A.H.M.E.
INTERVIEW 28:
Interviews
de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ( SIDIOCA)
INTERVIEW DU
PRÉSIDENT SIDI OULD CHEIKH ABDALLAHI AU CALAME
Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, dans une interview exclusive avec Le Calame : "Mes propos sur Al Jazeera Net ne sont pas une attaque contre Ould Daddah, mais une description de la réalité politique qui prévalait, à l’époque, sur laquelle on m’a posé une question". Au moment où la campagne, en vue de l’élection présidentielle du 18 juillet, bat son plein, le Calame a jugé utile de recueillir le point de vue de monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, ancien Président de la République dont l’acte, patriotique, de démission, a permis à la nation mauritanienne de sortir de la crise politique, consécutive au putsch du 6 août 2008, et de s’engager dans une élection présidentielle, constitutionnelleme nt acceptable.
Les propos de celui qui a dirigé notre pays, pendant quinze mois,
contribueront à éclairer l’opinion publique. A l’heure où la tension monte,
cet homme, qui vient de sortir par la grande porte de l’Histoire, malgré le
lynchage que sa famille et lui ont subi, cet homme sage ne s’est jamais
inscrit dans une logique de confrontation, encore moins de surenchères.
Jamais l’idée de vengeance n’a effleuré son esprit.
Et puis, il y avait des gens, dans mon entourage, je l’ai déjà évoqué dans mon adresse à la Nation, des gens qui se rendaient à l’évidence que ce que j’étais en train de faire n’était pas bien perçu, par mes compatriotes. Ils me disaient : "Ecoutez, la Mauritanie ne doit pas être gérée de cette façon, il faut tenir compte des aspirations du peuple, il faut tenir compte de leurs habitudes, vous ne pouvez pas changer les choses, d’un seul coup". Mais je me rendais compte qu’en suivant ces observations, bienveillantes, du reste, je cautionnais les pratiques d’antan, je m’y incrustais, et cela n’était pas ma vision de ma mission envers la Mauritanie.
Je pouvais réaliser, à
cette période, beaucoup de choses, qui devaient être accomplies, et, quoique
bien de gens m’aient dit, vous auriez dû faire ceci, éviter cela, et que cela
fût, certainement vrai, je portais une vision, je le répète, et je ne voyais
pas les choses comme eux. La stabilité du pouvoir ne m’intéressait que pour
autant qu’elle serve à quelque chose, qu’elle corresponde à la vision que
j’avais pour mon pays. Si c’était juste la stabilité pour la stabilité, je ne
m’y retrouvais point. D’abord, en ce qui concerne la campagne électorale, vous le savez, j’ai apporté mon soutien au président Messaoud Ould Boulkheir ; je l’ai fait à travers une lettre que je lui ai adressée et qui a été lue, lors de son investiture par le FNDD. Pour le reste, je voudrais vous dire que j’ai été très heureux de son choix et que j’ai fait tout ce que j’ai pu, afin que le FNDD et le RFD puissent travailler, ensemble, pour mettre, en échec, le coup d’Etat. Lorsque le RFD a fait l’objet d’attaques, j’ai, tout de suite, pris sa défense. Si vous avez bonne mémoire, vous aurez remarqué, sans aucun doute, qu’au court de cette période de crise, je n’ai jamais attaqué ou répondu à des attaques qui m’ont été adressées. Je constate, aujourd’hui, qu’on veut faire croire que je m’en suis pris à Ahmed. Allons, donc, je n’ai aucune raison de l’attaquer, il n’y a aucun enjeu, entre lui et moi. J’ai démissionné et je soutiens un candidat, pour la victoire duquel je ne ménagerais aucun effort. Mes propos, concernant Ahmed, sont à entendre, simplement, dans une explication du contexte politique qui prévalait, il y a un an – la fronde des députés, en l’occurrence, qui a conduit au coup d’Etat du 6 août. Une majorité de députés ne se reconnaissaient plus en moi, ai-je dit en substance, et pensaient qu’il y avait une autre manière de gérer le pays. L’opposition, quant à
elle, et en particulier, comme je l’ai dit, le RFD, me semblaient, par
certains de leurs comportements, souhaiter l’organisation d’élections
anticipées et le coup d’Etat offrait, apparemment, une telle occasion.
