Discours de démission du Président de la
République
Au nom
d’Allah, le Clément, le Miséricordieux, dont j’implore le Salut pour Son noble
Prophète..
Citoyens, Citoyennes,
Il y a de cela deux ans, vous
vous en souvenez sans doute, j’ai accepté de me porter candidat à l’élection
présidentielle de 2007, élection à l’issue de laquelle vous m’avez accordé votre
inestimable confiance et conféré l’insigne honneur d’être, dans notre pays, le
premier président civil porté au pouvoir au terme d’élections pluralistes
honnêtes. Aucun d’entre vous n’ignore la nature des obstacles qui m’ont empêché,
après une courte période, d’exercer mes fonctions et qui ont par ailleurs plongé
le pays dans une crise institutionnelle dont mon souhait le plus ardent est que
tous, nous conjuguions nos efforts pour y mettre fin dans la paix et la
concorde.
Dès l’abord, je voudrais, puisqu’existe maintenant un nouvel
espoir allant dans le sens de ce souhait, exprimer ma profonde reconnaissance à
tous ceux qui nous ont aidé, avec sincérité et dévouement, en vue de sortir le
pays de la crise qui l’affectait.
Cette reconnaissance, permettez-moi de
l’exprimer de manière toute particulière à mon frère Maître Abdoulaye Wade,
Président de la République du Sénégal, qui, par son engagement inlassable, a
illustré de manière exemplaire sa conception des devoirs qu’implique le bon
voisinage ; tout comme il a traduit en actes sa profonde conviction de
l’interdépendance des intérêts de nos deux peuples frères, ainsi que sa
conscience des dangers que fait courir la crise mauritanienne au Sénégal
lui-même et à notre région toute entière.
Ma reconnaissance va aussi à
l’Union Africaine qui, depuis le premier jour, a pris fait et cause en faveur de
la légalité constitutionnelle et contribué efficacement à la recherche de
solutions appropriées à la crise mauritanienne.
Il va sans dire que ma
reconnaissance s’exprime aussi vis-à-vis des pays amis membres permanents du
Conseil de Sécurité de l’ONU, ainsi qu’à ceux membres non permanents de ce même
Conseil.
Cette reconnaissance je l’exprime enfin à l’ensemble des
organisations membres du Groupe de Contact International : la Ligue des Etats
Arabes, l’Organisation de la Conférence Islamique, l’Union Européenne,
l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’Organisation des Nations
Unies, ainsi qu’à tous ceux qui ont partagé avec les uns ou les autres leur
combat pour la défense de la légalité constitutionnelle en Mauritanie et leurs
efforts pour le retour de notre pays à un ordre institutionnel
normal.
Citoyens, Citoyennes,
Je n’ai nulle intention, pour
quelque raison que ce soit, et à fortiori dans le contexte qui est le nôtre
aujourd’hui, de m’adonner à des polémiques stériles. Aussi, m’abstiendrai- je de
tout commentaire relativement à la période d’exception qu’a connu le pays depuis
le mois d’Août dernier. A vous et à l’Histoire d’en juger. Car les évènements
que vous avez alors vécus comportent sans doute en eux-mêmes des réponses
suffisantes pour votre édification.
Il reste que l’opportunité qui
s’offre à moi, pour la première fois depuis des mois, de m’adresser à vous par
le biais des medias officiels, me donne l’occasion de souscrire à un droit qui
est le vôtre et de m’acquitter d’un devoir qui est le mien ; celui de répondre
aux interrogations explicites ou sous-entendues induites par les évènements que
vous avez vécu ces derniers temps, ainsi qu’aux accusations et calomnies dont
vous avez été abreuvés jour et nuit dix mois durant, avec pour effet de semer
dans vos esprits le doute et la perplexité sur le bien-fondé du choix que vous
avez librement opéré en 2007.
Sans vouloir vous présenter un bilan, il
me revient de vous affirmer en toute honnêteté et en toute modestie que les
quinze mois pendant lesquels j’ai exercé le mandat que vous m’avez confié, ont
été l’occasion d’une intense activité. Au cours de cette période, nous nous
sommes attachés à mettre en pratique les valeurs islamiques, fondées sur le sens
de la mesure et la pondération et à conforter l’enracinement de notre jeune
démocratie.
