Transcription du Document Audio publié par
Taqadoumy: Partie I
Les Généraux Mohamed Ould El Hady, Directeur
Général de la Sureté Nationale ( à gauche), et Mohamed Ould Meguette, nspecteur
Général des Forces Armées
For-Mauritania entreprend de transcrire en
français et de publier l’enregistrement audio que
le site Taqadoumy a diffusé, il y a deux jours. Cet enregistrement met en scène
deux membres du « Haut Conseil de l’Etat », Mohamed Ould Meguett et Mohamed
Ould El Hady, tous deux Colonels au moment des faits et tous deux promus
généraux. Ils viennent annoncer au Président de la République, maintenu depuis
plus de trois mois en isolement presque total au Palais des Congrès, son
transfèrement à Lemden, son village natal, situé à 250 Km au sud de Nouakchott.
On y découvre deux hauts gradés de l’Armée mauritanienne actuelle. Sans doute
mal éduqués et peu instruits, ils n’ont pour eux que l’imposture et
l’usurpation de titre de « gouvernants du pays».
En face, un Président de la République dont la vigueur n’a pas été ramollie
malgré le régime de confinement et la torture continuelle qu’il a eu à
connaître, notamment à « Radio et Télévision de Mauritanie ». Trois mois
d’isolement avec comme seule source d’information les journaux télévisés
relatant l’activité du Président du HCE ou quelques sketchs de mauvais goût le
dénigrant. Trois mois pendant lesquels, en plus de l’avoir livré à la vindicte
populaire, la Junte a essayé de l’atteindre en malmenant sa famille, son
épouse, son fils. Un Président armé de la force de sa personnalité, de la
légitimité de son mandat et de la solidité de son bon droit.
La destination de cet enregistrement, selon toute vraisemblance, visait à nuire
au Président. Des fois qu’il décide de renoncer à « faire de la politique » !
Les Colonel en ont eu pour leur grade.
On se rappelle les déclarations du Général : « si c’est Sidi qui les intéresse,
on peut leur livrer son cadavre dans une rue de Nouakchott»… ou bien « Je crois
que Sidi n’aura plus envie de faire de la politique »
On se rappelle aussi les déclarations du très pressé ex-Ministre de la
communication de la Junte, Monsieur Ould Moïne, qui affirmait que le Président
avait pris des engagements, avant d’être transféré, d’abandonner la Politique.
On se rappelle tout cela et on constate ce qu’il en est, quatre mois plus tard.
Le Président, depuis Lemden, défend un plan de sortie de crise qui tourne
autour de la mise en échec du Coup d’Etat. Pas un seul pays n’a reconnu le
pouvoir de la Junte dont les membres et les soutiens sont des parias de par le
vaste monde. Nul besoin de galons dorés bien mal acquis. Juste de la légitimité
et, peut être, une certaine hauteur d’esprit.
Voici la transcription de la première demi-heure de cet enregistrement qui dure
90 minutes.
Pendant les deux premières minutes on entend des bruits de pas, des portes qui
s’ouvrent et on entend les deux officiers dans les couloirs puis qui rentrent
et saluent le Président. Visiblement, le dispositif d’enregistrement est sur
l’un des deux.
Les Colonels en cœur : Comment allez-vous ? Comment vous sentez-vous… (Suivent
des salamalecs). Etes-vous contents des conditions de votre séjour ?
Le Président (Pr) : Ça va. Je suis bien…
Les Colonels : Etes-vous bien reposé ?
Pr : Les gens (les gardiens) ici sont très gentils. J’ai eu des visites
d’Etrangers. A part la dernière fois, un groupe de Mauritaniens. J’ai la
Télévision de Mauritanie et une radio. Je n’ai pas de nouvelles de la famille.
Je les ai eus à deux reprises, au téléphone. La dernière fois, ils allaient
bien. Apparemment, ils n’ont pas de problème particulier. En réalité j’ai un
certain entraînement pour ce genre de situations. A une ou deux reprises j’ai
vécu une période de ce genre… (allusion à la période de Ould Taya)
Mohamed Ould El Hadi (MOEH) : J’espère que vous arrivez à faire un peu
d’exercice physique?
Pr : Oui. Tous les soirs je marche pendant une heure, à peu près.
MOEH : Et la nourriture ? Et la santé ?
Pr : Ça va. Je reçois la visite d’un médecin régulièrement.
MOEH : Rien de nouveau donc ?
Pr : En réalité, c’est à vous qu’on devrait demander s’il y a des nouvelles
(rires).
Mohamed Ould Meguett (MOM) : Il n’y a que des bonnes nouvelles. Vous avez dû
apprendre que nous nous étions réunis aujourd’hui ?
Pr : Oui, j’ai vu.
