L'esclavage
politique en Mauritanie
Lexique
Abid
: Esclaves Abd
: Esclave Haratine :
Affranchis Hartani :
Affranchi
Haratine :
communauté ( esclaves et affranchis ) victime de l'escavage
maure haratine :
adjectif
haratine :
désigne une partie des Haratine, et non la totalité Arabe :
tribus hassan ( guerrières ) venues en Mauritanie par vagues
successives de la péninsule arabique. Très peu nombreux. arabe
: origine des Arabes de Mauritanine et revendiquée par les
Berbères.
Berbères
: tribus Sanhaja originaires de l' Afrique du Nord. Les premières à
cohabiter avec les ethnies noires de Mauritanie. Berbères :
Ils revendiquent une origine arabe. Et ce, par intérêt politique et
culturel ( Islam ). Ils sont les premiers bénéficiaires du
système politique mauritanien. Dans la communauté maure, les
Berbères constituent la majorité. Maures
: Arabes et Berbères réunis
L'esclavage
politique peut être défini comme l'utilisation des Esclaves et des
Haratine dans le domaine politique.
En
Mauritanie, les rapports entre communautés sont au cœur des enjeux
politiques.
La constitution mauritanienne ignore la communauté haratine. Elle ne
mentionne ni son existence, ni sa langue, ni sa culture.
L'article
6 de la constitution mauritanienne affirme: «les langues nationales
sont: L'arabe, le poular, le Soninké et le Wolof. La langue
officielle est l'arabe». A travers cette article, les Haratine sont
oubliés car la langue qu'ils parlent n'est pas citée dans cet
article. D'une
manière générale, très peu de Mauritaniens parle arabe. La
communauté arabo-berbère ( maure) parle le hassania. Le hassania
est une langue issue du mélange de l'arabe, du berbère et des
langues négro-africaines. Aux
termes de l'article 6 de la constitution, le hassania est assimilé à
l'arabe. Ce qui n'est pas exact. Le hassania n'est pas l'arabe. Si
tel était le cas, ceux qui parlent hassania comprendraient l'arabe.
Or, cela n'est pas vrai. Les
Haratine parlent le hassania comme les Maures et non l'arabe. La
constitution considère les Berbères et les Haratine comme des
Arabes. Ce qui est une contre-vérité historique, scientifique et
existentielle. Il convient ici de noter une différence de taille
entre les Berbères et les Haratine. Les premiers sont concepteurs et
bénéficiaires de l'esclavage, les seconds en sont victimes. Le
fait de considérer les Haratine et les Berbères comme des Arabes
relève d'une démarche idéologique. Une
analyse des termes de la constitution nous permet de dire qu'il
s'agit d'une volonté politique visant à assimiler les Haratine et
les Berbères aux Arabes en vue d'obtenir une majorité au nom de
laquelle on légitimerait la prise et l'exercice du pouvoir. Ainsi,
les tenants du pouvoir affirment que les Arabes représentent 80% de
la population mauritanienne. Ce pourcentage revendiqué ne peut
exister sans la comptabilisation des Haratine comme des Arabes.
Le recensement des Haratine est laissé à l'appréciation des
Maîtres ou Anciens maîtres d'esclaves. L'État n'a aucune volonté
de les recenser en tant qu'êtres indépendants auxquels seraient
attachés des droits de citoyens. Les intérêts des détenteurs du
pouvoir et de la féodalité se rejoignent. Les dirigeants du pays
sont issus de cette classe et sont eux-mêmes détenteurs d'esclaves.