Ainsi, ces quelques mois ont été un printemps de la liberté
: aucun citoyen n’a été inquiété suite à l’expression de son opinion ou de son
choix politique ; aucune publication n’a été saisie ou censurée ; par contre
l’accès aux medias publics a été consenti à chacun et il a été mis
définitivement fin à l’utilisation de ces medias comme instrument exclusivement
affecté à l’encensement du pouvoir en place.
Au cours de cette période,
j’ai personnellement veillé à ce qu’aucune immixtion de ma part ou de la part du
pouvoir exécutif ne vienne entraver l’activité du pouvoir législatif ou du
pouvoir judiciaire ; le parlement a connu une activité sans précédent dans son
histoire, totalisant plus de huit mois de session sur la période.
Sur un
autre plan, nous avons donné à l’opposition démocratique la pleine effectivité
de son rôle, instituant la concertation sur les problèmes nationaux majeurs
comme méthode constante dans nos rapports avec elle, comme d’ailleurs avec
toutes les composantes de la scène politique et sociale.
Ont été
promulguées par ailleurs les lois créant pour la première fois dans le pays une
Haute Cour de Justice habilitée à juger le Président de la République en cas de
haute trahison, ainsi que les membres du gouvernement lorsque ceux-ci
contreviennent aux devoirs liés à leur charge.
Toutes ces mesures
visaient à jeter les bases de l’état de droit et à promouvoir une culture de
dialogue propre à mettre fin à l’autoritarisme et à l’abus de
pouvoir.
Dans le souci de bâtir un socle solide de valeurs morales et de
principes déontologiques sur lesquels se fondent notre système administratif et
notre conception du service public, nous avons promulgué une loi qui, pour la
première fois dans le pays, fait obligation aux hauts responsables de l’Etat de
déclarer leur patrimoine au moment de leur entrée en fonction et de renouveler
périodiquement cette déclaration tout au long de l’exercice de cette
fonction.
S’agissant du renforcement de l’unité nationale et de la
promotion de l’émancipation sociale, gages d’une mobilisation totale des
potentialités de notre peuple en vue du développement, vous avez tous été
témoins des grandes initiatives développées dans ce sens : criminalisation des
pratiques esclavagistes, organisation du rapatriement volontaire de nos
concitoyens déportés. Tout comme vous avez été témoins du rôle important et
largement justifié qui a été, pour la première fois dans l’histoire, dévolu à la
femme mauritanienne dans le domaine politique, diplomatique et
administratif.
Quant à l’expérience démocratique conduite dans le pays,
elle a joué un rôle d’une importance extrême dans l’émergence d’une classe
politique nouvelle, soucieuse du bien public, attachée aux acquis démocratiques,
disposée à tous les sacrifices au service de la patrie et, dans le même temps,
imbue des valeurs du dialogue et de la compréhension.
Face aux dures
conditions de vie qui affectaient nos populations, nous avons pris une décision
symbolique par laquelle le Président de la République, les membres du
gouvernement et assimilés ont volontairement renoncé à vingt cinq pour cent de
leurs émoluments. Dans le même temps et face à la hausse mondiale des prix, nous
avons mis en place un plan d’intervention d’urgence en faveur des populations ;
plan dont la conception, l’exécution, le suivi et l’évaluation se sont fondés
sur une approche participative dont l’exemplarité a été saluée par les
institutions spécialisées et considérée par elles comme un modèle à suivre par
les pays vivant des conditions similaires aux nôtres.
Plus important que
tout cela, nous avons créé les bases que nous avons voulues solides, nécessaires
à une nouvelle et forte croissance économique dont les résultats attendus,
devaient se traduire par une accélération de l’activité économique,
l’augmentation de la production, le renforcement des infrastructures de base, le
développement du secteur des activités de service, l’encouragement à
l’investissement privé et la promotion de l’emploi en vue d’assurer des
conditions de vie décentes à nos populations.
Le plan d’action conçu en
vue d’atteindre ces objectifs a bénéficié d’un accueil favorable auprès de nos
partenaires au développement qui ont manifesté leur appréciation positive des
programmes et projets qui en découlent.
