conflits qui peuvent les opposer aux "moussafarine"
installés quelquefois sur les propriétés vacantes (et qui ont
droit aussi à la protection et aux réparations par les pouvoirs
publics), aux hommes d’affaires qui ont accaparé des terres
propriétés d’expulsés ou de collectivités ainsi que
l’accaparement des biens de ces rapatriés par des parents restés
en Mauritanie.
Par contre pour le "passif humanitaire",
je pense qu’il faut chercher la solution de cet épineux drame
humain avec les concernés ou les ayant- droits des disparus. La
solution doit être concertée, courageuse et, surtout, équitable. A
mon avis le grand responsable de ce drame c’est l’Etat. Donc il
ne faut culpabiliser personne autre que cet Etat. En effet les
responsables ont utilisé les moyens de la puissance publique pour
commettre leurs forfaits. Ils ont été protégés par L’Etat. Ce
même Etat qui n’a pas su protéger ses citoyens, et c’est lui
qui doit demander pardon.
Le président de la république, a
présenté des excuses à Kaédi, pendant la prière d’avril 2009,
je pense qu’il l’a fait au nom de l’Etat. Reconnaissons que
l’Etat est comme une mère, personne ne peut se fâcher contre sa
mère…
Pour ce qui est de l’esclavage, parlons
franchement. L’esclavage traditionnel n’existe plus, comme celui
où on prenait des gens qu’on vendait ouvertement ou qu’on tuait
impunément pour sorcellerie.. Mais l’esclavage subsiste encore. Il
y’a bien des cas avérés d’esclavage constatés et recensés à
travers tout le pays.
Par exemple des garçonnets et fillettes
que les gens arrachent à leurs parents, qui ne vont pas à l’école
servant dans les maisons, les tentes et les cases.. Des hommes et des
femmes qui travaillent sans salaires, des gens que l’on prive de
leur héritage. Un chat s’appelle un chat. Ce n’est pas
l’esclavage que l’on a connu mais il y’a qu’à même des cas
d’esclavage qui crèvent l’œil !
Et à l’Etat de donner
l’exemple. Il doit imposer aux gendarmes et policiers de traquer
les résidus de cette honte. Il doit imposer aux autorités du
commandement territorial et aux magistrats de donner un exemple, un
seul s’il le faut, et cesser la complaisance coupable et la cécité
délibérée qui font croire que désormais l’esclavage c’est le
passé et qu’il n’en subsiste que les "séquelles".
Désormais pour les cas avérés identifiés, il faut que la justice
les condamne conformément à la loi pour que cela puisse
disparaître.
C’est une honte et un danger potentiel pour la
paix civile dans le futur. Il est impératif de le regarder
courageusement dans les yeux et en éradiquer les survivances de
pratiques que l’on ne pourra éradiquer que si on donne des
exemples qui découragent les gens.
Pour ce qui est des
séquelles, c’est un une question à long terme. Effectivement les
séquelles sont beaucoup plus graves que l’esclavage. Elles sont
dans les mentalités, elles sont dans les pratiques de la loi, elles
sont dans l’attribution des avantages multiples. Avantages pour
l’attribution des bourses, dans les inscription scolaires, dans
l’attribution d’équipements collectifs sociaux, les nominations
de fonctionnaires, dans les concours, dans les attributions des
terrains, dans le traitement des dossiers de délinquants, dans la
place occupée dans les maisons d’arrêt etc. etc.. Mais ses
séquelles sont à long terme et il faut les régler.
Pour ce
qui est des conditions socio-économiques des populations, il y’a
certaines conditions difficiles. Mais je crois que les moyens de
l’Etat existent et ils sont limités, modestes peut être, mais il
y’a aussi la mauvaise gestion, l’incompétence même de ceux qui
sont chargés de la gestion des biens publics ; incompétence et
inconscience aussi dans presque toutes les structures
administratives. Mais je crois qu’il y’a un autre avantage que
les mauritaniens détiennent, c’est la solidarité qui atténue les
drames et réconforte beaucoup dans ce pays.
En effet ni vous
ni moi ne pouvons vivre de ce que nous avons tous seuls. Nous sommes
obligés en réalité de partager, de distribuer à des cercles
concentriques. Nous sommes, grâce à Allah et à nos difficiles
conditions des vases communiquant. Et il paraît que cela ne favorise
pas le développement.
Et c’est tant mieux, d’après moi !
Cette solidarité magnifique qui est dans l’islam et qu’on ne
trouve pas dans beaucoup de pays qui ne se soucient ni des vieux et
des personnes nécessiteuses ou même du voisin est terrible car elle
génère les drames, misères et animosités.
