ARTICLE 558 :
Articles parus dans Libération
Aux Etats-Unis, une gifle pour les droits civiques26 juin 2013
Récit La Cour suprême a déclaré obsolète le Voting Rights Act de 1965, texte emblématique de la lutte pour les droits civiques. Les démocrates s'alarment.Par CORDÉLIA BONAL La Cour suprême des Etats-Unis vient-elle de tirer un trait sur cinquante ans de lutte contre les discriminations raciales ? Les plus hauts juges du pays ont invalidé ce mardi le Voting Rights Act, un monument du mouvement pour les droits civiques. Votée de haute lutte en 1965 pour limiter la discrimination raciale dans les Etats au passé ségrégationniste, la loi sur les droits électoraux a été tout bonnement décrétée obsolète par les cinq juges conservateurs de la Haute Cour (contre quatre démocrates). Cette décision (à lire en anglais ici) a déclenché un tonnerre de condamnations chez les organisations des droits de l’homme, les élus démocrates, et le président Barack Obama, qui l’avait défendue bec et ongles jusqu’au bout. «La décision d’aujourd’hui (...) remet en cause des décennies de bonnes pratiques qui permettent de s’assurer que le vote est juste, tout particulièrement dans des régions où la discrimination a été historiquement très présente», a déclaré le président des Etats-Unis. La Haute Cour a annulé «une pierre angulaire de notre législation sur les droits civiques», a renchéri son ministre de la Justice, Eric Holder, également afro-américain, parlant de «revers grave pour les droits de vote qui a le potentiel d’affecter négativement des millions d’Américains». Pour le New York Times, la cour a «eviscéré» cette loi qui «garantissait le principe du "un citoyen un vote"». Le Voting Rights Act (texte original ici) soumet, dans sa section 5, neuf Etats, principalement ceux du sud du pays connus pour leur passé ségrégationniste, à un blanc-seing de Washington pour toute réforme de leur code électoral. L'idée était de rétablir le droit de vote effectif pour les Afro-Américains qui, s'ils y avaient droit depuis 1870 en vertu du 15e amendement de la Constitution, en étaient en réalité souvent privés dans les faits. Dans plusieurs Etats du Sud, leur vote était conditionné à différentes mesures édictées pour leur barrer l'accès aux urnes : taxes, tests scolaires, limitation du vote à ceux dont le grand-père avait déjà le droit de vote en 1866 (les descendants d'esclaves étaient dont écartés)... Le mouvement de lutte pour les droits civiques du début des années 60 en fait un cheval de bataille. En 1965, sur fond de violentes attaques raciales, la marche sur Selma, en Alabama, à laquelle prend part Martin Luther King, vise à exiger le respect du droit de vote. Le 6 août de la même année, le président Lyndon Johnson signe la loi. La loi, renouvelée pour vingt-cinq ans par le Congrès en 2006, a depuis régulièrement permis de limiter les dérives. C’est ainsi que récemment le Texas a vu tour à tour retoqués, sur des soupçons de discrimination vis-à-vis des minorités, son redécoupage électoral et sa loi exigeant des électeurs qu’ils présentent une carte d’identité pour voter. Mais d’autres lois similaires destinées à favoriser l'électorat républicain ont pu passer, notamment dans l’Etat crucial de Floride lors de la dernière élection présidentielle. En vert clair, les premiers Etats soumis à la loi. Source civilrights.org. A voir aussi, la carte du New York Times. Dans sa décision rendue ce mardi, la Haute Cour, sans nier que la discrimination électorale existe, estime que la méthode utilisée pour déterminer la zone où s’applique cette loi est dépassée. «La section 4 de la loi sur les droits électoraux est anticonstitutionnelle à la lumière des circonstances actuelles», a tranché le président de la cour, John Roberts, au nom de la majorité. «Aujourd’hui, le pays n’est plus divisé comme il l’était en 1965» et «près de cinquante ans ont passé, les choses ont énormément changé». Ce n’est pas l’avis des quatre juges progressistes qui rappellent que le Congrès, en 2006, avait jugé que «quarante ans n’étaient pas suffisants pour éliminer tous les vestiges de la discrimination, après près de cent ans de mépris du 15e amendement». Le camp républicain s’est félicité. «C’est une claire victoire pour le fédéralisme et les Etats», s’est réjoui Rick Perry, le gouverneur du Texas. «Quand vous allez au Tennessee, en Géorgie, en Caroline du Nord, les gens ne sont pas privés du droit de vote à cause de la couleur de peau», a assuré le sénateur Jeff Sessions d’Alabama, où se trouve le comté de Shelby qui a porté l’affaire devant la Haute Cour. La cour, dans sa décision, renvoie la balle au Congrès. A charge pour lui de remettre la loi au goût du jour et redessine la carte de la discrimination aujourd’hui. «Si notre gouvernement fédéral n'était pas paralysé par le partisanisme, ce serait chose possible. Les démocrates prépareraient rapidement une nouvelle carte, que les républicains qui ont voté l'extension de la loi en 2006 soutiendraient», commente le New York Time. «Malheureusement, nous ne pouvons compter sur une action forte en ce sens de la part de la Maison Blanche.» |