C’est ainsi qu’ils nous ont
consenti à l’occasion de la réunion à Paris en décembre 2007 du Groupe
Consultatif sur la Mauritanie, une aide supérieure et de loin à toutes nos
attentes (près de trois milliards de dollars, et plus aides supplémentaires
dont, par exemple, plusieurs centaines de millions octroyés à titre de don par
les Etats-Unis d’Amérique). Aide à laquelle devaient s’ajouter par la suite
d’autres engagements financiers importants, notamment et à titre d’exemple, un
don de plusieurs centaines de millions de dollars qui allait être octroyé par
les Etats-Unis d’Amérique au titre du Millenium Challenge Account.
De
leur côté, les organismes islamiques et arabes de financement ont favorablement
répondu à notre appel pour le financement de notre plan visant à réaliser
l’autosuffisance céréalière à l’horizon 2012.
Durant la courte période
pendant laquelle j’ai pu exercer mon mandat, nombre de projets importants ont vu
le jour, dont certains qui se trouvaient soit handicapés, soit simplement gelés.
Au cours des quelques mois écoulés, nos populations ont pu cueillir les fruits
de ces projets dont l’honnêteté m’oblige à reconnaître que certains ont vu le
jour bien avant le changement démocratique intervenu en 2007.
Quant aux
plans et projets que nous avons initiés, nos populations auraient commencé à en
récolter les fruits dans deux à trois ans, ce qui devait progressivement, mais
de manière rapide et effective, introduire des changements qualitatifs
importants dans la vie quotidienne de tous les mauritaniens. Au cours de
cette période, nous nous sommes employés au renforcement de nos relations avec
les pays frères et amis, tant au plan régional qu’au plan international ainsi
qu’au renforcement de la présence et du rôle de notre pays sur la scène
internationale, condition indispensable à la promotion de notre démocratie et à
notre développement.
Force est de reconnaitre cependant que, malgré notre
optimisme face à un avenir qui se profilait sous les meilleurs auspices, et
malgré le sérieux des efforts déployés afin que se réalisent nos espoirs et se
traduisent dans la réalité vécue nos ambitions, force est de reconnaître,
dis-je, que nous nous sommes trouvés confrontés à nombre de difficultés. De
celles-ci certaines sont imputables à la crise qui a frappé avec force la
totalité des pays du monde consécutivement à la hausse vertigineuse du prix des
hydrocarbures et des denrées alimentaires. D’autres, par contre, relevaient de
l’ordre normal des choses tant il est rare que se trouve exemptée de ce genre de
difficultés une expérience toute nouvelle et qui requiert le temps et l’effort
nécessaires à l’adaptation ainsi qu’un seuil minimum de sollicitude et de
compréhension.
Malgré cela, je ne revendique l’infaillibilité , ni pour
moi-même ni pour ceux qui ont travaillé avec moi, car toute œuvre humaine est
sujette à l’imperfection.
Je puis affirmer, cependant, que j’avais la
volonté sincère et les dispositions d’esprit indiquées pour tenter d’éviter
l’erreur et pour traiter et corriger celle-ci au cas où elle venait à se
produire.
Citoyens, Citoyennes,
Durant la période où j’ai exercé
le pouvoir, certains cadres et certains citoyens, soucieux de mon intérêt et
bienveillants à mon égard, ont tenté de me convaincre que la politique et la
morale sont deux rivales inconciliables. C’est là une croyance partagée par
beaucoup mais à laquelle, pour ma part, je n’ai jamais adhéré et le fait d’avoir
emporté votre adhésion ne pouvait me conduire à changer de position à cet égard
et à devenir, par ce fait, une personne autre que la personne que vous avez
élue.
C’est donc avec une ferme détermination que j’ai banni le mensonge
de ma conduite en politique ; m’interdisant de recourir aux promesses
mirifiques, je me suis par contre astreint à mener un travail sérieux avec pour
objectif de réaliser le possible et non de promettre
l’irréalisable.
C’est ainsi que j’ai cherché à ouvrir des chantiers
prometteurs pour l’avenir plutôt qu’à me dérober derrière les engagements et les
espoirs utopiques et à m’adonner à l’achat des consciences et à la conquête des
soutiens à travers les pratiques notoirement connues.