MOM : Nous pensions venir vous voir… nous voulons vous communiquer les
décisions que nous avons prises en ce qui vous concerne…(le Colonel Ould
Meguett articule très mal et est difficile à comprendre parfois, ndlr) voyage
vers Lemden… Cela prendra peu de temps. Mais nous avons voulu vous mettre au
courant. Je vais vous y accompagner, personnellement, si Allah le veut. Vous
allez pouvoir voir les vôtres. Moi, personnellement, je ne vois pas
d’inconvénients à ce qu’il en soit ainsi.
MOEH : En résumé, c’est la fin de votre séjour ici, In chaa Allah.
MOM (continuant son discours) : nous irons là-bas.
Pr : Comment ?
MOM : Nous irons là-bas pour éviter tout ce qui pourrait troubler l’ordre
public ou autre chose…. Le Président (Ould Abdel Aziz, Chef de la Junte, ndlr)
a donné ses instructions pour que vous ne manquiez de rien et pour que tout
aille au mieux. Après quelques jours, si tout va bien, vous pourrez revenir.
MOEH (voulant préciser ce que veut dire son collègue) : Monsieur le Président,
comme l’a dit Mohamed (Mohamed Ould Meguett, ndlr), nous avons pris une
décision aujourd’hui. Nous sommes au début d’un processus dont le but est de
vous faire sortir de cette situation. Nous souhaitons que ce processus se
termine au mieux, pour nous tous, pour vous…
Pr : Ca veut dire quoi « sortir de cette situation » ? Ici je suis en résidence
surveillée. Est-ce que là-bas je serais aussi en résidence surveillée ?
MOM : Ce n’est pas vraiment une résidence surveillée. Ce n’est pas notre
conception. Quand vous serez là-bas, vous recevrez les vôtres, tout le monde
pourra venir vous voir.
Pr : Je peux demander à des gens de venir me voir ? Des hommes politiques ?
MOM+MOEH : Tout à fait !
Pr : Je pourrai demander à des personnes de venir me voir de l’étranger ?
MOM : Euh !…Des personnes de l’étranger…
Pr : Messieurs, soyez clairs…
Le téléphone de MOEH se met à sonner. Il décroche. Le Président s’arrête de
parler.
MOEH : continue…continue (tutoiement)…continuez.
Pr : J’attends que vous terminiez… silence… Je souhaite que vous soyez plus
clairs. Moi… ce que vous allez faire… Je ne veux pas qu’il y ait de zones
d’ombre. Il y a des choses qui me concernent moi. Il y en a d’autres qui vous
concernent vous. Je voudrais savoir ce qui vous concerne, vous. Je le ferai. Je
n’ai pas le choix. Pour ce qui me concerne moi, je verrai. Il ne faut pas qu’il
y ait d’ambiguïtés ou de confusions qui risquent de créer des problèmes. Mon
départ là-bas… les limites que vous voulez m’imposer doivent être connues et
précisées. Aussi pourrai-je faire ce que je voudrais dans ces limites. Ce
seront ces limites qui m’empêcheraient de faire ce que je n’aurai pas fait.
C’est tout. (Silence)
MOM : OK. C’est juste.
Pr : C’est même très clair.
MOM : C’est très clair mais nous te précisons, nous aussi, ce que nous
voudrons.
Pr : OK.
MOM : En toute confiance… Vous nous connaissez bien. Moi, personnellement je
suis très impliqué dans cette affaire.
Pr : J’écoute ce que chacun dit
MOEH : En tout cas ce que nous disons là engage tout le monde… ça nous engage…
Continue Mohamed.
MOM : Les choses se sont produites. Vous connaissez la situation. Tout ce qui
touche à l’ordre public ne sera pas toléré. Il y a un style, un niveau que les
choses peuvent atteindre. Nous ne sommes pas là pour vous faire la leçon. Vous
êtes plus âgé que nous… Dieu merci…Vous avez de l’expérience. Tout ce qui sert
la concorde, la stabilité et qui vous agrée, nous agrée aussi.
C’est une décision du Haut Conseil… le Conseil qui a le pouvoir maintenant.
Vous allez être traité comme un ancien président…
MOEH : Avec les distinctions et les avantages réservés à un ancien président,
cela va de soi.
MOM : Vous serez comme les anciens présidents. Vous devez avoir le même souci
que nous pour le maintien de l’ordre public…. Le choix définitif vous revient.
Tous les contacts seront permis sauf ceux qui risquent de perturber l’ordre
public.
MOEH : Par exemple, ce qui est « incitation »
MOM : Vous devez savoir que l’intérêt de la Mauritanie est l’affaire de nous
tous (le téléphone de MOM sonne…). Il y a des gens et des contacts qui
pourraient sortir des limites autorisées par le souci de l’intérêt et de la
sûreté du pays. Après quelques jours, quand on se rendra compte… (le téléphone
sonne de nouveau…). Les limites, il y ‘en a mais elles sont «limitées ».