Tout le monde sait, par ailleurs, quelle fut l’attitude du président Ahmed
Ould Daddah et du RFD vis-à-vis de ce qui fut appelé une
"rectification" . C’est tout. Il ne s’agit pas d’une attaque, mais
d’une description de la réalité politique qui prévalait, à l’époque, sur
laquelle on m’a posé une question, et j’en ai dit ce que je pensais. Je crois l’avoir, déjà, expliqué : réellement, je ne voulais pas que nous perdions du temps et de l’argent. L’organisation d’élections avait un coût et nous embarquerait dans une période "morte" que je considérais comme une perte de temps, dans le programme à mettre en œuvre. J’ai, cependant, évoqué cette question, à l’époque, en des termes auxquels personne n’a beaucoup prêté attention. J’ai dit que, si je constatais que je ne disposais plus de majorité au Parlement, j’envisagerais, à ce moment-là, la dissolution de l’Assemblée nationale afin de m’en remettre au peuple, pour confirmer, ou non, la situation, auquel cas, soit j’accepterais la cohabitation, soit je partirais, l’alternative, en définitive, m’appartenant en propre. Mais dans mon adresse à la Nation, j’ai précisé que cela n’était que l’ultime solution et je ne préférais pas m’y résoudre précipitamment, pour les raisons que j’ai évoquées tantôt. La situation devenait pourtant ingérable... Vous savez, tout
cela s’est passé en une période très courte, c’était une situation
artificielle, elle ne reposait sur aucune base ou opposition réelle; la
preuve en est que, lorsque je me suis résolu à contacter les parlementaires,
les invitant à trouver des solutions, à travers le parti ADIL, le nombre de
frondeurs a, aussitôt, baissé. Les meneurs, constatant que le vent tournait
en leur défaveur, ont, alors, décidé de précipiter l’échéance. Vous dites que
la situation était ingérable, mais on aurait pu retrouver une majorité,
stable, à même de trouver des solutions, internes, à la crise, plutôt que
d’aller vers ce qui, en vérité, n’intéressait que deux généraux, décidés,
depuis un certain temps, je le crois, à ce que je ne demeure plus à mon
poste. (Rires). Vous savez, il n’y a pas de chose qu’on n’ait pas dites, comment puis-je acheter des parlementaires ? Je pense que le mieux, c’est d’interroger mon directeur de cabinet, d’ailleurs toujours en poste, et que vous interrogiez, en même temps, son prédécesseur. Cela dit, je m’en vais vous confier une simple chose. Qu’est-ce que j’ai connu, à titre personnel, de mon traitement financier, depuis que je suis devenu président de la République ? Quand on m’a amené mes émoluments, je les ai trouvés disproportionné s, par rapport à la réalité et à l’idée que je me faisais du pays. J’ai, alors, décidé de renoncer à 25% de ceux-ci, au profit du Trésor public, j’en ai parlé au Premier ministre, qui m’a dit que lui et les autres membres de son gouvernement en feraient autant, je dois dire que c’est tout à leur honneur, parce que je ne le leur ai pas demandé. Pour le reste, j’en ai
donné un certain pourcentage, à la fondation de mon épouse, qui le recevait
mensuellement. Il y avait également un fonds, qu’on appelle communément
caisse noire, géré par le directeur de cabinet, dont on a tiré des dons à de
gens qui sollicitaient de l’aide. A un certain moment, j’ai voulu avoir une
idée des montants que je donnais, s’ils étaient significatifs ou non,
j’ai demandé, à mon directeur de cabinet adjoint, de me procurer, sur le
marché, des carnets à souches. Depuis lors, j’ai répertorié tous les dons
distribués. J’en gardais une souche, pour suivre l’évolution des dépenses
effectuées sur ces fonds, à toute fins utiles. Je serais, d’ailleurs,
disposé, aujourd’hui, à vous les remettre pour publication. Les accusations
d’achat de députés ne reposent sur rien, il s’agit de pures inventions.. Je
n’ai, jamais, acheté personne. Je constate, d’abord, que mes compatriotes s’obstinent à croire qu’on m’ait dicté mes décisions, pendant très longtemps. C’est, probablement, très commode, très pratique : j’aurais été un petit jouet, entre les mains des militaires; qui faisaient de moi ce qu’ils voulaient, après m’avoir, pratiquement, amené sur leur char… C’est, évidemment, caricatural, excessif et cela ne permet pas de cerner et d’analyser, correctement, les problèmes. Quand un candidat a obtenu 25%, au premier tour, qu’il lui a fallu négocier des accords, avec des candidats qui ont eu 15 et 10%, on ne peut pas dire qu’il a été amené sur un char. Que les militaires aient aidé, qu’ils aient pensé que ce candidat leur convenait, pour des raisons qui sont les leurs, je veux bien. Mais de là à tout caricaturer, ça n’avance, en rien, dans la recherche et la compréhension des problèmes du pays. Cela aurait, toujours, été comme cela, toujours mon entourage qui me commanderait de faire ceci ou de me débarrasser de celui-là, c’est trop facile. Hier, sous les ordres des généraux, subitement, sous le joug de son entourage : de grâce, accordez-moi, tout