Je savais bien
qu’une telle conduite présentait des inconvénients, mais j’avais la ferme
intention de m’y tenir, afin de prouver à ceux qui en doutaient que telle est la
meilleure voie ; afin aussi que nos concitoyens puissent bénéficier des
bienfaits d’un style de comportement qu’ils ignoraient peut-être ou auquel ils
n’étaient pas suffisamment habitués par le passé.
Puis lorsque j’ai pris
conscience des embûches que certains dressaient sur le chemin du changement
pacifique et profond auquel je me suis engagé devant vous, j’ai privilégié la
concertation à laquelle je suis attaché comme moyen pour contourner les
difficultés. Ma surprise a été grande, alors même que ma méthode commençait à
porter ses fruits, lorsque j’ai découvert que le péril s’est aggravé, attisé
qu’il se trouvait du côté auquel je m’attendais le moins.
J’ai mesuré
alors en conscience l’extrême gravité du danger qui risquait d’affecter le pays,
si je n’assumais pas la plénitude de mes responsabilité s constitutionnelles, au
cas où, chez d’autres, le sens du devoir républicain ne prévalait pas sur toute
autre considération. Me refusant à emprunter les chemins du déshonneur pour
réaliser les objectifs de l’honneur, et face à l’imminence du danger, je n’avais
plus d’autre choix que l’utilisation des moyens que m’offre la Constitution pour
prendre, forcé et contraint, la décision que les circonstances
m’imposaient.
Ce faisant, je n’ignorais nullement les dangers divers que
ce choix impliquait. De ces dangers, les moindres étaient sans doute la perte de
la position que vous m’avez conférée et que j’ai perçu comme une opportunité qui
m’est donnée pour vous servir ; puis le prix en terme de liberté et d’honneur
que j’aurais sans doute à payer moi-même ainsi que d’autres parmi ceux qui, à
mes côtés, servaient leur pays avec sérieux et dévouement. Mais je savais aussi
que la Mauritanie allait pâtir d’une situation anticonstitutionnel le, avec tout
ce que cela implique comme dommages pour notre peuple et pour notre
pays.
Mais j’étais convaincu que mon choix, quelque pénible qu’il puisse
avoir été, impliquait moins de dommages que tout autre et que ses conséquences
s’avéreraient, en fin de compte, bénéfiques pour la Patrie.
Du reste,
j’ai pris l’initiative au mois de Janvier dernier, de proposer une solution
propre à sortir le pays de l’impasse dans laquelle il se trouve empêtré depuis
le mois d’Août 2008 ; j’ai fait du consensus national et du retour à l’ordre
constitutionnel la pierre angulaire d’une telle proposition. En m’adressant
aujourd’hui à vous je ne puis que remercier Allah le Tout Puissant pour nous
avoir inspiré à tous de travailler ensemble partant d’une telle
vision.
Citoyens, Citoyennes,
Je voudrais profiter de cette
occasion pour exprimer mes remerciements à chacun d’entre vous ainsi qu’à ceux
qui ont assumé la charge de vos aspirations à la stabilité, au développement et
à la démocratie depuis l’indépendance et plus particulièrement depuis l’année
2007 ;
A tous ceux qui ont œuvré sincèrement pour réaliser le changement
démocratique pacifique ;
A tous ceux qui m’ont aidé avec dévouement et
quinze mois durant, à réaliser les rêves des mauritaniens de bâtir l’état de
droit, l’état moral où chaque mauritanien bénéficie des bienfaits de l’équité,
de la prospérité, des valeurs démocratiques et de l’égalité des chances
;
Au Premier Ministre, Monsieur Yahya Ould Ahmed El Waqf et à ses
compagnons, à tous ceux qui ont vécu les affres de la prison pour avoir défendu
la vérité et être restés fidèles à leurs principes ;
Au Président de
l’Assemblée Nationale, Monsieur Messaoud Ould Boulkheir, dont la position
particulièrement honorable par rapport au rejet du coup d’état et au retour à
l’ordre constitutionnel, a été à la hauteur de ses responsabilité s
constitutionnelles ; Au Président du Conseil Economique et Social, Monsieur
Ahmed Ould Sidi Baba, qui s’est tant sacrifié pour le retour à l’ordre
constitutionnel ;
Aux membres du gouvernement légitime et aux
parlementaires qui ont tant lutté pour la défense des intérêts supérieurs de la
nation ;
Aux élus, aux partis politiques, aux centrales syndicales, aux
organisations de la société civile, à nos cadres et à nos intellectuels à
l’extérieur pour le rôle éminent qu’ils jouent pour la défense de la démocratie
et de la légalité dans notre pays ;
A tous les militants sincères qui ont
assumé sacrifice après sacrifice pour préserver notre expérience démocratique et
pour que la Mauritanie recouvre sa stabilité politique, sa légalité
constitutionnelle et poursuive sa marche vers le développement ;
A tous,
j’adresse mes remerciements et leur dis que leurs efforts ne seront jamais
déployés en pure perte et que, si Dieu le veut, aucune goutte de leur sueur
versée au service de la Patrie n’aura coulé en vain.