D’ailleurs, si vous acceptez de coopérer avec nous, avec vous-mêmes avec la
Mauritanie, je crois que tout sera possible, tout est possible…Après peut être
une semaine.
Tout ce que vous entreprendrez dans l’intérêt de la Mauritanie sera sûrement
accepté et ce sera bon pour nous tous, bon pour la Mauritanie (et pour le
Président (Aziz), dit MOEH).
Nous ne voudrons pas arriver à une situation de tensions inutiles. Pour nous,
il y a une situation qui s’est produite, c’est un fait et on doit faire avec.
Vous devrez faire un choix qui ne complique pas la situation. C’est une
solution qui doit venir de vous-mêmes. Si c’est l’inverse qui se produit, on va
se retrouver dans une situation pas souhaitable. Ce n’est pas ce que nous
voulons. Tout ce que vous demanderez, ce que vous jugerez utile, efficace sera
obtenu. Vous aurez une situation particulière avec le « Dirigeant (Aziz) » et
avec le peuple mauritanien.
Dites nous ce qui vous ferait plaisir, votre avis et nous sommes prêts à tout
réaliser.
MOEH : Il faut être bref.
MOM : C’est la vérité.
MOEH : Moi je considère (il se met à parler en un arabe se voulant littéraire)
que les choix sont au nombre de deux. Soit vous choisissez, nous choisissons
ensemble de calmer le jeu, vous en tant qu’ancien président jouissant de toutes
ses distinctions et avantages avec reconnaissance, considération et liberté. Ou
alors vous choisissez une sorte d’entêtement et de confrontation (il hausse le
ton, ndlr), nous, nous pensons que cela n’est pas admissible, ce n’est pas
l’intérêt de la Mauritanie et ce ne sera pas accepté par nous, par nous en tant
que groupe. Je considère que c’est là l’essentiel de ce que nous avons à vous
dire. Mais c’est vous qui choisissez, en définitive. Là où vous choisissez de
vous mettre, on vous y suivra et nous traiterons avec vous immédiatement. Notre
souhait (ils parlent en même temps) est que nous nous montrions tous à la
hauteur de nos responsabilité s. Ce que vous méritez, vous
l’obtiendrez de nous. Et ce que nous méritons, vous nous le devez. C’est la
raison même. Nous devrons calmer le jeu. Si vous optez pour l’affrontement, ce
n’est pas l’intérêt de la Mauritanie. Ce n’est pas votre intérêt, à vous
personnellement et cela ne nous conviendra pas à nous non plus. On doit « gérer
» ce qu’il y a (en français).
Pr : Moi, je veux être très clair… (coupé par MOEH)
MOEH : Et votre nouvelle situation, elle peut durer 3 jours, une semaine, c’est
comme vous voudrez. Si vous voulez qu’elle soit courte, vous pourrez l’écourter
et vous aurez toute la liberté après, de mouvement, de parole et de tout ça,
mais dans ce qui sert la stabilité. Tu comprends ?
Si vous choisissez l’affrontement, ce n’est pas ce que nous voulons, ce n’est
pas ce que nous souhaitons… mais à la fin nous ne l’acceptons pas, en toute
franchise… ça c’est la décision du Conseil, celle du Président (Aziz).
Mais moi je préfère que ce soit le premier choix. C’est plus convenable pour
vous et pour nous tous. C’est aussi plus conforme à notre « compagnonnage »
initial. Quelqu’un qui veut être « accompagné » ou appuyé dans le futur ne doit
pas faire le choix de la confrontation. Ce n’est pas ce qu’on attend de vous.
(MOM essaye d’en placer une…)
Ce que nous vous disons là engage le Conseil et son président parce que nous
sommes mandatés pour vous le dire. C’est une décision, une décision.
Pr : Nous aurions préféré qu’il n’y ait pas eu de coup d’Etat.
MOEH : Seulement il y en a eu un !
Pr : Qu’est ce que vous me attendez de moi exactement ?
MOEH : Ce que nous sommes chargés de vous dire est la chose suivante :
- votre séjour ici est terminé
- vous allez être transféré à Lemden
La famille peut venir vous voir à Lemden, si elle veut.
Pr : Cela veut dire que je change de lieu de résidence surveillée ? (en
français)
MOEH (coupant le Président) : Non, ce n’est pas ça (en français). Ici vous
n’avez pas jamais été visités. Là-bas vous avez la liberté de recevoir tout le
monde. Mais vos visites vous, en les « gérant », vous pouvez les orienter dans
un sens ou dans un autre. Tu comprends ? Il n’est aucunement interdit pour
vous, à partir de ce soir, de recevoir qui vous voudrez à Lemden. Est-ce clair
? Ce n’est pas comme ici. Ici, vous ne recevez pas de visite. Mais nous, nous
voulons attirer votre attention sur le fait qu’il n’existe que ces deux choix.