de même, un peu de moi-même... Tout cela est, de fait, bien loin de la réalité. Vous savez, la décision la plus douloureuse, peut-être, que j’ai été amenée à prendre, fut le limogeage des généraux, parce que, réellement – et je crois que je l’ai écrit, dans un document que vous avez, déjà, publié – je les prenais pour des officiers très patriotes, soucieux du devenir de leur pays, et je n’avais jamais eu le moindre reproche à leur faire, contrairement à ce qu’on a dit, par la suite. Durant toute la période du premier gouvernement, nous discutions, ensemble, mais jamais de politique. La première fois que ce sujet est venu sur le tapis, c’est au lendemain de la constitution du gouvernement de Yahya Ould Ahmed El Waghf. Là, ils m’ont dit, ouvertement, que ce gouvernement ne leur convenait pas. C’est à partir de là que les problèmes ont commencé entre nous et que s’est développée la crise. Ni plus simple, ni plus compliqué que cela. Quant à la décision du limogeage, je l’ai fait, non pas en pesant les risques, je l’ai prise parce que mon devoir me le commandait. J’ai estimé que j’en
étais arrivé à ne plus pouvoir respecter mes engagements, vis-à-vis du
peuple, qu’il fallait, donc, mettre fin à la situation et la seule manière
résidait en ce que je me sépare des généraux. Ou ils acceptaient de partir ou
ils optaient pour un coup d’Etat, et, certes, la probabilité la plus forte
était pour le coup d’Etat. Quant à dire que le décret a été pris nuitamment,
c’est faire preuve de mauvaise foi. Il existe un décret, signé de ma main,
numéroté, qui se trouve dans les archives de la Présidence, s’il n’a pas été
détruit par ceux qui sont venus, après moi. La question qui mérite d’être
posée est de savoir pourquoi on accuse un président de la République, chef
des forces armées, décidant de limoger des généraux, soit accusé de
vouloir faire couler le sang. Pourquoi compliquer le simple ? Pourquoi ne pas
reconnaître que c’est celui qui refuse d’exécuter les ordres de son chef, du
président de la Nation entière, qui prend les risques du bain de sang ? Je viens de vous
exposer les raisons qui m’ont poussé à prendre cette décision. J’ai estimé
qu’à ce moment-là, un certain nombre d’officiers travaillaient, à des degrés
divers, d’ailleurs, à ma déstabilisation, qui a, finalement, fini par
intervenir, le 6 août. Peut-être l’envisageaient- ils autrement, sous forme
de manifestations de rue, de prise de décisions, au sein du Parlement, ou du
recours à l’armée, après avoir constaté que le pays était devenu
ingouvernable et pour répondre à l’appel du peuple… Mais tout cela ne change,
en rien, la réalité des choses : le général Mohamed Ould Abdel Aziz et,
dans une moindre mesure, le général Ghazwani, ne voulaient plus de moi, comme
président de la République, considérant que leur conception des choses et
leur propre situation exigeaient que je ne sois plus là. Vous voyez quel
président de la République, assis avec ses généraux, pour les entendre lui
dire: on vous reproche ceci ou cela? Non, c’était, simplement, qu’ils ne se
sentaient plus en sécurité, avec l’arrivée du gouvernement de Yahya Ould
Ahmed El Waghf. J’ai appris, ça et là, qu’ils ne voulaient pas de certains
partis entrés au gouvernement ; ils craignaient que ceux de leurs
membres, devenus mes proches collaborateurs, m’influencent ; ils se
sont, lourdement, trompés, parce qu’à ce moment-là, j’avais une entière
confiance, en eux. D’abord, mon soutien au
président Messaoud n’est pas que verbal, je vous signale que ma fille
est son porte-parole, elle l’accompagne, partout, c’est un engagement qui use
plus que le verbe. D’autre part, je déploie tout ce qui est en mon pouvoir,
pour que ce candidat gagne, je le fais dans le cadre d’une attitude générale,
que je prends par rapport à ce que je ferais ou ne ferais pas, à l’avenir,
dans mon pays, en tant qu’ancien président de la République. Tout cela fera
que je ne me présenterais, peut-être pas, dans des meetings de campagne,
mais, une fois de plus, le président Messaoud bénéficie de mon entier
soutien. C’est là une
conclusion, hâtive, que vous tirez (rires)… Disons que je ne réponds
pas à votre question. Effectivement, j’entends ça, et je m’en vais vous dire que je ne n’exclus pas cette éventualité. Le coup d’Etat fomenté, il y a quelques mois, a bénéficié de beaucoup d’arguments pour convaincre les Mauritaniens : ça n’a pas marché et le coup a été mis en échec, grâce aux forces démocratiques. Si, aujourd’hui, le général Mohamed Ould Abdel Aziz se hasarde à un autre, il le fera pour des raisons qu’il expliquera, à nouveau, de mille et une manières aux Mauritaniens. Mais je ne doute, pas un seul instant, que ses raisons seront rejetées, avec encore plus de détermination, par les Mauritaniens, désormais avides de démocratie. Propos recueillis, à Lemden, par Ahmed Ould Cheikh, Dalay Lam & Sneiba El Kory Le Calame du lundi 13 juillet 2009...
