Les
imams saoudiens rappellent, que l'esclavage et la possession
d'odalisques sont conformes aux préceptes de l'Islam »
Un
nouveau spartacus en Mauritanie...
Bayram
Ould Dah Ould Abeïd, c'est un nom qui ne vous dit probablement
rien, mais qui pourrait vous parler, et d'une voix assourdissante,
dans un proche avenir, parce qu'il est juste à côté. Bayram est
mauritanien, comme vous l'aurez deviné à son état civil, et il
dirige un mouvement d'émancipation des esclaves et descendants
d'esclaves (les Harratines). Ce mouvement, l'IRA (Initiative pour la
résurgence du mouvement abolitionniste) lutte pour l'éradication
de l'esclavage en Mauritanie.
Comme tout mouvement
contestataire et considéré comme minoritaire, mais porteur de
dangers potentiels, l'IRA est une organisation tolérée, mais
régulièrement réprimée. De l'exaspération de ne pas être
écoutés et d'être méprisés, au maximalisme il n'y a qu'un pas,
qu'il est tentant et aisé de franchir. À l'instar de toutes les
revendications, rejetées ou étouffées dans l'œuf par le pouvoir,
la contestation harratine s'est radicalisée, au point de s'attaquer
à des tabous religieux. Vendredi dernier, après la prière
collective qu'il a accomplie dans la banlieue de Nouakchott, comme
tout bon musulman, Bayram Ould Dah a organisé son premier autodafé(1) lors d'un meeting public.
Après s'en être pris
violemment à l'imam Malek qu'il a accusé d'être l'auteur de
fatwas et recommandations favorables à l'esclavage, il a brûlé un
ouvrage de l'un des quatre imams du sunnisme. L'orateur a également
ordonné à ses compagnons de brûler deux ou trois autres ouvrages,
dont celui du vénérable soufi Ibrahim Al-Dassouki(2), comme le
rapporte le quotidien londonien Al- Quds. L'activiste mauritanien a
qualifié les ouvrages contestés de «manuels de l'esclavage», il
les a accusés de «monopoliser la parole au nom de la religion,
d'humilier le genre humain, et de légitimer le commerce des êtres
humains».
Pour Bayram Ould Dah, ce sont les théologiens du
sunnisme qui ont encouragé «l'esclavagisme araboberbère » au
Maghreb, et principalement en Mauritanie. Ces théologiens ont
déformé, selon lui, les enseignements de l'Islam, message d'amour,
et tous leurs ouvrages attestent de cette œuvre de falsification.
C'est pour cela qu'il a promis que l'IRA ne s'en tiendrait pas là,
et qu'elle organiserait d'autres autodafés jusqu'à ce que s'impose
«un sunnisme authentique et mauritanien ». Dans la foulée, le
militant anti-esclavagiste s'est livré à une violente attaque
contre le gouvernement, qu'il accuse de collusion avec les castes et
les tribus pratiquant l'esclavage. Il a reproché notamment aux
autorités la diffusion par la radio locale d'un prêche saoudien
justifiant l'esclavage(3) et notamment l'acquisition d'esclaves
sexuelles (pudiquement appelées «djariates», ou odalisques, dans
la version ottomane améliorée).
Bien sûr, de tels actes
commis dans l'exaltation du particularisme harratine peuvent
paraître extrémistes aux musulmans frileux et craignant la colère
divine(4) que nous sommes. On pourrait même attribuer cette audace
à l'alliance contre nature nouée par l'IRA avec un courant
salafiste, comme l'affirment des personnalités mauritaniennes. Il
n'en demeure pas moins, cependant, que le «Spartacus» mauritanien
dénonce un état de fait réel, illustré par des révoltes
sporadiques. Ces manifestations, impliquant aussi le Sénégal
voisin, n'ont certes pas l'ampleur des révoltes «zindj»(5)
d'Irak, mais elles démontrent que la preuve par «Bilal» n'est pas
aussi audible que le voudraient nos bons «apôtres».
