En
exclusivité, l’appel de SOS Racisme
Depuis
plusieurs mois, nous avons pu assister à des assassinats de noirs
africains présentés comme des mercenaires. Ces atrocités
épouvantables ne renvoient pourtant pas à la seule situation de
guerre et ne sauraient, de ce fait, être considérées comme une
parenthèse qui se refermera d’elle-même. Par le passé déjà,
des massacres de noirs africains ont eu lieu en Libye. Il n’était
alors pourtant pas question de mercenaires.
En
septembre et octobre 2000, des pogroms contre les travailleurs
immigrants furent perpétrés en Libye et 130 à 500 Africains
sub-sahariens furent tués à Zawiya, lynchés dans des conditions
particulièrement atroces puisque certains d’entre eux furent
attachés et trainés derrière des voitures jusqu’à ce que mort
s’en suive. D’autres furent arrêtés à Tripoli et déportés
dans le désert. Pour fuir la persécution, des milliers de
travailleurs venus du Niger, du Mali, du Nigeria et du Ghana, du
Tchad et du Soudan, s’enfuirent vers le sud de la Libye. Nombreux
sont ceux qui furent arrêtés sur les routes du Sahara par le régime
de Kadhafi et transportés dans des camps militaires libyens et des
prisons à Janzoura, en banlieue de Tripoli, à Sabha, à Aghate où
ils furent maltraités. D’après certains observateurs refugiés en
France, beaucoup y seraient toujours injustement détenus.
Nous
ne pouvons accepter qu’une partie de la population du fait de sa
couleur de peau et de sa nationalité voie s’abattre sur elle la
violence des persécutions.
Le
Conseil National de Transition, nouvelle autorité légitime de la
Libye, a un devoir de protection vis-à-vis de toutes les personnes
qui évoluent sur son territoire, quel que soit leur statut.
Porteur
d’un espoir immense pour les Libyens comme pour tous les démocrates
engagés dans le Printemps arabe et leurs soutiens, il doit marquer
très clairement et sans délai une rupture radicale avec les
errements de l’ère funeste de Khadafi.
La
mise en place d’une démocratie ne peut s’enraciner sans la
pleine prise en considération des exigences d’un Etat de droit
respectueux de l’intégrité de chacun, en particulier des plus
fragiles car victimes de racisme et de xénophobie.
Le
monde entier est suspendu aux premiers choix du CNT, et ses premières
décisions, à la charge symbolique forte, doivent augurer les bases
d’un réel système démocratique.
Celui-ci
ne peut prendre corps et s’enraciner que par l’acceptation des
différences et la capacité à gérer la complexité des
populations, bien loin de la recherche effrénée d’un monolithisme
ethnique, religieux ou culturel que les dictatures du monde arabe
exploitèrent et façonnèrent pour offrir des « soupapes » de
sécurité à des régimes inaptes à permettre l’épanouissement
de ses citoyens sur les plans politique et social.
C’est
pourquoi, au-delà même de l’objectif humanitaire (qui
justifierait à lui seul notre déclaration), la volonté affichée
par le CNT d’assurer une transition vers une démocratie effective
ne peut aboutir sans faire entrer dans son agenda politique la
sauvegarde des groupes menacés et persécutés.
Nous
demandons solennellement à Moustapha Abdeljalil, président du CNT :
-
de condamner les actes de racisme et de violence qui se sont abattus
ces dernières semaines sur les populations noires vivant en Libye.
-
d’ouvrir les enquêtes visant à ce que justice soit rendue mais
également à montrer la détermination du pouvoir à protéger toute
personne présente sur le territoire libyen.
-
d’affirmer que la démocratie est indissociable de l’acceptation
d’une complexité et d’une hétérogénéité du corps social,
bien loin des sirènes de la pureté obsessionnelle sur laquelle les
totalitarismes prospèrent.
Signataires
:
Pouria
Amirshahi, secrétaire National aux Droits de l’Homme pour le Parti
Socialiste
Pierre
Aidenbaum, Maire du 3ème arrondissement, Commission Nationale des
Droits de l’Homme, Parti Socialiste
Corinne
Lepage, présidente de Cap21
Hugues Aufray, artiste
Dominique
Sopo, président de SOS Racisme
Diagne Chanel, artiste, Présidente
du Comité Soudan
Baki Youssoufou, président de la Confédération
Étudiante
Lama Atassi, présidente de France-Syrie
Démocratie
Bernard Schalscha, Secrétaire Général de
France-Syrie Démocratie
Jacky Mamou, président du collectif
Urgence Darfour
Caroline Fourest, essayiste et journaliste
Arache
Djannati-Atai, Move4Iran
Gilles Le Bail, Comité National des
Associations de Jeunesse et Éducation Populaire
Patrick Klugman,
conseiller de Paris
Serge Romana, président du CM98
Pierre
Henry (FTDA)
Alain
Jakubowicz (LICRA)
Benjamin Abtan, Secrétaire Général de
l’EGAM
Aline Kremer, chargée de communication pour SOS
Racisme
Jacques Martial, président de l’Établissement public
du parc et de la grande halle de la
Villette
Pierre
Bergé, entrepreneur en confection de luxe
Hervé Le bras,
démographe
Josiane Balasko, comédienne
Améziane Abdat,
président de Zy’va
Jonathan Hayoun, président de l’UEJF
Yves
Simon, écrivain
Jean-Pierre Azéma, historien
Diagne
Chanel