Promotion de magistrats impliqués dans des
affaires d’esclavagisme
et
ayant bénéficiés d’une totale impunité
La dernière
session du Conseil supérieur de la magistrature du mardi
11 décembre 2007, n’a pas été, hélas, une occasion pour le président de la
République de marquer une réelle rupture avec la culture de l’impunité, de
la justice à deux vitesses et des différences de classe qui sont, depuis
des décennies, les « principes » cardinaux d’un corps de
magistrats quasiment uni-éthique et appartement à la même classe sociale.
Le pouvoir alloué au poste de magistrat est d’une importance capitale, il
confère le droit
d’interpréter la loi et par la coercition de l’imposer à
la communauté.
Parallèlement à ce
constat, il convient de signaler un état de fait étayé par plusieurs
rapports de missions indépendantes, il s’agit de l’ « ethnicisation »,
mais surtout la « castification » de la population
carcérale mauritanienne. Selon un rapport des experts de l’Union
Européenne (2006), cette population carcérale est en très grande
majorité constituée de Harratine (esclaves et anciens esclaves).
En témoigne une autre donnée, qui en dit long sur ce stupéfiant partage des
rôles entre les communautés et les strates sociales : un unique
magistrat, à l’époque, était issu de la couche sociale harratine.
Cependant, faute de pouvoir aspirer derechef à une
opération inspirée par le premier magistrat du pays, qui visait une
« désethnisation – décastification » de la communauté
nationale des juges, nous aspirons du moins à l’introduction du principe de
la sanction contre les magistrats réfractaires à la prononciation et à
l’application des lois de la république, surtout quand leur démission et
leur compromission face à certains crimes et délits représentent des cas de
violations très graves des droits fondamentaux de la personne humaine.
En ce sens, deux « affectations-promotions »
retiennent particulièrement mon attention car elles abasourdissent la
communauté des défenseurs des Droits de l’Homme à laquelle je fais partie.
La première est celle de Mohamed Abdallahi ould Teyib, promu Procureur de
la République, à Nouakchott (la capitale), auparavant Procureur de la
République au Brakna.
Lors de son précédant mandat, il remit la fillette esclave Messaouda mint
Towva à ses bourreaux de maîtres : Bemba ould Heyine et Tarham Bouka
mint Lekwen (octobre 2007) classant l’affaire sans suite et refusant de les
délivrer à l’ONG SOS-Esclave, qui s’était constituée partie civile à la
base de l’article 109 du Code de protection pénale de l’enfant. En effet,
une décision de classement sans suite bloque tout le cours de la procédure.
La deuxième « affectation-promotion » est
celle de Abdallahi ould Ndégelli, précédemment Procureur adjoint à Dakhlet,
Nouadhibou, promu Procureur titulaire de Anchiri. Cet homme a couvert par
les pouvoirs dont il était fondé, Yahya ould Tfagha Amin et son frère
Biyaye, présumés coupables de la disparition troublante du jeune Lurrukon
ould Brussersara dans le cadre d’une affaire douteuse de contrat de gardiennage
de chameaux, de voyage de
l’Aftont, de trafic et de recel en haute mer, de
noyade…
Mais selon toute vraisemblance, il est important de
souligner que ces deux magistrats pourraient bénéficier de liens parentaux,
de cousinages et de rapports de clans que le premier détient au sommet du
Département de la justice et le second au Cabinet du Premier ministre.
Il est regrettable que les pouvoirs publics avec leur
promptitude à enclencher un mécanisme de sanction à l’encontre d’un Hakem
(préfet) contrevenant à l’orientation d’un Ministre sur la distribution de
lopins de terre, s’effacent et récompensent des magistrats faisant preuve
du mépris total des droits inaliénables de la personne humaine. Les hautes
sphères du pouvoir restent intouchables et permettent à certains d’échapper
aux lois en vigueur dans un état de droit, ceci même lorsqu’il s’agit
d’actes criminelles.
Au nom des victimes et des défenseurs des droits de
l’Homme en Mauritanie nous faisons le serment devant Dieu et les
Hommes d’aller jusqu’au bout de toutes les procédures devant les instances
nationales et internationales pour faire toutes les lumières sur la
séquestration et le maintien en esclavage de l’enfant Messaouda Mint Tawva
et la disparition du garçon Ivoukou Ould Boussersara.
LE 31/12/2007
Biram Ould Dah Ould Abeid
Tiré de www.cridem.org