«L’existence d’un Etat de droit est une garantie contre
l’oppression des individus par
l’Etat "
Dans le cadre de la célébration de La quinzaine des
Droits de l’homme en Mauritanie, le Professeur Bruno Aguilera
Barchet, un spécialiste du Droit et par ailleurs directeur de The
Institute of International Legal Studies (en Espagne), a animé
ce dimanche 15 décembre, au Centre Culturel Français de Nouakchott,
une conférence intitulée «dignité et justice pour tous », thème retenu par l’Organisation
des Nations Unies à l’occasion de la célébration du soixantième
anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Dans
l’interview suivante qu’il nous a accordée, il revient sur le rôle et
l’importance des droits de l’Homme. Entretien.
Le Rénovateur Quotidien
: Peut-on faire respecter le principe de la dignité humaine face à un pouvoir
qui viole allègrement les droits de l’Homme ?
Bruno Aguilera Barchet : Si les droits de l’homme existent, c’est pour
que les Etats les respectent. C’est pour aussi que ces Etats soient des Etats
de droit. Le problème, c’est que parfois, il y a des Etats qui ne respectent
pas les Droits de l’Homme.
Et, c’est pour
cela qu’on établit des contrôles qui sont supérieurs aux Etats pour maintenir
ces équilibres et veiller au respect des Droits de l’Homme.
Le
Rénovateur Quotidien : Quel doit être le rôle de l’Etat dans la protection des
droits de l’homme et notamment dans la promotion de la justice et de la dignité
?
Bruno Aguilera Barchet : Un Etat de droit cela veut dire Etat qui
respecte le droit. Donc, si un Etat souscrit à la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme, il doit la respecter. C’est cela un Etat de droit. Dans le
cas où il n’y a pas un Etat de droit, dans le principe, c’est un Etat
illégitime.
Le
Rénovateur Quotidien : Est-ce que, aujourd’hui, on peut rêver de justice et de
dignité pour tous ? D’ailleurs, le thème qui a été retenu par l’ONU porte sur
ces idéaux.
Bruno Aguilera Barchet : Bien sûr ! Non seulement on peut rêver mais il
faut lutter pour conquérir chaque jour notre dignité et réclamer une justice
pour tous. C’est une lutte en permanence puisque les individus qui détiennent
le pouvoir ont une tendance à s’imposer sur les autres. Et, le droit est la
limite qu’ils ne peuvent pas transgresser et de ce point de vue-là, l’existence
d’un Etat de droit est toujours une garantie contre l’oppression des individus
par l’Etat.
Le
Rénovateur Quotidien : Y a-t-il des moyens légaux pour contraindre les Etats
qui ne respectent pas ou qui violent les droits de l’homme ?
Bruno Aguilera Barchet : C’est difficile. On est en train de voir
comment y arriver parce qu’un Etat, en principe, a quand même une autonomie sur
l’ensemble de son territoire. Mais, il commence à y avoir le principe des Cours
internationales (la Cour internationale de La Haye, la Cour des Droits
de l’Homme de Strasbourg…).
Il y a le projet splendide de la Cour africaine des Droits de l’Homme. Nous
espérons bien qu’elle commencera à fonctionner et qu’elle donnera une
protection plus ample aux droits de l’Homme. Oui, il y a un chemin qui est en
train d’être parcouru.
Ce n’est pas un chemin facile puisque les gouvernements ne sont toujours pas
trop disposés à faire face aux obstacles pour justement limiter et respecter
les libertés en faveur des individus.
Le
Rénovateur Quotidien : Malgré cet effort, on constate qu’on bafoue de plus en
plus la dignité humaine. Y a-t-il un remède contre cela ?
Bruno Aguilera Barchet : On ne respecte pas les droits de l’Homme parce que les
hommes ne sont pas naturellement tous bons. Lorsqu’un homme a du pouvoir, il en
abuse parfois. C’est pour cela, il y a le principe de la division des pouvoirs.
C’est pour cela qu’il y a des élections et des mécanismes pour corriger ces
excès qui sont humains.
Ceci dit, le fait que ces mécanismes existent, que les lois soient écrites ou
enseignées à l’Université, que les gens connaissent leurs droits, qu’il y ait
diffusion des droits et mécanismes à utiliser pour les faire respecter, c’est
une chose tout à fait positive qui nous permet, justement, de savoir quand
est-ce qu’un droit est violé ou pas.
Le
Rénovateur Quotidien : Cela fait trois ans que vous venez en Mauritanie.
Comment voyez-vous l’avenir de ce pays, en termes de respect des droits de
l’Homme ?
Bruno Aguilera Barchet : J’aime beaucoup ce pays. Je trouve que les
mauritaniens sont des gens très articulés dans leurs pensées. Ils ont des
opinions très définies. Ils sont des gens calmes et, en même temps, ils veulent
se faire respecter. De ce point de vue-là, je ne suis pas pessimiste. Ce qui
est arrivé à la Mauritanie (le coup d’Etat du 6 août 2008, Ndlr), c’est
un incident de parcours. Mais, ça va se résoudre plus vite qu’on ne le pense.
Propos recueillis par
Babacar Baye Ndiay
Le 15/12/2008
Source : Le Rénovateur Quotidien (Mauritanie)
|