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Interview Sidi Ould Cheikh Abdallahi
L´AUTHENTIQUE Question : monsieur le Président, commençons d'abord par les médiations et les solutions proposées jusque-là pour résoudre la crise en Mauritanie. La dernière en date est celle du Sénégal. Comment voyez-vous cette initiative ? Sidioca : merci, laissez-moi vous rappeler d'abord les causes de cette crise politique que nous vivons aujourd'hui. La seule raison, c'est le coup d'Etat militaire contre le pouvoir constitutionnelleme nt élu. Il est vrai que plusieurs institutions ont été élues en Mauritanie, mais il est vrai aussi que l'élection du président de la République en 2007 a été suivie par le monde tout entier. Elle s'était déroulée dans la plus grande transparence et les Mauritaniens avaient voté dans une totale liberté et dans le plus grand calme. Ce qui s'est passé par la suite, est un coup d'Etat militaire conduit par une junte hors-la-loi qui a violé la Constitution. L'auteur de ce coup d'Etat, Mohamed Ould Abdel Aziz et la junte qui s'est formée autour de lui avaient décidé de détourner leur putsch vers un processus qui les arrange et qu'ils se sont mis à consolider. Ils ont voulu faire de leur coup d'Etat contre la Constitution un fait accompli irréversible. Mais ce qui est à la fois nouveau et réconfortant, c'est que ce coup a été accueilli avec une large opposition par d'importantes franges de Mauritaniens qui ont décidé de se dresser pour défendre la légalité constitutionnelle et s'opposer au coup d'Etat et à la dictature militaire. Moi, en tant que président élu, je resterai debout avec force et détermination pour faire échouer ce coup d'Etat, car c'est que me dicte le serment que j'avais prononcé le jour de mon investiture et qui m'oblige à défendre la Constitution. Il y a toutes ces forces politiques actives qui se sont regroupées au sein d'une Coordination nationale pour la défense de la démocratie (Cndd), formée de partis politiques du Front national pour la défense de la démocratie (Fndd), des syndicats de travailleurs, d'associations citoyennes qui œuvrent avec détermination, civisme, abnégation et responsabilité pour faire échouer le coup d'Etat et ramener la légalité. Parmi les forces qui appuient cette tendance, figure aussi ce grand parti célèbre qu'est le Rassemblement des forces démocratiques (Rfd), qui s'est lui aussi lancé d'une manière engagée dans la bataille. En définitive, la junte militaire a su que le facteur temps sur lequel elle comptait était plutôt à leur défaveur. Quand vous revoyez les marches organisées par l'opposition, vous saurez que ce que dit Mohamed Ould Abdel Aziz, et sans grande conviction d'ailleurs, est faux, et que les militants de l'opposition ne se réduisent pas à cinq personnes qui courent derrière leurs intérêts personnels. Il est temps que les putschistes trouvent un autre discours, au lieu de continuer à ressasser des contre-vérités, du genre l'opposition est une minorité de personnes attachées à ses intérêts. En ce qui concerne la communauté internationale, son rejet du coup d'Etat et sa condamnation de la situation a toujours été évidente, comme l'a toujours été ses incessants appels pour le retour du pouvoir légal. L'Union africaine a d'ailleurs pris des mesures positives dans ce sens et le groupe de contact sur la Mauritanie a coordonné ses positions. Tous ont convenu qu'une solution consensuelle entre les Mauritaniennes à même d'éviter au pays les sanctions et les conséquences liées au coup d'Etat, doit être la seule priorité qui bénéficiera de l'appui total de la communauté internationale. Dans ce cadre, plusieurs initiatives de sortie de crise ont été annoncées. On peut se suffire ici de la dernière initiative de nos frères du Sénégal avec la participation de l'Union africaine représentée par la Commission africaine et le représentant du président en exercice de l'Union africaine ainsi que des représentants du Secrétariat général de l'ONU. En ce qui me concerne personnellement, je tiens énormément à ce que les Mauritaniens parviennent à une solution juste et rapide qui nous sortirait de la crise. J'ai déjà clairement exprimé mon entière disponibilité à accompagner toute solution consensuelle à laquelle parviendront les acteurs mauritaniens, même s'il faut organiser des élections anticipées J'ai déjà confirmé cette disponibilité dans le cadre de l'initiative avancée par le groupe de contact international pour une solution de sortie de crise consensuelle. Ma position de principe dans la défense de la Constitution est inébranlable et cela conformément au serment que j'avais prêté, comme est inébranlable mon attachement à une solution consensuelle. Je ne serai pas en tout cas un obstacle