Appuyons nous
sur les deux vraies mamelles du pays : notre immense, maa chaa Allah,
cheptel( ovin, caprin, bovin et camelin) et notre agriculture ( au
bord du fleuve bien sûr, mais aussi oasienne et dans les "grara"
inondables et derrière les barrages), nos richesses halieutiques et
développons un élevage aviaire etc. Subsistons mieux et plus
équitablement en assurant une meilleure répartition des biens du
pays, une meilleure gestion de ses fonds publics.
Et
protégeons Nouakchott, qui risque de devenir une immense tête dans
un corps maigrichon : l’encéphalite. En raison des conditions de
vie difficile, Il faut donner des chances à ceux qui sont de
l’intérieur. Il faut discriminer Nouakchott pour les
infrastructures dans le futur et dans les avantages des employés des
services publics. Il faut délocaliser les structures administratives
pour permettre à d’autres zones d’évoluer et de s’épanouir,
sinon c’est la catastrophe par l’exode des derniers habitants de
l’intérieur vers les kebas improductifs de Nouakchott.
Assiraje
Hebdo : Comme les pays de la sous région, la Mauritanie n’échappe
pas, elle non plus, au terrorisme, quelle est la lecture que vous
faites de ce phénomène et quelles sont les solutions que vous
proposez face à ce drame ?
Mohamed
Saïd Ould Hamody : il faut comprendre
que le terrorisme est devenu un phénomène international. Ne le
justifions pas en lui donnant des raisons, mais pour le soigner. Il
faut plus de justice entre individus et groupes à l’intérieur des
nations. Plus de justice et plus de dialogues sont aussi nécessaires
entre nations, continents, religions et cultures. Je ne dis pas qu’il
faut l’accepter, c’est scandaleux.
Ce n’est pas par les
muscles, ni par le chantage, ni par la prise d’otage ou les
attentats qu’on peut résoudre les problèmes, les contradictions
ou faire triompher une cause. Dieu nous a demandés de nous
concerter, c’est ce que dit l’islam. Donc il faut promouvoir la
concertation entre nous, la liberté publique et le respect du droit
de l’autre. Le problème du terrorisme a sa source dans
l’extrémisme stérile et l’intolérance. Ils sont complément
fermés sur eux mêmes. Ils n’acceptent pas la discussion et ils
sont dangereux.
Il ne faut pas tomber dans leurs pièges. Il
ne faut pas installer une situation exceptionnelle dans le pays. Il
faut au contraire favoriser la normalité, les libertés publiques,
la liberté d’expression, égaliser les chances entre les
mauritaniens. Solutionner le problème de l’esclavage comme on
vient de le dire, bannir toute forme de racisme et d’exclusion de
caste etc. faisons qu’il y’ait une seule catégorie de
mauritaniens. En bref appliquons l’islam véritable. Je pense que
tous les mauritaniens doivent s’unir contre le terrorisme, parce
que ce n’est pas une solution. La solution c’est le dialogue le
respect de l’opinion contraire et des libertés publiques. Et je
crois qu’il y’à un consensus autour de ces vérités de la
palisse.
Ce pays n’a jamais été un pays d’extrémisme
malgré les moments très difficiles que nous avons expérimentés.
Il y’a eu des émeutes dans beaucoup de pays pour un morceau de
pain alors que le mauritanien, cet anarchique, ce rebelle si soucieux
de son indépendance a supporté, parfois, l’insupportable. Peut
être que notre esprit de solidarité allège le fardeau individuel,
atténue les difficultés.. Nous sommes, je le redis, des vases
communicant et c’est notre chance quelquefois ; notre drame en
d’autres circonstances.
Assiraje
Hebdo : En tant que diplomate êtes vous satisfait de la politique
étrangère menée par les autorités actuelles au plan international
et surtout sous régional (on pourra se référer sur l’incident
avec nos frères maliens récemment) ?
Mohamed
Saïd Ould Hamody : Moi je crois qu’en
tant que diplomate (je ne suis pas historien mais j’aime l’histoire
parce qu’elle explique le passé, déchiffre le présent et augure
du futur) que la diplomatie d’un pays ne change pas. Les régimes
changent mais la diplomatie ne change pas pour ses tréfonds, ses
orientations essentielles ! Parce que la diplomatie est conditionnée
par la géographie, par l’histoire et par les intérêts du
pays.