(Suit une nouvelle explication sur les deux choix et les avantages du premier).
MOM : Ce que je veux vous dire rejoint ce que vient de dire le Colonel. Vous
êtes responsable. Vous avez de l’expérience. Vous pouvez avoir un rôle dans la
gestion de la crise.
Pr : Ecoutez. Depuis que je suis dans ces lieux je n’entends que de la
propagande hostile. On ne m’a rien épargné. Vous ne m’avez rien épargné. Vous
m’accusez de népotisme, de favoritisme, de tribalisme, de vol, de blocage de
toutes les issues, que je n’aurais rien fait pour la sécurité et que j’aurais
libéré des gens…Vous pensez que serais sorti, aurais recouvré ma liberté et me
serais tu ?... (Silence). Si vous ne souhaitez pas que je parle, ne me libérez
pas.
MOM (qui se met à tutoyer) : Tu peux parler si tu veux. Mais tu ne peux pas
inciter les gens.
Pr : C’est quoi « inciter » ? « Prendre les fusils » ?
MOM : Je vais vous l’expliquer (le « vous » revient). Avez-vous une idée de la
situation politique actuelle ?
Pr : Je l’imagine, vaguement.
MOM : Vous l’imaginez ? Je vais vous dire, en toute sincérité et totale
objectivité et ce n’est pas pour défendre notre cause. Il y a des politiques
que vous connaissez. Ces groupes qui sont venus vous voir. Si vous voulez, je
vais être plus précis : l’UFP (en français) et le parti de Jemil Ould Mansour
avec un autre groupe, vous utilisent comme carte, en utilisant la notion de
légalité. Nous, nous savons qu’il s’agit d’extrémistes. Nous connaissons les
extrémismes. Quand les extrémistes trouvent une cause à exploiter, ils
prospèrent. Quand ils ne trouvent rien sur quoi bâtir, ils n’avancent pas.
Quand vous, vous envoyez des signaux à ces groupes, ils comprennent (discours
confus…).
Pr : Est-ce que je pourrais parler à la Télévision ?
MOM : Mais vous pourrez avoir plus. S’il faut passer à la Télévision, vous y
passerez. Cela dépendra de ce que vous aurez à dire.
MOEH (mettant fin au débat) : Ecoutez, nous ne sommes pas venus ici pour
débattre. Le but de notre visite est ce que nous vous avons dit. Ce qui va
suivre, ce qui précède nous importe peu. Nous avons un message à vous
transmettre de la part du Président du HCE (Haut Conseil de l’Etat, Junte,
ndlr) et du HCE qui se résume en deux points :
- votre séjour ici est terminé
- vous êtes libres à partir de demain de recevoir qui vous voudrez à Lemden.
Vous devrez y rester quelques jours.
Pr : liberté un peu améliorée.
MOEH : Liberté de recevoir qui vous voudrez. Ne jouons pas sur les mots. Ne
jouons pas à cache-cache. C’est une étape dans la vie du pouvoir et dans la vie
politique. L’important est que le Président soit libre, à partir de demain de
recevoir qui il veut à Lemden.
Pr : Le Président est libre… à Lemden !
MOEH : Oui
Pr : Le Président est libre …à Lemden !
MOEH+MOM : Oui.
MOEH : Pour moi, il y a deux choix (et c’est parti pour une nouvelle
explication et une incitation à faire le « bon choix »)
Pr : Ce que j’ai à vous dire est ceci : si j’ai la moindre occasion de parler
et de me défendre, je la saisirai. Cela doit être clair. Je réfuterai tout ce
qui a été dit sur moi, avec les arguments dont je dispose.
MOM (ironique) : Et après ? Quand vous vous serez défendus, que se passera-t-il
après ?
Pr : Je voulais préciser le contexte où j’ai parlé de ma future prise de
parole. Pour le reste j’ai bien compris et il est inutile de tout répéter. Je
serais en observation à Lemden. Si je suis sage, si je reconnais le Coup
d’Etat.
MOEH : Non, ce n’est pas ce que j’ai dit.
MOM : Pour tout vous dire, Monsieur le Président, vu ce qui se passe en
Mauritanie, vue la situation, vous devrez contribuer à l’apaisement. Que vous
vous défendiez, c’est compréhensible et normal. Mais l’autre choix, le mauvais,
ce n’est pas ça. C’est si vous voulez faire la politique ou laisser des hommes
politiques faire la politique à travers vous. C’est ce que nous voulons dire et
qui ne sera pas acceptable. Le reste est acceptable. Nous le jugeons avec
responsabilité .
Pr : C’est clair.
Source: For-Mauritania
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