contre cette solution comme je ne serai pas partie prenante dans toute action qui violerait la Constitution. Question : vos soutiens au sein du Fndd et du Rfd avaient avancé comme conditions à tout dialogue la libération de votre Premier ministre et ses compagnons ainsi que l'arrêt de l'agenda unilatéral. La réponse du général Mohamed Ould Abdel Aziz fut le recul de sa campagne électorale de 24 heures comme signe de bonne volonté. Comment avez-vous considéré cette réponse ? Sidioca : je n'ai pas réellement compris cette initiative de bonne volonté qu'il a annoncée en décidant de reculer sa campagne de 24 heures. Il est notoirement connu que le Front anti-putsch et le Rfd avaient annoncé depuis des mois leur refus total de l'agenda unilatéral des putschistes, comme il est notoirement connu que l'organisation de toute élection dans le cadre de cet agenda unilatéral sera forcément rejetée par le peuple mauritanien et ses forces vives. En définitive, je ne pense pas que cette annonce soit d'une quelconque importance ou enferme un signe d'une quelconque valeur. De là, je pense que le véritable problème posé aujourd'hui à la Mauritanie n'est pas de savoir quand est-ce que la campagne va débuter, dans la mesure où celle-ci fait partie intégrante du coup d'Etat et s'inscrit en dehors de la Constitution. Qui dispose du pouvoir légal pour annoncer le début de la campagne électorale ou l'arrêter ? Qui peut déterminer la légalité de ces élections ou leur illégalité ? C'est la Constitution que Mohamed Ould Abdel Aziz a violé par son coup d'Etat contre la légalité. En définitive, il n'y a aucun sens à parler de suspension ou de report de la campagne électorale si celle-ci fait nécessairement partie du coup d'Etat rejeté par la Constitution et par le peuple mauritanien. Question : il existe actuellement une nouvelle situation appliquée à la fonction présidentielle, fabriquée par le coup d'Etat et on parle de vacance du fauteuil présidentiel comme le prévoit la Constitution. Il s'agit de l'intérim du Président du Sénat. Comment voyez-vous cet intérim de Bâ MBaré et comment analysez-vous les arguments avancés par la Cour constitutionnelle ? Sidioca : il est de notoriété, et cela sans aucune équivoque, que la Constitution mauritanienne a clairement défini les cas de vacance du pouvoir présidentiel : comme le décès du Président de la République, ou son incapacité totale à exercer ses fonctions et la Constitution a aussi bien déterminé les formes dans lesquelles le Président du Sénat doit exercer l'intérim de la présidence. Et je crois sans risque de me tromper que l'intérim de Bâ MBaré ne correspond à aucun des scénarios prévus par la Constitution mauritanienne ; Ce qui s'est passé, c'est que Mohamed Ould Abdel Aziz a utilisé la force, en prenant d'abord la présidence du pays par coup d'Etat, puis après un certain temps, il a décidé de démissionner pour pouvoir se présenter aux élections, mais toutes ces mesures sont tout à fait inutiles, et n'effacent en rien le fait du coup d'Etat. Toutes les mesures constitutionnelles doivent passer sans équivoques par le Chef d'Etat élu et je crois que ceux-là (les membres de la Cour constitutionnelle : NDLR) ne se sont appuyés sur aucune autre explication que celle que leur a ordonné Mohamed Ould Abdel Aziz , qui a toujours usé de la force dans l'exécution de son coup d'Etat. Donc, aucune explication dans la situation actuelle ne peut être reçu valablement. Question : on dit que l'expérience démocratique mauritanienne avait beaucoup gêné les régimes arabes et quelques uns de vos soutiens viennent d'avancer que la position actuelle de la Ligue arabe (favorable au coup d'Etat) est une manifestation de cette gêne. Comment évaluez-vous la position des pays arabes et de la Ligue arabe par rapport à la crise mauritanienne ? Sidioca : il est bien connu que l'expérience démocratique mauritanienne a été fantastique et exceptionnelle, surtout dans un pays pauvre, à cent pour cent musulman et pluriethnique. Trois obstacles que l'on disait défavorables à l'émergence d'une démocratie et que la Mauritanie avait su dépasser. On parlait beaucoup et à outrance de l'incompatibilité d'être à la fois un pays arabe, islamique et démocratique. D'autres avaient assuré que la démocratie et la pauvreté ne pouvaient aller de pair, d'autres encore étaient allés plus loin en parlant de la fragilité de la Mauritanie de par sa composition pluriethnique qui le rendait difficilement gouvernable démocratiquement. Ce que l'expérience démocratique mauritanienne avait prouvé était que le seul support et le seul moyen d'assurer une véritable renaissance en matière de développement politique fort c'est la démocratie et personne n'en doutait. Aussi, l'expérience