ven,
07/03/2009
Adresse aux
candidats à l’élection présidentielle du 18 juillet 2009
Depuis quelques
décennies, la Mauritanie sombre, lentement, dans un autoritarisme, vecteur
d’instabilité et d’incivisme. Dans la course à l’allocation des richesses par
la privatisation de la chose publique, le putsch, comme usage de la dissuasion
afin d’usurper et de garder le pouvoir, est devenu le mode privilégié de la
régulation au sommet de l’Etat. Caricature en l’espèce, nous détenons, dans le
Maghreb et l’espace sahélien, un record auquel la transition de 2005-2007
devait mettre un terme définitif.
Le peuple mauritanien dans sa majorité silencieuse aspire profondément à une
rupture radicale d’avec la complaisance envers cette forme d’accès au pouvoir,
le détournement de la loi et le mépris des humbles; hélas, les coups d’état
succèdent aux révolutions de palais pour ne produire, toujours, que la
captation d’immenses profits et la perpétuation de la mauvaise gouvernance. Les
contradictions présentes de la Mauritanie, malgré l’ancienneté de leurs
racines, se consolident dans cette faute originelle – mais consciente – qui
consiste à différer sans répit voire reporter sine die le moment de vérité au
stade de la vie d’un peuple où le mensonge et l’omission ont fini par
domestiquer l’esprit critique et réduire l’exercice social des vertus de
générosité et de solidarité.
Aujourd’hui, la Mauritanie a besoin, au moins pour prétendre survivre, de
récréer sa communauté de destin ; l’objectif requiert, de l’ensemble de nos
concitoyens, un minimum d’aptitude à l’introspection et une nouvelle pédagogie
du vivre ensemble, dans le respect des règles universelles de civilisation d’où
la nécessité d’éradiquer, des méthodes d’alternance politique, l’usage de la
force et de l’intimidation du fort au faible.
En dépit de leurs annonces, aucun des changements sur le mode de la contrainte
armée ne réalisa un semblant de croissance soutenue, d’assainissement ni
suffisamment d’infrastructures de bases ; empêtrés dans les défis de la
défiance policière, d’autoconservation et d’accumulation primitive des
richesses, les dirigeants sombraient dans l’égoïsme et la paranoïa, perdant
ainsi toute attache à la misère, aux inquiétudes et attentes, sans cesse
déçues, de la population. Faute de tranquillité dans la rue et d’autonomie de
l’appareil judiciaire, la corruption mine la confiance des investisseurs ; la
pauvreté accentue la dépendance extérieure et la concurrence entre élites
autour du partage des maigres ressources dérive vers l’inimitié mortelle.
L’exclusion, la torture et le meurtre se banalisent ; la démystification collective
de la violence engendre la démocratisation de la vengeance privée. C’est ce
péril imminent que nous souhaitons épargner à la Mauritanie.
Aussi, nous initiateurs de la présente alerte, exigeons des candidats à
l’élection présidentielle du 18 juillet 2009, de prendre des engagements
solennels et précis, y compris durant leur campagne, sur les préalables à la
refondation d’un projet national et pluraliste en Mauritanie, enfin émancipé du
racisme, de l’esclavage et du tribalisme, toutes entraves à l’optimisme et
parmi les nouvelles générations chez qui le sentiment et la possibilité
d’appartenir au même avenir s’érode, se dissipe puis déserte la mémoire.
Partant, se raréfie l’esprit d’entreprise, le sens de l’effort, le mérite par
la compétence et jusqu’à la sérénité de se sentir en sécurité chez soi.
Grand temps est
donc venu, comme y parviennent tous les groupes humains, de tirer les leçons de
nos épreuves et d’induire quelque prudence de nos erreurs. Ainsi,
interpellons-nous le futur Président de la République Islamique, sur quelques
défis majeurs à la continuité de la Mauritanie :
1/ Le coup d’état militaire, de même que la violation des articles de la
Constitution relatifs
à la prolongation du nombre des mandats présidentiels, relèvent de la
forfaiture. Seuls une réforme de la loi fondamentale et des actes de
coopération préférentielle avec les démocraties parmi nos voisins et
partenaires au développement comporteraient assez de précaution contre un tel
risque ;
2/ L’enseignement
civique de base et la formation permanente des forces armées et de sécurité aux
préceptes de liberté et de dignité humaine contribueront à reconstruite la
vigilance citoyenne, donc l’aptitude de la société à se défendre devant
l’arbitraire. L’éducation nationale comporte, de l’école primaire à
l’université, la nécessité de rappels périodiques à la réalité de la menace.
3/ La révision des
conditions d’éligibilité s’attachera à limiter l’errance et le nomadisme en
politique, par l’instauration du mandat impératif ; en même temps qu’elle
favorise la stabilité des gouvernements, la restriction bride la vénalité des
allégeances tribales d’où le gain, en termes de proximité, de l’élu et de
l’électeur.
4/ Une réflexion
dépassionnée suivie de l’abrogation de la loi sur la double nationalité
permettra, à la Mauritanie, de renouer avec ses communautés en dispersion,
vecteur de renouveau intellectuel et moral, d’apport matériel et surtout
formidable potentiel de résistance à l’arbitraire.
5/ Enfin,
l’exercice d’introspection et de remise à niveaux de toutes les causes de
discorde dans la société, permettra d’engager la réconciliation des
mauritaniens à partir de matériaux garants de durée, tels la confiance, le
souci de la vérité, la réparation du préjudice et la prévention de la récidive.
Notre appel
s’adresse, sans exclusive, aux candidats à l’élection présidentielle du 18
juillet 2009 ; le Collectif des Cadres Mauritaniens Expatriés (CCEM) se tient à
leur disposition, pour mieux expliquer la démarche, recueillir et publier les
engagements de chacun, puis en assurer le suivi au lendemain du scrutin.
Le 3 juillet 2009
Liste des signataires
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