Enfants
travailleuses : Les oubliées de la scolarisation universelle
Filles placées, m’bidannes domestique et petites
vendeuses ambulantes ne vont pas à l’école. Pendant les autres comptent,
lisent…elles triment. Ce sont les oubliées de la scolarisation universelle.
Coumba à dix ans.
Chaque matin, au moment où certaines filles de son age, sac à la main, se
dirigent vers les écoles, elle porte sur la tête une thermos d’une dizaine
de kilogrammes. Direction : le marché
de Sebkha.
Pendant que les autres filles lisent, comptent, s’instruisent, Coumba vend de la glace aux
commerçants du marché. Le travail des enfants, c’est interdit. Mais le
fruit de ce commerce de glace est la seule source de revenu des trois
petites sœurs de Coumba
et de leur mère divorcée.
Raccourci mortel
Des petites vendeuses ambulantes de l’age de Coumba, on en rencontre dans
les rues et dans tous les marchés de
Nouakchott. Elles ont entre sept et dix huit ans. Elles
sont les oubliées de la scolarisation universelle. Elles proposent devant
les établissements scolaires, les banques, les marchés…du bissap (boisson
locale), des beignets, des cigarettes…La maigreur des recettes de ces
produits est telle que, parfois, de vendeuses ambulantes, certaines
adolescentes prennent le raccourci du plus vieux métier du monde.
La vente de Bissap ou de glace devient un moyen très commode cachant la
prostitution des mineures. La recette passe de quelques centaines
d’ouguiyas aux coupures de mille, deus milles flambants neuf. Les parents
s’en accommodent. Résultats : les pauvres innocentes adolescentes
chopent une grossesse précoce ou, pire, un VIH Sida.
Fille placée, fille esclave
Les vendeuses de Bissap ne sont pas les seules oubliées de la
scolarisation universelle. De son village natal situé aux environs de Kaédi, Maimouna, huit ans, a
été envoyée par sa mère chez une de ses amies résidant à Nouakchott. Maimouna est
« castée. »
Elle est d’une classe sociale « inférieure ».
L’amie de sa maman, elle, est « noble ».
Derrière l’amitié entre le deux femmes, se cachent des liens ancestraux de
domination. Et la fillette de huit ans, la « corguel » (petite esclave) de
huit ans en fait les frais. Dans la maison de l’amie de sa maman, Maimouna sert de bonne à tout
faire.
Du lever au coucher du soleil, elle trime au service des enfants de sa
maîtresse. Quand il se prépare à aller à l’école, elle leur prépare le
petit déjeuner. Elle s’occupe de leur linge, de leur repas et même de leurs
couses entre la maison et la boutique du coin. Maimouna n’est pas seulement
privée d’école. Elle n’a droit ni au repos ni aux loisirs. En contrepartie
de ses souffrances, sa mère reçoit trois à quatre mille ouguiyas par mois.
Maimouna est une
fille placée. Des comme elles, il en existe dans beaucoup de maison de
ressortissant du Fouta
(la vallée du fleuve Sénégal)
à Nouakchott, Nouadhibou, Kiffa,
Zouerat… Pour
voir des esclaves, point n’est besoin d’aller dans les adwaba. Jetez un
coup d’œil chez vous ou chez votre voisin. Vous y verrez des cas de traites
des personnes.
Les m’bindanne en marge du code
du travail
Autres oubliées de la scolarisation universelles : Les petites
M’bindanne (domestiques). Contrairement aux files placées, il n’existe
aucun lien social entre elles et leurs employeurs.
Chaque matin Awa
quitte le quartier Sebkha,
traverse la zone militaire et prend la route de Nouadhibou pour se rendre au fond de tevragh Zeina. Elle est
employée dans l’une de ces grosses maisons dont rêvent tous le
mauritaniens. Awa
a dix sept ans. Elle est analphabète. Elle n’a pas de congé. Elle se repose
un vendredi sur deux. Elle travaille de huit heures à dix huit heures.
Dix heures par jours, soient soixante dix heures par semaines. Ses tâches
ne son pas définies. Le linge, la vaisselle, les courses, le thé…La contrepartie
de cette traite : quinze mille ouguiyas. Moins que le SMIG. C’et
pourquoi, pour se rendre chez ses employeurs, elle ne peut prendre le taxi.
Autrement, les quinze mille y passeraient vite. Awa peut être virée à tout
moment. Elle peut être accusée de vol. Comme toutes les m’bidane, elle
évolue en marge du code du travail.
L’article 07 de la loi portant incrimination et répression des pratiques
esclavagistes punit « Toute
personne qui prive un enfant de la scolarisation en le transformant en esclave
d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50 000 à
200 000 ouguiyas. » Pendant que les députés votaient
cette loi, des centaines, voire des milliers de fillettes mauritaniennes
trimaient dans l’indifférence générale.
Le 16/01/2008
Baye
Sy
Source : Télégramme (Mauritanie)
Tiré de cridem.org
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