En visite
à Alger le mois prochain, le Président français
parlera t-il des Dogons, des Bozos, des Bambaras, des
Touaregs…? Evoquera t-il sa détermination d’aller
guerroyer à la frontière algérienne ?
Prendra t-il le risque d’ajouter le Mali
à la tragique histoire franco-algérienne ?
Le
Mali, c’est deux fois l’hexagone. C’est
quinze millions d'habitants dix
fois plus pauvre que les bénéficiaires des
Restos du Cœur de
Corrèze.
Son
territoire enclavé est traversé par le fleuve Niger.
La rive gauche marque le début des herbages, la rive
droite celle d’une plage de sable de 600 km de large
qui se prolonge au Nord vers le Sahara d’Algérie et
de Mauritanie.
Au
Mali pauvre, la démocratie fragile était à la
merci des prédateurs.
Profitant
du chaos libyen, des
chameliers armés se sont approprié huit cent mille
kilomètres carrés soit la moitié du pays. Bamako
n’a pas pu résister. Et ce peuple merveilleux s’est
désuni.
La
fracture du Mali est une fatalité de
l’hégémonie des puissants, après celle du
Soudan, avant celle de la Libye, elle est dans
l’écriture du temps. La configuration
géographique est favorable au dépeçage car les
provinces du Nord Mali sont isolées ; Kidal est
plus proche de Tamanrasset en Algérie (650 km) que
de Bamako (1 200 km).
« Heureusement »,
Paris a décidé d’agir. Les stratèges préparent
une croisade de mercenaires qui ira éradiquer le
terrorisme, le narcotrafic, le salafisme coupeur de
main, le barbarisme démolisseur de patrimoine…
Entre temps, des groupuscules preneurs d’otages
nourrissent l’indignation médiatique.
Comme les enfants, les adultes aiment qu’on leur
raconte à plusieurs reprises la même histoire. Ils y
croient chaque fois d’avantage.
Les
Maliens n’ont de français que la langue, héritée
de la colonisation. La France, pour viatiques, leur
ont aussi légués le
droit à la sueur de quelque soixante mille immigrés
dont nombre de rescapés de la soif ou de la noyade.
Pour la plupart, ils vivent paisiblement entre les
métros Château Rouge et Mairie de Montreuil.
Beaucoup s’enrôlent dans les brigades de nuit qui
nettoient les TGV.
C’est
pour eux que le Président Hollande s’est mis en
colère. Mais en dehors de ses sentiments
humanitaires, quels intérêts supérieurs poussent le
Chef des Armées Françaises à vouloir intervenir au
Mali ? Ce n’est pas l’or blanc des mines de
sel de Taoudenni ni les dates de l’oasis de
Tessalit Les richesses fossiles peut-être :
pétrole, gaz, or, uranium… Allez savoir !
Pour
Alger, puissance protectrice régionale sourcilleuse
de l’intégrité de ses frontières, les velléités
françaises sont perçues comme une ingérence
intolérable dans sa sphère d’influence.
L’histoire du Mali et de
l’Algérie se confondent depuis des lustres pour le
meilleur et pour le pire.
La
façade saharienne de l’Algérie sur le Mali est
longue de mille trois cents kilomètres.
C’estbien d’avantage
que la frontière de la France avec l’Allemagne et
l’Espagne réunies. Ce n’est pas parce que
les Algériens et les Maliens sont
venus - malgré eux -
combattre les nazis en Europe au siècle dernier,
qu’en retour, la France doit se croire obligée
d’aller faire le coup de feu contre une poignée de
barbus. C’est, toutes
proportions gardées, comme
si des Africains venaient maintenir l’ordre dans le
neuf/ trois, la Corse ou à la frontière
Moldave !...
Le
patriarche Bouteflika (qui n’est pas né
de la dernière pluie d’Oujda) sait qu’après
l’Irak et la Syrie, l’Algérie est le dernier
obstacle majeur au système dominant.
Alors
que François Hollande était en culottes
courtes, il entamait déjà une carrière
de ministre des affaires étrangères qui
allait, seize ans durant, le mener à la table de
négociations des crises les plus épineuses de la
guerre froide.
Mais
le sommet d’Alger entre les deux hommes ne sera pas
seulement inégal en âge.
L’Algérie
est riche de 200 milliards de dollars de trésorerie,
la France est endettée de dix fois ce montant. Le
rapport Nord Sud, de ce point de vue est inversé.
Pour
le commerce extérieur, les enjeux du voyage de
François Hollande sont gigantesques :
l’ensemble du CAC 40 est concerné, des milliers de
PME aussi. Le MEDEF est fébrile car il
sait qu’en Algérie tout procède du politique.
Contrairement aux usages dans les autres pays arabes,
les affaires passent après les intérêts
nationaux, et même la corruption n’y peut
rien !...
La
première visite officielle de Mitterrand en Algérie
il y a trente ans avait permis la conclusion de
contrats juteux dont les majors du BTP français se
souviennent encore avec nostalgie. Hollande fera t-il
mieux ?
C’est
probable.
Tout
comme il est probable qu’il annonce à propos du
Mali son ralliement à la posture diplomatique de
Bouteflika. Car, subtilité suprême, il n’est pas
impossible que le Président français ait poussé
les feux de la guerre pour mieux négocier les fruits
de la réconciliation.
L’Algérien
en fin stratège appréciera !
Journal
du Mali de Cathy de Broeder et M.Lemaire