Nous avons vécu ici des exemples. A propos de l’affaire
du Sahara occidental ; par exemple, le régime qui a renversé Ould
Daddah a mené en réalité, la guerre en moins, la même politique à
quelques nuances prés.
Les régimes qui se sont succédés
ont tous mené la même politique d’équilibre entre nos voisins
parce que c’était l’intérêt du pays et par ce que l’histoire
l’imposait.
Il n’y a pas de politique de nouveaux
dirigeants différente de celle des anciens. Il y’a eu un seul
accroc, l’initiative du président Maawiya établissant des
relations avec israël. Les relations avec Israël étaient
scandaleuses et inutiles. Il n’y avait rien contre les juifs. Nous
n’avons rien contre les Juifs. Ce sont les cousins des arabes et
des gens du livre.
Si demain les israéliens deviennent moins
arrogants, moins prétentieux, moins insultants, ils ont leur place
en la terre arabe de Palestine parce que les résolutions de l’ONU
l’ont décidé en 1947. Les gens du livre sont de la même famille,
de la même maison. Mais reconnaître l’Etat raciste, oppresseur,
méprisant, c’est plus qu’une faute, une grave erreur surtout sur
le plan interne, sans apport réel pour nos frères palestiniens. A
part cela, la politique de Mokhtar, Moustapha, Mohamed Khouna,
Maawiya, Ely, Sidi Mohamed ou Mohamed, est restée la même à
quelques nuances prés.
Parce que le pays ne change pas. Nos
brouilles fréquentes avec les français ne changent pas la qualité
d’une amitié, forgée depuis le XVII e siècle dans la guerre et
dans la paix mais préférentielles. Nos brouilles épisodiques avec
l’Algérie, le Mali, le Maroc ou l’Algérie s’oublient chaque
fois en raison d’un voisinage millénaire qui exclut le
déménagement… !
Je crois que notre politique extérieure
suit une courbe régulière donc conditionnée par des impératifs
objectifs ! Nous sommes obligés de vivre ensemble c’est la loi du
voisinage. Le prophète (paix et salut sur lui) a dit que Gabriel lui
a tellement conseillé un traitement de faveur pour les voisins qu’il
a eu l’impression un moment, que l’ange allait lui dire qu’Allah
leur avait attribué une part de l’héritage. Cette place
privilégiée du voisin qui a failli lui attribuer un droit
exorbitant est valable pour les êtres mais aussi pour les peuples
voisins.
En ce qui concerne nos frères maliens, je crois
qu’il n’ya pas eu d’incidents, il y’à quelques fois des
malentendus, des frictions, des susceptibilités absolument
compréhensibles, mais passagers entres membres d’une même famille
et c’est ce qui arrive, et arrivera dans le futur, avec nos frères
maliens ou marocains ou sénégalais ou algériens, nos amis français
ou espagnols , « esta la vida… »
Cependant en tant que
pays souverain, on ne doit pas prendre partie dans des conflits entre
eux. Par ailleurs nous sommes obligés de défendre notre
souveraineté, la sécurité de nos citoyens mais faisons-le en
renforçant notre fond intérieur par la concertation avec tous les
mauritaniens pour lutter efficacement contre le cancer du
terrorisme.
Nous ne devons pas dépasser notre frontière pour
nous battre. C’est aux autres de protéger leurs espaces de
souveraineté. Aucun mauritanien ne devait mourir en dehors de nos
frontières nationales. Mais restons debout, bien éveillés pour
empêcher les fauteurs de troubler notre quiétude…
Assiraje
Hebdo : Quels sont les grands souvenirs que vous retenez des années
de l’indépendance ?
Mohamed
Saïd Ould hamody : c’est l’occasion
ici de rappeler qu’à l’arrivée des français, il y’a eu une
question qui a été posée. Quel est l’attitude à adopter face à
l’occupation de notre pays ?. Il y’a eu beaucoup de fatwa des
oulémas, Maures, poulars, soninké et wolof. Les deux cotés de la
vallée, les maures de Toudouf, du Sud marocain. Cela montrait déjà
qu’il y’avait là l’esprit de l’unité qui existait et qui
continue. Nous sommes une société sous une autre forme. Les gens
sentaient qu’ils avaient un destin commun.
Il faut savoir
qu’en 1960, il n’y a pas eu la naissance de la Mauritanie, mais
plutôt le recouvrement de la souveraineté. En ce moment j’étais
au lycée, j’étais interne en classe de troisième en France,
puisque c’est mon père qui payait mes études. Nous avons été
invité à la soirée de l’indépendance dans un restaurant au
quartier latin à Paris. Je me rappelle qu’il y’avait des
étudiants, des stagiaires certains officiers. J’étais le seul
élève, il y’avait aussi deux ou trois ouvriers.