A tous les pôles de
la scène politique qui ont exercé leur droit légitime à la diversité des
opinions, mais qui, prenant conscience de leur devoir, ont assumé leur
responsabilité et se sont consensuellement retrouvés pour préserver le pays du
danger imminent qui le guettait, j’adresse également des félicitations amplement
méritées.
J’en appelle à tous afin qu’ils contribuent dans la sincérité à
préserver l’accord auquel ils sont parvenus. Je les invite à aller de l’avant
pour bâtir une Mauritanie véritablement nouvelle, une Mauritanie d’où sont
bannies l’exclusion et la marginalisation ; une Mauritanie édifiée sur les bases
du sacrifice, de l’abnégation, du travail productif, de la compréhension et du
respect de l’autre, loin de toute inimité et de tout déchirement, loin de toute
usurpation ou spoliation, loin des insultes et des injures.
A tous mes
concitoyens, vous, hommes et femmes, qui êtes la richesse de ce pays, vous,
personnes âgées, qui êtes le conservatoire de notre sagesse, vous, jeunes et
enfants qui incarnez l’espoir et serez en charge de l’avenir de notre Nation, je
voudrais dire ceci : Dieu m’en est témoin, j’ai assumé avec foi la
responsabilité de votre destin et essayé, autant que j’ai pu, de me mettre à
votre service. Mon espoir le plus cher aujourd’hui est que se réalisent pour
vous, comme pour les générations futures de Mauritanie, les grandes ambitions
qui nous avaient réunis hier et pour la réalisation desquelles vous m’aviez
confié la charge de diriger le pays.
A ceux qui m’ont fait grief de ne
pas leur avoir servi au bout d’une seule année, les fruits d’un travail de cinq
ans, je dirai : pour ma part, je ne vous ferai pas grief de votre impatience,
mais je vous demande d’accorder à ceux que vous choisirez à l’avenir pour
diriger le pays, le temps de travail qui leur est imparti par la Constitution et
par les électeurs. Ne faites pas perdre à votre pays davantage d’opportunités
pour la construction et l’investissement.
A ceux que les circonstances
exceptionnelles vécues par le pays ont amené à porter atteinte à ma personne ou,
à cause de ma personne, à d’autres autour de moi et ont fait de moi, de ceux qui
sont avec moi ou autour de moi la cible d’accusations dénuées de toute preuve et
de tout fondement, nous imputant jusqu’à l’excès des faits dont nous sommes
totalement innocents, à ceux-là je m’adresse en reprenant les paroles du
prophète Youssouf (PSL) : « Aucun reproche ne vous sera fait aujourd’hui.
Qu’Allah vous pardonne. Il est le plus Clément des cléments ». (s. 12, v.
92).
Croyez-le, je partirai comme je suis venu, le cœur pur de toute
haine vis-à-vis de qui que ce soit et en souhaitant tout le bien possible pour
chacun.
Quant aux amis de la Mauritanie et à nos partenaires au
développement, je voudrais leur dire à tous : merci pour avoir un jour
unanimement appuyé la jeune expérience démocratique mauritanienne dont vous avez
été les témoins en 2007 ; merci pour vous être un jour unanimement mobilisés
pour défendre la démocratie et la légalité constitutionnelle ; merci pour avoir
un jour contribué avec tous les acteurs de la vie politique nationale à la mise
au point d’une solution consensuelle et conforme à la Constitution propre à
sortir pacifiquement le pays de la crise ; merci enfin pour l’appui que vous
avez apporté par le passé à la Mauritanie, la Mauritanie qui a besoin
aujourd’hui d’un surcroit d’aide pour conforter sa démocratie et assurer sa
stabilité et son développement.
