La
stratégie en Afrique ?
A
LIRE ATTENTIVEMENT, ET A MEDITER...Avis d'un journaliste sur l'avenir
de L'Afrique. Qu'en pensez-vous? Très profond, à méditer !
Il
arrive dans la vie qu'une conversation banale nous secoue pendant des
heures voire des jours. J'attendais tranquillement un ami au terminus
d'autobus de Montréal quand un monsieur d'un certain âge a pris
place à mes côtés avant d'engager l'une des conversations les plus
enrichissantes de ma vie. Professeur d'études stratégiques dans un
institut international, l'homme connaît le continent africain comme
le fond de sa poche. Son analyse, son point de vue sur notre avenir,
donne froid dans le dos. Et s'il vous plaît, ne sortez pas la
rancune du « colon nostalgique ». Lisez avec la tête et la raison
ce qu'il dit. Je vous rapporte fidèlement ses constats : « Cela
fait maintenant plus de 25 ans que j'enseigne la stratégie. Dans ma
carrière, j'ai eu affaire à des dizaines d'officiers et de hauts
fonctionnaires africains. Je suis malheureusement obligé de vous
dire ceci : du point de vue des études stratégiques, de l'analyse
et de l'anticipation, je leur donne un gros zéro pointé. Nos
stagiaires africains sont très instruits, ils ont de belles tenues
militaires ou manient le français de manière remarquable, mais,
dans les cours, ils ne nous apportent rien. Tout simplement, parce
qu'à ma connaissance, dans toute l'Afrique francophone, il n'y a pas
un seul centre d'études stratégiques et internationales avec des
vrais professionnels à leur tête. Je vais vous expliquer pourquoi
je n'ai aucun espoir pour ce continent. Au moment où je parle, le
monde fait face à trois enjeux principaux : l'énergie, la défense
stratégique et la mondialisation. Donnez-moi un seul cas où
l'Afrique apporte quelque chose. Rien !
Commençons par
l'énergie et précisément le pétrole. Tous les experts
mondialement reconnus sont unanimes à reconnaître que d'ici 15 à
20 ans, cette ressource sera rare et excessivement chère. En 2020,
le prix du baril tournera autour de 120 dollars. C'est conscients de
cette réalité que des pays comme les USA, la France, la Chine, le
Royaume Uni, etc. ont mis sur pied des task force chargés d'étudier
et de proposer des solutions qui permettront à ces nations de faire
main basse sur les ressources mondiales, de s'assurer que quoi qu'il
advienne, leur approvisionnement sera assuré. Or, que constate-t-on
en Afrique ? Les dirigeants de ce continent ne sont même pas
conscients du danger qui les guette : se retrouver tout simplement
privé de pétrole, ce qui signifie ni plus ni moins qu'un retour à
la préhistoire ! Dans un pays comme le Gabon qui verra ses puits de
pétrole tarir dans un maximum de 10 ans, aucune mesure de
sauvegarde, aucune mesure alternative n'est prise par les autorités.
Au contraire, ils prient pour que l'on retrouve d'autres gisements.
Pour l'Afrique, le pétrole ne comporte aucun enjeu stratégique : il
suffit juste de pomper et de vendre. Les sommes récoltées prennent
deux directions : les poches des dirigeants et les coffres des
marchands d'arme. C'est pathétique.
Ensuite, la défense
stratégique. L'état de déliquescence des armées africaines est si
avancé que n'importe quel mouvement armé disposant de quelques
pick-up et de Kalachnikov est capable de les mettre en déroute. Je
pense qu'il s'agit plus d'armées de répression intérieure que de
guerre ou de défense intelligente. Pourquoi ? Parce que, comparées
aux armées des nations développées, de la Chine, de l'Inde ou du
Pakistan, les forces africaines rappellent plus le Moyen âge que le
21e siècle. Prenez par exemple le cas de la défense anti-aérienne.
Il n'y a quasiment aucun pays qui possède un système de défense
équipé de missiles anti-aériens modernes. Ils ont encore recours
aux canons antiaériens. Les cartes dont disposent certains
états-majors datent de la colonisation ! Et aucun pays n'a accès à
des satellites capables de le renseigner sur les mouvements de
personnes ou d'aéronefs suspects dans son espace aérien sans l'aide
de forces étrangères. Quelle est la conséquence de cette inertie ?
Aujourd'hui, des pays comme les Etats-Unis, la France ou le
Royaume-Uni peuvent détruire, en une journée, toutes les structures
d'une armée africaine sans envoyer un seul soldat au sol... Rien
qu'en se servant des satellites, des missiles de croisière et des
bombardiers stratégiques. A mon avis et je crois que je rêve, si
les pays africains se mettaient ensemble, et que chacun accepte de
donner seulement 10 % de son budget militaire à un centre
continental de recherche et d'application sur les systèmes de
défense, le continent peut faire un pas de géant. Il y a en Russie,
en Ukraine, en Chine, en Inde, des centaines de scientifiques de très
haut niveau qui accepteraient de travailler pour 3000 dollars US par
mois afin de vous livrer des armes sophistiquées fabriquées sur le
continent et servant à votre défense. Ne croyez pas que je rigole.