Pour gouverner, ils s'appuient sur la féodalité comme clientèle
politique. Les
Maîtres d'esclaves recensent leurs esclaves ou haratine en fonction
de certains critères d'opportunité et de circonstances (
soumission, élections ...). Dans
les recensements de 1977 et 1988, le pourcentage des Haratine au sein
de la population mauritanienne est délibérément omis. Seules, des
statistiques françaises de 1964-1965 évaluent les Haratine et les
Abid à 45% de la population. Dans
les campagnes électorales, les candidats ne s'adressent pas au
Haratine et aux Esclaves mais à leurs Maîtres ou Anciens maîtres
pour obtenir leur voix. Les
Maîtres ou Anciens maîtres négocient avec les candidats les
avantages qu'ils peuvent obtenir ( nominations des membres de leur
famille à des postes, des avantages pécuniaires, des réalisations
d'infrastructures, etc.). C'est ainsi que l'on trouve en Mauritanie
des élus arrivés au pouvoir grâce à des votes haratine mais qui
s'opposent à leur affranchissement. C'était le cas du Sénat en
2007. Les Sénateurs ont rejeté en majorité la loi incriminant
l'esclavage.
La participation des Haratine aux campagnes électorales est
déterminante. Ce sont eux qui dressent les tentes pour abriter les
animateurs de campagne et les électeurs. Ce sont eux qui assurent le
thé, le méchoui, le tabala (tambour maure). Ils sont aussi
chauffeurs. Ils assurent les services liés à la campagne électorale
et son animation.
En
principe les élus sont redevables à leurs électeurs. Ils sont
leurs représentants et doivent défendre leurs intérêts. Or en
Mauritanie, les Haratine ne sont pas défendus par leurs élus. Cette
situation s'explique par le statut des Esclaves et des Haratine dans
la société traditionnelle maure. Les Esclaves et Anciens esclaves
ne sont pas considérés comme des êtres humains ayant des droits.
Dans la conception maure, tout ce qui appartient à l'Esclave
revient de droit au Maître. Pour ce qui est du Hartani, il continue
à être redevable de son Ancien maître. Malgré les textes
juridiques déjà adoptés qui, logiquement, font de l'Esclave ou du
Hartani des citoyens, ils continuent à être considérés comme des
sous-hommes, objets de leurs Maîtres ou Anciens maîtres. La
pratique continue à faire d'eux des esclaves.
En Mauritanie, avant même la publication des textes de 1981 et
suite, abolissant l'esclavage, la féodalité soutenue par le
pouvoir a toujours violé la loi islamique relative à
l'affranchissement. En droit musulman, un esclave affranchi (hartani)
devient l'égal de son ancien maître. Aucune obligation ne le lie
à celui-ci. Pourtant, l'affranchi demeure l'obligé de son Ancien
maître. Ce qui est contraire aux règles du droit musulman. Cette
situation perdure malgré la promulgation des textes condamnant les
pratiques esclavagistes. Ceci s'explique par l'utilité des Esclaves
sur laquelle repose la société maure . Celle-ci s'est édifiée
autour de l'exploitation des Esclaves et des Haratine.
Sur
le plan économique, les Esclaves et les Haratine sont la force
productive. Qu'il s'agisse de l'économie traditionnelle ou moderne,
ils sont au cœur de la production. Dans
l'économie traditionnelle, ils cultivent les palmeraies et champs,
gardent le bétail, conduisent les caravanes, creusent les puits,
font la cueillette, pratiquent l'extraction du sel, etc. Dans
l'économie moderne, ils travaillent pour les Maures dans leurs
magasins, boutiques, etc. Ils chargent et déchargent les
marchandises. Les propriétaires maures de sociétés ne paient pas
leurs esclaves qu'ils font travailler, etc. Ainsi, ils ne paient
guère ni les charges sociales, ni les salaires, etc. Dans une expression hassania, il est dit: «Z'ra idbëch mawkoul wou
melmoum». Ce qui veut dire «le mil contenu dans les bagages est
mangé et caché». Appliqué à ce cas, les Esclaves et les
Haratine constituent le grenier des Maures mais on masque leur rôle
déterminant dans la prospérité et la survie de la société maure
telle qu'elle a été toujours et demeure aujourd'hui. Ainsi, on
camoufle leur nombre, leur utilisation et leur utilité. Comme
en matière économique, les Haratine sont utilisés à des fins
politiques par l'Etat mauritanien et les Maures.
le
14/03/2011
Mohamed
Yahya ould Ciré Président
de A.H.M.E. Site
: www.haratine.com Email
: ahme@haratine.com
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