Citoyens, Citoyennes,
Merci encore
une fois pour m’avoir manifesté votre confiance et pour m’avoir accordé
l’insigne honneur d’être le premier Président mauritanien à accéder au pouvoir
de l’extérieur de ce pouvoir à l’issue d’élections pluralistes
transparentes.
Merci à vous pour m’avoir accordé à moi-même comme au pays
votre soutien pendant cette période difficile.
Faciliter le retour de la
Mauritanie sur le chemin de la démocratie, du développement et de la cohésion
sociale en étant le premier président mauritanien qui accepte de quitter
volontairement sa fonction en échange de garanties relevant de l’intérêt du
pays, tel est le seul moyen dont je puis aujourd’hui disposer pour vous exprimer
ma gratitude.
Fondé en effet à me retrancher derrière mon bon droit et à
vouloir m’acquitter des devoirs de la charge dont vous m’avez investi, armé pour
cela d’une légalité constitutionnelle indéniable, doté, grâce à Dieu, d’une
grande capacité de résistance devant l’épreuve, soutenu par un grand nombre de
citoyens attachés aux valeurs de la démocratie et disposés à tous les sacrifices
pour la défendre, j’ai choisi malgré tout cela de prémunir mon pays et mes
concitoyens contre les dangers cumulés de l’embargo économique, des déchirements
politiques et des explosions sociales. Plus que tout cela, je formule le vœu
ardent que, par ma disposition à quitter le pouvoir contre des garanties
relatives à l’avenir du pays, j’aurais contribué, par l’acte et non par le verbe
seulement, à instaurer la concertation comme usage incontournable pour résoudre
les problèmes de la Mauritanie ; à convaincre chacun que la conquête
du pouvoir ne doit jamais prévaloir sur l’intérêt supérieur du pays ; à
persuader tout chef d’Etat futur d’accepter le moment venu de quitter sa
fonction, dans le respect de la Constitution afin de barrer la route à toute
velléité vindicative de prise de pouvoir par la force des armes ; à donner à
tout chef d’Etat élu dans le futur l’occasion d’exercer sa fonction en
conformité avec la Constitution de manière à assurer au pays la stabilité
nécessaire au développement ; à faire prévaloir l’esprit de sacrifice et le
dévouement au pays sur toute autre considération.
Puissent ceux qui ont
glorifié l’expérience démocratique mauritanienne, l’ont érigée en modèle à
suivre et qui, par la suite ont déchanté à cause du séisme qui a réduit à néant
cette expérience, puissent ceux-là, en rémission de ce qui s’est produit, nous
permettre de nous présenter à nouveau comme modèle par notre attachement au
dialogue et à la concorde tout comme par notre acceptation de placer l’intérêt
supérieur du pays au dessus de toute prise en compte étroite de l’intérêt d’une
personne ou d’un groupe.
Notre confiance est grande dans les capacités de
notre société à absorber les chocs et à surmonter les obstacles et les épreuves
; les premiers pionniers qui ont jeté les bases de l’édification du pays
constituent pour nous à cet égard le meilleur des exemples à suivre et une
source réelle d’inspiration.
Sur ce, citoyens citoyennes, et suite à la
réalisation des conditions préalables que j’ai posées en considération de
l’intérêt de la Mauritanie dans le futur, je déclare renoncer volontairement à
ma fonction de Président de la République.
J’invite le peuple
mauritanien, ses institutions constitutionnelles, son armée nationale et ses
forces de sécurité, ses hommes politiques, ses intellectuels, ses communautés et
sa société civile à s’unir en vue de redonner espoir à la Mauritanie à travers
des élections transparentes, propres à faire de notre pays un havre de sécurité,
de quiétude et d’aisance et un creuset de synergie des efforts de ses fils
autour de l’intérêt supérieur de la Nation.
Pour ma part, je continuerai
à être un citoyen dévoué à son pays, disposé à apporter ma modeste contribution
à toute action visant à consolider le socle de nos acquis démocratiques, à
renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale entre l’ensemble de nos
communautés et à offrir à la Mauritanie des perspectives nouvelles de
développement et de
stabilité. Le
président Sidi Ould Cheikh Abdallahi Nouakchott le 26 Juin
2009
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