mauritanienne a été bien accueillie et citée en exemple. Seulement, cette expérience avait ses propres ennemis à l'intérieur. C'est vrai que le véritable artisan de son échec est Mohamed Ould Abdel Aziz, mais ce dernier a trouvé très vite un important appui auprès de tous ceux qui voyaient dans les nouvelles orientations de la politique de l'Etat démocratique que nous avions initiées, des menaces sérieuses contre leurs propres intérêts, tels que les nominations et les nombreux avantages qu'ils pouvaient en tirer à leur profit, à celui de leurs proches et de leurs partisans, toute chose à laquelle ils ne pouvaient postuler dans un régime démocratique basé sur le droit, la justice et le mérite. Certains parmi ces soutiens sont connus. C'est eux que l'on voit toujours autour de n'importe quel régime qui émerge, nonobstant les orientations de ce régime et ses objectifs. En définitive, un coup d'Etat a été perpétré contre les orientations démocratiques et de développement pour faire la place à un nouveau régime prêt à distribuer des prébendes et à protéger certains intérêts. Question : la Ligue arabe a décidé d'envoyer des observateurs aux élections prévues par les militaires mauritaniens le 6 juin 2009. Que pensez-vous de cette décision ? Sidioca : je préfère parler aux pays arabes plus qu'à tout autre. Je crois que les politiques générales des pays arabes sont basées sur le renforcement des relations, la consolidation de la paix et la non ingérence dans les affaires intérieures des pays frères. Beaucoup de pays arabes ont participé au développement de la Mauritanie, à travers le financement d'importants projets et infrastructures de base. Moi personnellement, j'entretiens de bonnes relations avec plusieurs dirigeants arabes, relations dont je suis d'ailleurs fier. Et je crois que la position de ces pays arabes a toujours été favorable au peuple mauritanien, notamment à sa sécurité et à son bien-être. En ce qui concerne la Ligue arabe, en tant qu'institution, elle n'a jamais été durant toute son histoire confrontée à un changement telle que celui survenu en Mauritanie. Mais malgré cela, je pense qu'elle a déployé des efforts, quand elle a accepté de coordonner avec le groupe de contact international, sur certains points. Seulement, beaucoup de Mauritaniens auraient préféré que la Ligue arabe manifeste beaucoup plus d'intransigeance pour défendre la légalité et la démocratie dans le pays. J'ai entendu dire que la Ligue arabe allait envoyer des observateurs assister aux élections que les putschistes allaient organiser. Cette décision me désole et je pense qu'il est nécessaire que les responsables de la Ligue se posent des questions, avant d'envoyer leurs observateurs. Ils doivent se demander "au profit de qui sont organisées ces élections ? Est-ce que ces élections vont mettre fin à la crise politique que vit le pays ? " Ce qui est sûr, c'est que ces élections ne feront que compliquer davantage la crise politique et ne contribueront nullement à sa résolution. Ainsi, j'aurai voulu que la Ligue arabe renonce à son initiative et s'abstienne à envoyer des observateurs. Question : l'équipe qui vous soutient a annoncé qu'elle va faire échouer ces élections. Avez-vous un plan d'action pour cela ? Sidioca : j'ai déjà déclaré que je ne suis pas partie prenante dans les rencontres annoncées et les négociations en cours. Je confirme mon souhait de voir l'ensemble des acteurs politiques mauritaniens parvenir à une solution consensuelle et j'ai soutenu que dès que cette solution sera dégagée de concert entre eux, je ne serais pas un obstacle pour son application. Comme je l'ai également dit auparavant, je suis déterminé à faire échouer le coup d'Etat et je pense que les élections envisagées ne diffèrent pas de toutes les mesures déjà prises par la junte militaire qui s'est mise hors de la Constitution et de la loi. En définitive, mon combat se poursuit avec la volonté d'Allah. Question : vous bénéficiez du soutien et de l'appui des Etats-Unis d'Amérique, position que vos adversaires utilisent à souhait pour vous accuser d'avoir reçu des fonds de Washington. Que répondez-vous à ces accusations ? Sidioca : les Etats-Unis d'Amérique ont déjà exprimé une position de principe claire par rapport à ce coup d'Etat contre la démocratie et ils continuent d'exprimer la même position. Pour ma part, j'évalue à sa valeur cette position des USA par rapport à cette situation ainsi que les mesures qu'ils ont déjà prises dans ce sens. En ce qui concerne les accusations et les propagandes véhiculées par les putschistes, elles sont arrivées à un tel niveau qu'elles ne méritent même pas une réponse. Question : on vous a accusé dans la gestion du dossier du passif humanitaire, un dossier