ARTICLE 516 :
Messaoud, Boidiel, Biram et la cause harratine
Dans un article publié récemment sur le site www.kassataya.com, Biram Ould Dah met courageusement le doigt sur un sujet trop souvent mis de côté : le rôle ambigu joué par certains leaders harratines. La sortie de Biram ould Dah nous invite à un travail d’introspection sur les plaies qui gangrènent notre lutte. Ce travail, il faut que nous le fassions loin des réactions enflammées et hâtives qui nourrissent la polémique inutile et nous font passer souvent à côté de l’essentiel. Il est incontestable que la vulgarisation de la lutte des harratines est d’abord le fruit de leur propre mobilisation. Ce travail s’est heurté à la résistance d’autres harratines qui ont jugé qu’ils devaient défendre les maitres plutôt que leurs frères qui luttent contre l’esclavage en Mauritanie. Certains comme Boidiel Ould Hoummeid ont longtemps cheminé dans les gouvernements contrôlés par les anciens maitres. Ces harratines ont pensé, parfois de bonne foi, qu’ils pouvaient secourir leurs frères de l’intérieur même de l’appareil. Il est connu qu’en effet certains d’entre eux, comme justement Boidiel Ould Hoummeid, ont parfois secouru des harratines. Mais ces interventions étaient très limitées à cause de leur caractère ponctuel et non structuré. C’était comme si on voulait soigner le cancer avec un comprimé d’aspirine. De leur position dans les structures de l’Etat, ils ont surtout combattu d’autres harratines qui se battaient pour éradiquer l’esclavage. Il est utile de rappeler que Boidiel Ould Hoummeid et Messadoud Ould Boulkheir ont longtemps été dans des camps adverses. En effet, l’actuel président de l’Assemblée Nationale a été un membre important du mouvement El Hor avant de devenir le leader emblématique de la lutte contre l’esclavage aux débuts des années 1990. Son apport à la lutte est incontestable. Toutefois, il est honnête de dire qu’aujourd’hui, Messaoud Ould Boulkheir a rejoint Boidiel ould Hoummeid dans la fréquentation des puissants contre les plus faibles. Et ils y côtoient un autre gros poisson, le ministre de l’intérieur Mohamed Ould Boilil dont les services protègent les esclavagistes et persécutent les militants abolitionnistes. