Stéréotypes
et imaginaires sociaux en milieu haalpulaar
Classer, stigmatiser
et toiser
"Je
me rappelle, il y a plus d’une vingtaine d’années, un jour de
fête de tabaski (fête du mouton), l’esclave affranchi (cootiido,
du verbe sootaade : racheter sa liberté ou, pour employer le terme
exact, un gallunke) qui avait l’habitude d’égorger le mouton de
mon père était venu avec un retard conséquent. À la question de
savoir ce qu’il faisait tout ce temps, il répondit qu’il était
en train d’égorger son mouton. Ce qui était tout à fait
naturel. Et mon père, dans une réaction inopinée, lui rétorqua :
« Depuis quand égorges-tu ton mouton avant le mien ? » J’étais
là sans mots. Il m’était impossible d’intervenir dans cette
conversation « anodine » dans le milieu haalpulaar. Je signale que
son épouse est une descendante d’anciens esclaves de ma lignée
paternelle et que, lors de la promulgation de la loi de 1981
abolissant l’esclavage en Mauritanie, elle est venue réitérer à
mon père son statut et surtout son allégeance éternelle. Ma mère
a toujours utilisé ses services et mes sœurs ceux de ses filles.
Il y a plusieurs années, pour la première visite de l’épouse de
l’aîné de ma famille, beaucoup d’anciens esclaves supposés
appartenir à ma famille paternelle ont défilé dans notre
concession. À chaque fois que l’un d’eux saluait l’épouse
(je signale qu’elle est peule, mais étrangère à ma lignée), ma
mère lui disait : « Salmin o ko faggudu bammako jeyya », « Salue
ce monsieur, il fait partie des “acquisitions de son père”. »
Après avoir pris congé de cette séance de présentation
particulière, mon ami maabo me dit : « Ta mère se permet sans
gêne aucune de présenter ces messieurs en termes peu élogieux, et
les autres de répondre par un sourire qui traduit leur soumission.
» Et pourtant, dans leur concession, leur ancienne esclave et ses
descendants font toutes les corvées de la maison et sans repos : de
la cuisine au puisage de l’eau. Cette forme d’esclavage est
sournoise et subtile, mais elle permet d’apprécier à quel point
les statuts restent intériorisés et prégnants dans la
quotidienneté de la société haalpulaar."
Comme quoi,
TOUTES les composantes de notre pays pratiquaient l'esclavage.
Pourquoi, Dicko ne s'en prend il qu'aux maures?