dans lequel les autorités militaires au pouvoir ont apporté des réponses. Comment voyez-vous ces réponses ? Sidioca : nous nous sommes investis dans un projet de réconciliation nationale et nous avons enregistré de grandes avancées dans la résolution du passif humanitaire. Les putschistes, en particulier Mohamed Ould Abdel Aziz, n'étaient pas à l'aise face à ce projet. Ils ont d'ailleurs étaient très mécontents du discours que j'avais prononcé en fin juillet et dans lequel j'avais déclaré mon intention de régler le passif humanitaire et de ressouder l'unité nationale. Question : vous ont-ils exprimé leur mécontentement ? Sidioca : je vous affirme qu'ils étaient très mécontents du projet. Mais je pense avoir réussi, grâce à la volonté d'Allah, dans la mise en branle de ce projet d'unification nationale. La preuve est que le projet était parvenu à un stade tel que les putschistes n'avaient d'autres choix que de le poursuivre, malgré leurs propagandes, sur les aspects qu'ils pouvaient régler. Mon espoir est que les efforts se poursuivent dans ce sens, car il s'agit d'un projet tendant à consolider l'unité nationale et il mérite de réussir. Question : comment appréciez-vous la situation économique du pays, en terme de comparaison entre son niveau sous votre régime et son niveau après le coup d'Etat ? Sidioca : je ne suis pas tranquille par rapport à la situation économique du pays surtout sous le règne de la junte militaire et ses méthodes de gestion. Je pense que la Mauritanie se dirige vers un avenir difficile au milieu de toutes ces mesures. Le pays a besoin de politiques de gestion sages, de relations internationales larges capables de lui apporter des flux d'investissement pour son développement. Et c'est pour ces objectifs que je m'étais déployé dans le passé. Nous avions soumis un programme d'action claire qui avait convaincu les bailleurs au-delà de nos requêtes. Nous avions franchi des pas importants sur la voie du développement et nous n'en avions jamais fait objet de propagandes médiatiques comme cela se passe ces jours-ci. Sur le plan des investissements privés, nous avions ouverts les portes devant les investisseurs et nous allions recevoir d'importants financements de la part des Etats-Unis d'Amérique dans le cadre du programme d'appui aux pays démocratiques en Afrique. Nous avions posé les jalons d'un véritable développement avant que le coup d'Etat ne vienne mettre fin à tout cela. Et au lieu d'initier des politiques de développement conséquents, Mohamed Ould Abdel Aziz s'est lancé dans une campagne de propagande non réfléchie, à l'instar de ce qu'on appelle en milieu bédouin "un feu de paille ", à l'image de ce feu qui brûle les brindilles sans toucher le bois et qui en définitive s'éteint sans satisfaire le but recherché. Voir Page suivante Aujourd'hui je crains que les Mauritaniens ne se rendent compte dans les mois à venir que leurs conditions économiques, sociales et de développement se dégradent d'une façon dangereuse et rapide, sans que miroite à l'horizon un quelconque espoir de contrer cette dégradation et sans que l'Etat ne soit capable d'y mettre fin. Question : les autorités militaires au pouvoir mènent une lutte contre la gabegie et c'est dans ce cadre qu'auraient été arrêtés votre Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf et quelques uns de ses amis. Parallèlement, on soutient que votre régime a été très favorable à la gabegie. Que répondez-vous à ces accusations ? Sidioca : vous pouvez remarquer très aisément que toutes les accusations et critiques qui me sont adressées et qui sont adressées à la période durant laquelle j'ai dirigé le pays, sont vides et ne sont sous-tendues par aucun chiffre ni aucun indice qui pourrait constituer une base solide pour étayer ces fausses accusations. Je pense qu'une étude objective de la période durant laquelle j'étais au pouvoir prouve au contraire un recul drastique des pratiques qu'on pourrait appeler de mauvaise gestion, une culture ancrée depuis plusieurs décennies dans l'administration mauritanienne. Comme exemple, vous pouvez jeter un regard sur le Programme spécial d'intervention (Psi) qui était un exemple de gestion paritaire entre l'administration centrale et l'administration territoriale. Ce programme s'était étendu sur tout le pays et a bénéficié aux populations les plus éloignées avec transparence. Les ressources de l'Etat s'étaient améliorées grâces à la fiscalité douanière au cours de cette période, demande a été faite de payer toutes les créances de l'Etat, avec délimitation du nombre de mois pour payer les factures dues sur les marchés contractés par les établissements publics, que les créanciers soient publics ou privés. Avec tout cela, j'entends beaucoup