Nuançons
tout de même : si les islamistes maghrébins sont, en général,
des consommateurs aveugles de messages religieux venus d'Orient, il
leur arrive parfois d'en produire, et même d'en exporter. Nous
connaissons tous la fatwa farfelue «promulguée» il y a quelques
années par le cheikh Ferkous qui déclarait la «zalabia»
illicite. Du point de vue de l'originalité, susceptible de rimer
avec hilarité, on a également fait mieux depuis, et chez encore
nos voisins de l'Ouest. D'abord, on nous a sorti la fatwa autorisant
l'emploi de la carotte à des usages féminins autres que la
râpeuse.
Puis, dans la même veine, un «cheikh» marocain,
considéré comme un érudit en matière d'Islam, un certain
Zamzami, nous a balancé en 2011 à la figure la
fatwa du siècle, celle qui vous laisse raides. Considérant le
caractère sacré du mariage, le cheikh marocain a autorisé un veuf
de fraîche date à avoir des relations sexuelles avec sa défunte,
à condition que ce soit durant les premières heures de la mort. Du
coup, regard baissé, l'association mondiale des «ulémas» fondée
et dirigée par Karadhaoui, à laquelle appartient Zamzami, a fait
le mort,
si j'ose dire. Je parlais d'exportation, et ce n'était pas un vœu
pieux, puisque, selon Al-Ahram, les salafistes se seraient emparés
du sujet, et comptent le soumettre au Parlement pour en faire une
loi. Ce texte s'appellerait la «Copulation de l'adieu», et
permettrait aux maris éplorés de rendre un dernier hommage à
leurs regrettées épouses. Avant d'aller en quête d'une odalisque
ou d'une épouse légale.
Dans d'autres pays moins soumis au
carcan religieux, on aurait crié à la nécrophilie, mais en des
temps moins troublés, on se contente donc de le chuchoter, de
Londres à Berlin. Sans vous le murmurer : j'ai aimé cette réaction
d'un blogueur égyptien qui a écrit que décidément ce printemps
arabe, c'était surtout le «printemps des mâles et des taureaux ».
Par
Ahmed Halli
(1) Selon notre confrère de D.N.A, il y en a qui ont fait mieux
: dans une mosquée d'Alger, un binational, expulsé de France, a
déchiré son passeport français périmé, sous le regard énamouré
de l'indécrottable Ali Belhadj. Devinez quel est le pays européen
qui a accueilli et adopté le plus d'islamistes en 1991 ? (2)
Cette grande figure du soufisme égyptien et arabe du 13e siècle
est surtout connue pour son tombeau édifié à l'intérieur de la
mosquée qui porte son nom à Dassouk, au nord de l'Égypte.
Véritable objet de vénération et lieu de pèlerinage, la mosquée
Ibrahim Al-Dassouk est considérée comme l'un des six plus grands
édifices de ce genre au monde (classement établi avant l'érection
de la «Grande» d'Alger). (3) Régulièrement, des imams
saoudiens rappellent, en réponse à des interrogations nostalgiques
ou équivoques, que l'esclavage et la possession d'odalisques sont
conformes aux préceptes de l'Islam. Les fondamentalistes d'Égypte
ont même demandé que le droit d'avoir des servantes, vouées aux
amours ancillaires, soit inscrit dans la future Constitution. (4)
En réalité, il s'agit de la peur la plus vraie, la plus immédiate,
celle qu'inspirent les exaltés et les fanatiques, au service de
leur seule haine de l'humain, que ce soit pour des motifs religieux
ou politiques. (5) L'insurrection des esclaves noirs dans le sud
de l'Irak en 869 atteste que le geste de rachat et d'émancipation
de Bilal par Abou Bakr n'a pas eu valeur d'exemple, même sous le
règne soi-disant éclairé des Abbassides. A noter que le regretté
Djamal Edddine Bencheikh a consacré à cette révolte un roman Rose
noire sans parfum qui n'a pas eu le succès qu'il méritait.
Source :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/04/30/article.php?sid=133560&cid=8
Définitions
Spartacus
(n.prop.) : Lucanie
71 av. J.-C. chef de la révolte d'esclaves contre Rome. Berger
thrace, évadé d'une école de gladiateurs, il leva une armée mais
fut défait par Crassus et tué.
Autodafé
: Destruction par le feu d'un objet ( en particulier de livres
) que l'on désavoue, que l'on comdamne
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