C’était
une grande émotion, on a attendu jusqu’à 1 heure du matin,
puisqu’il y’avait une heure de décalage horaire et nous avons
écouté le discours du premier ministre Mokhtar Ould Dadah, puis on
nous a dit de nous lever pour entendre l’hymne national. Nous avons
reçu un disque et une brochure bilingue, que je garde encore dans ma
bibliothèque. Mais j’ai été étonné le lendemain, quand je me
suis réveillé. J’ai regardé le soleil qui se levait toujours de
l’est. Je me suis dis « …donc rien de nouveau... » Et pourtant
beaucoup de choses ont changé.
Je crois que malgré tout,
collectivement et malgré toutes les cicatrices et les traumatismes
que je ne voudrais pas citer ici, on a réalisé beaucoup et je
souhaite que nous, nos enfants et toutes les générations qui
suivront réalisent encore plus pour notre Mauritanie, pour l’Islam,
le monde arabe et l’Afrique.
Assiraje
Hebdo : Avez-vous des recommandations à faire aux Mauritaniens
?
Mohamed
Saïd Ould hamody : je voudrais que tous
les mauritaniens : les hassanophones, les halpoular, les soninkés,
les wolofs et les autres qui sont ou qui deviendront mauritaniens
sachent que nous sommes tous fils et filles de Adam et qu’il y’a
égalité totale de droits. Droits à l’expression, à l’identité,
le droit à magnifier toute culture. Que l’esclavage dans ces
dernières manifestations est à éradiquer. Empêchons
l’esclavagiste (pratiquant ou "séquelliste") de
gagner.
Il faut que les mauritaniens se sentent tous, et
également, fiers de leur pays. Que chacun sente qu’il est protégé
avec son identité, sa couleur et son environnement.
Acceptons
que les femmes soient les partenaires irremplaçables et remarquables
de leurs partenaires masculins et qu’il faut les associer sur un
même pied, et à tous les niveaux de la pyramide politique,
administrative et sociétale, d’égalité à l’édification du
pays. Les opprimer, c’est vouloir détruire le pays. Les réduire à
un état second c’est enlever au pays sa chance d’évoluer vers
le mieux. Nos mères, femmes, sœurs, filles, nièces sont un élément
essentiel de l’équilibre du pays et il n’y a pas de progrès
sans elles !
Je voudrais rappeler aussi qu’un pays est jugé
sur l’état et la qualité de son école et de ses centres de
soins. Oublions nos mentalités de bédouins ; à cet égard soyons,
quarante ans après la grande sécheresse, des gens des villes, et
acceptons que la saleté est terrible et dangereuse pour la santé et
qu’elle est honteuse et vilaine. Ce sont des détails peut être
mais fort importants.
Je voudrais qu’on sache que l’unité
nationale ne veuille pas dire que nous mesurions tous un mètre
quatre vingt (1m80 ou 1m 70 ou 1 m 50), tous de la même couleur,
mais choisissons la diversité enrichissante dans l’unité, dans le
respect de l’autre. C’est ça qui est important et nous devons
tous militer pour ce credo.
Il faut aussi défendre les
avancés démocratiques, la liberté d’expression. Libérer les
radios et les télévisions. Les rendre le lieu privilégié
d’expression de tous les mauritaniens mais dans la responsabilité
et l’ordre.
Ensuite ne jamais réfléchir au parti unique.
Que l’opposition existe. Que la majorité puisse défendre les
droits de l’opposition, lui donner les moyens d’être et de
s’exprimer parce qu’elle ne peut connaître le jour où elle
deviendra, elle aussi, l’opposition. A celle-ci d’accepter
humblement et démocratiquement le verdict des urnes, et par
conséquent les privilèges provisoires de la majorité. Et que nos
élections deviennent transparentes.
Je suis très content
pour toutes ces infrastructures qui naissent. Je souhaite que les
routes entre les wilayas, les villes soient renforcées. Parce que
par les routes se diffusent ou circulent idées, hommes et biens et
permettent de renforcer les liens entre hommes et régions au delà
de leurs différences. Notamment il y’a une wilaya, qui crie et qui
demande à être désenclavée, c’est le Guidimakha. Exauçons son
vœu c’est justice et c’est rentable économiquement pour le
pays.
Entretien réalisé par Oumar
Amadou M’baye
Source :
Essiraje Hebdo (Mauritanie)
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