Il ne faut jamais être naïf. Si la survie de l'Occident passe par
une recolonisation de l'Afrique et la mainmise sur ses ressources
naturelles vitales, cela se fera sans état d'âme. Ne croyez pas
trop au droit international et aux principes de paix, ce sont
toujours les faibles qui s'accrochent à ces chimères. Je pense
qu'il est temps de transformer vos officiers (dont 90 % sont des fils
à papa pistonnés qui ne feront jamais la guerre et je sais de quoi
je parle) en scientifiques capables de faire de la recherche et du
développement. Mais, je suis sceptique. Je crois que ce continent
restera enfoncé dans le sommeil jusqu'au jour où le ciel lui
tombera sur la tête.
Enfin, la mondialisation.
Malheureusement, comme dans tous les autres sujets qui ont fait leur
temps, les stagiaires africains que nous recevons sont d'excellents
perroquets qui répètent mécaniquement les arguments qu'ils
entendent en Occident. A savoir, il faut la rendre humaine, aider les
pays pauvres à y faire face. Vous savez, dans mes fonctions, il y a
des réalités que je ne peux dire, mais je vais vous les dire. La
mondialisation est juste la forme moderne de perpétuation de
l'inégalité économique. Pour être clair, je vous dirai que ce
concept a un but : garder les pays pauvres comme sources
d'approvisionnement en biens et ressources qui permettraient aux pays
riches de conserver leur niveau de vie. Autrement dit, le travail
dur, pénible, à faible valeur ajoutée et impraticable en Occident
sera fait dans le Tiers-monde. Ainsi, les appareils électroniques
qui coûtaient 300 dollars US en 1980 reviennent toujours au même
prix en 2006. Et puisque l'Afrique n'a toujours pas un plan cohérent
de développement économique et d'indépendance, elle continuera à
être un réservoir de consommation où seront déversés tous les
produits fabriqués dans le monde.
Pour moi, l'indépendance
signifie d'abord un certain degré d'autonomie. Mais, quand je vois
que des pays comme le Sénégal, le Mali, le Niger, le Tchad ou la
Centrafrique importent quasiment 45 % de leur propre nourriture de
l'étranger, vous comprendrez qu'un simple embargo militaire sur les
livraisons de biens et services suffirait à les anéantir. Pour
terminer, je vais vous raconter une anecdote. Je parlais avec un
colonel sénégalais venu en stage chez nous il y a quelques mois.
Nous regardions à la télévision les images de millions de Libanais
qui défilaient dans les rues pour réclamer le retrait des soldats
syriens de leur pays. Je lui ai demandé ce qu'il en pensait. Il m'a
répondu : « Les Libanais veulent retrouver leur indépendance et la
présence syrienne les étouffe ». C'est la réponse typique de la
naïveté emprunte d'angélisme. Je lui ai expliqué que ces
manifestations ne sont ni spontanées ni l'expression d'un
ras-le-bol. Elles sont savamment planifiées parce qu'elles ont un
but. Israël piaffe d'impatience d'en découdre avec le Hezbollah et
puisque Tel-Aviv ne peut faire la guerre en même temps aux
Palestiniens, au Hezbollah et à la Syrie, son souhait est que Damas
se retire. Une fois le Liban à découvert, Israël aura carte
blanche pour l'envahir et y faire ce qu'elle veut. J'ai appelé cet
officier sénégalais il y a deux jours pour lui rappeler notre
conservation. Malheureusement, il était passé à autre chose. Son
stage ne lui a servi à rien. J'espère vraiment qu'un jour, les
Africains auront conscience de la force de l'union, de l'analyse et
de l'anticipation. L'Histoire nous démontre que la coexistence entre
peuples a toujours été et sera toujours un rapport de force. Le
jour où vous aurez votre arme nucléaire comme la Chine et l'Inde,
vous pourrez vous consacrer tranquillement à votre développement.
Mais tant que vous aurez le genre de dirigeants que je rencontre
souvent, vous ne comprendrez jamais que le respect s'arrache par
l'intelligence et la force. Je ne suis pas optimiste. Car, si demain
l'Union Africaine ou la CEDEAO décide de créer un Institut africain
d'études stratégiques crédible et fiable, les personnes qui seront
choisies se précipiteront en Occident pour apprendre notre manière
de voir le monde et ses enjeux. Or, l'enjeu est autre, il s'agit de
développer leur manière de voir le monde, une manière africaine
tenant compte des intérêts de l'Afrique. Alors, les fonctionnaires
qui seront là, à statut diplomatique, surpayés, inefficaces et
incapables de réfléchir sans l'apport des experts occidentaux se
contenteront de faire du copier-coller, ce sera un autre parmi les
multiples gâchis du continent. Avant que vos ministères des
Affaires étrangères ne fassent des analyses sur la marche du monde,
ils feraient mieux d'en faire d'abord pour votre propre « intérêt
»
Source : a_hourey@yahoo.com
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