de propagandes, comme par exemple celles qui soutiennent que les forces de défense de la démocratie sont des groupes de prévaricateurs. Paradoxalement, les trois partis qui composent le Fndd (UFP, Tawassoul et APP) n'ont jamais géré le pays à aucun moment de son histoire. Cela, sans compter quelques anciens membres de l'ex-Prds qui sont accusés de symboles de la gabegie. Quiconque jette par contre un regard sur les soutiens et les partisans de Mohamed Ould Abdel Aziz, remarquera d'une façon claire et sans équivoque, qu'ils sont composés de plusieurs pans de ce que les Mauritaniens appellent les vrais symboles de la gabegie. Vous pouvez remarquer aussi que le discours politique et social des putschistes ne tourne qu'autour d'un seul point relatif à la propagande populiste et les attaques qui me visent ou qui visent les partisans de la légalité. Vous ne pouvez découvrir aucun programme de développement clair dans ce discours. Plus que cela, ces gens cherchent à bluffer le peuple mauritanien et à le tromper en soutenant que "la Mauritanie est un pays riche ", un terme qui est utilisé uniquement pour tromper sans plus. La Mauritanie est un pays qui peut être riche si on allie politique de bonne gouvernance, effort et travail réfléchi. Vous rappelez-vous lors d'une rencontre publique quand j'expliquai aux populations quelques importantes réalités sur l'économique du pays. Quelqu'un m'avait demandé quand est-ce que le problème de l'eau allait-il être réglé pour les habitants de Nouakchott ? J'avais répondu que ce problème sera réglé dans trois années d'une manière définitive…Car je savais que le projet Aftout Saheli allait s'achever à cette période et que toute autre solution ne serait que partielle et momentanée. Un grand tollé a alors été soulevé par ceux-là qui sont toujours habitués à tromper les citoyens. Selon eux, je devais dire que tous les problèmes allaient se régler dans quelques jours. Contrairement au cheminement simple qui veut que les problèmes se règlent selon l'appréhension que l'on se fait de ses difficultés avant de mettre en place les plans pour son exécution, les putschistes se sont lancés dans de la propagande et la tromperie en adoptant un discours unique, sur lequel on ne peut concevoir l'édification d'un Etat, ni contribuer à sa stabilité et à son développement. Question : vous vous rappelez sans doute de quelques positions qui vous ont marqué de la part de vos anciens partisans qui se sont retournés aujourd'hui contre vous. Est-ce que leur volte-face vous a marqué ? Sidioca : en réalité, ce n'est pas ça l'ainée de mes soucis. Je pense qu'il est plutôt mieux de connaître d'abord la nature de l'esprit humain, de savoir ce qui peut l'influencer et de pouvoir l'orienter, de connaître les forces et les mécanismes qui peuvent le propulser vers le meilleur, et non pas si Amr ou Zaid a pris la position qu'il fallait ou pas. Question : quel est votre programme quotidien dans votre retraite ici à Lemden, votre village natal ? Sidioca : hormis les devoirs que me dictent mes fonctions et auxquels m'astreint la Constitution, le pays ou le lieu qui m'est le plus cher au monde est mon village Lemden. Je vis une existence normale chez moi…Là, pas loin de moi, se dresse la mosquée de mon village…Je remercie Allah de pouvoir y faire toutes mes prières au milieu des gens. Je poursuis mes contacts normaux avec les présidents et les dirigeants du monde, avec mon équipe politique d'appui. Je lis des rapports périodiques qui me parviennent et je suis la situation générale du pays presque du jour au jour et je fais tout pour participer aux solutions aux problèmes qui se posent ou qui pourraient se poser. Question : un dernier mot ? Sidioca : je félicite le peuple mauritanien pour son intransigeance, son courage et son sacrifice pour le droit, la démocratie et la liberté, pour sa détermination à faire échouer le coup d'Etat. Le peuple mauritanien a montré son éveil et sa maturité. Il a démontré qu'on ne peut pas le détourner de ses décisions ni de sa volonté, face à une junte qui dirige par la force et qui cherche à détruire l'espoir du peuple et sa soif de démocratie.
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Entretien avec… Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, président-déchu de la Mauritanie : ‘ Je n’ai pas été surpris par le putsch du 6 août ’
Wal Fadjri :
Quels sont aujourd’hui M. le président les sentiments qui vous animent, trois
jours après la levée de votre assignation en résidence surveillée. ? Le 29/12/08 Source : Walfadjri (Sénégal)
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Interview du Président de la République avec Jeune Afrique
c’est aussi plus simple pour eux. Il ne
faut pas chercher plus loin. |