|
Procès d'Amina : maintien en détention et nouvelles sanctions30 mai 2013Amina, militante Femen, a été jugée dans la matinée pour port illégal d'une bombe lacrymogène. Des militants d'Ansar al-charia ont manifesté devant le tribunal, réclamant de pouvoir assister à l'audience.Par AFP La justice tunisienne a ordonné jeudi le maintien en détention et de nouvelles poursuites contre Amina, militante du groupe féministe Femen, tandis que trois Européennes arrêtées pour avoir manifesté seins nus s’apprêtent à passer une seconde nuit en prison. Amina Sboui, plus connue sous le pseudonyme d’Amina Tyler, a par ailleurs été condamnée à 300 dinars (150 euros environ) dans son procès à Kairouan (centre) pour port prohibé d’un aérosol lacrymogène, une accusation fondée sur un texte datant du 19e siècle. Le juge d’instruction en charge du dossier a indiqué à l’AFP que la jeune femme de 18 ans sera interrogée le 5 juin dans le cadre de nouvelles poursuites pour atteinte aux bonnes moeurs et profanation de cimetière, délits passibles de six mois et deux ans de détention. Il a laissé la porte ouverte à des peines plus lourdes en invoquant la section «association de malfaiteurs» du code pénal, laissant entendre qu’Amina avait pu agir en bande organisée. Les peines peuvent alors atteindre de six à 12 ans de prison. L’un des avocats de la jeune femme, Mokhtar Janène, a confirmé qu’un «mandat de dépôt a été émis» pour ces raisons. Par ailleurs, les trois militantes de Femen, deux Françaises et une Allemande, arrêtées mercredi lors d’une manifestation seins nus à Tunis où elles réclamaient la libération d’Amina, «restent en détention jusqu’à leur traduction en justice», a indiqué Adel Riahi, porte-parole du ministère de la Justice. L’avocat des trois Européennes, Souheib Bahri, a indiqué à l’AFP qu’elles avaient «comparu aujourd’hui (jeudi) devant le procureur qui les a placées en état d’arrestation pour les traduire en justice». Selon lui, les accusations retenues seront connues vendredi. Amina s’était rendue le 19 mai à Kairouan pour protester contre le congrès d’Ansar al-charia, un rassemblement interdit par les autorités. Elle a été arrêtée après avoir peint sur un muret près d’un cimetière «Femen» puis placée en détention pour le port prohibé d’un aérosol lacrymogène sur la base d’un décret de 1894, selon ses avocats. Par ailleurs, les militantes de Femen, deux Françaises et une Allemande, arrêtées mercredi à Tunis après avoir manifesté sein nus pour la libération d’Amina devaient être fixées sur les suites judiciaires de leur action. «Actes démesurés» La page Facebook de Femen-France indique qu’elles ont été présentées au procureur et seront jugées sans préciser les charges retenues. Contacté par l’AFP, le ministère de la Justice n’était pas en mesure de confirmer ces informations, alors que l'«atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique» est passible de six mois de détention. Amina avait fait scandale en mars en publiant des photos d’elle seins nus à la manière des Femen, recevant notamment des menaces d’islamistes radicaux, selon son témoignage. Ses proches, sa mère en tête, la décrivent comme une dépressive chronique suicidaire. Avant le début de l’audience de jeudi, Mounir Sboui, le père d’Amina, s’est lui dit «fier» de sa fille pour son engagement tout en qualifiant ses actes de démesurés. «Je suis fier de ma fille, cette affaire est en train de se politiser de plus en plus. Elle commet des actes démesurés mais elle défend ses idées», a-t-il dit. La Tunisie, dirigée depuis la fin 2011 par un gouvernement dominé par les islamistes d’Ennahda, dispose de la législation la plus libérale du monde arabe concernant les droits des femmes mais l’égalité n’y est pas consacrée. L’opposition et les associations féministes militent pour l’inscription de l’égalité des sexes dans la Constitution en cours d’élaboration et accusent régulièrement Ennahda de remettre en cause les acquis des Tunisiennes. Ennahda avait fait scandale durant l’été 2012 en proposant que la future loi fondamentale évoque la «complémentarité» des sexes, un projet abandonné depuis. Dans le dernier brouillon du projet de Constitution, daté d’avril, l’article 6 stipule que «tous les citoyens et citoyennes ont les mêmes droits et devoirs». L’article 42 souligne que l’État protège «les droits de la femme et soutient ses acquis (...) garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme (...) et garantit l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard de la femme». Par ailleurs, le pays est confronté depuis la révolution de janvier 2011 à l’essor de la mouvance jihadiste responsable de plusieurs vagues de violences. |
|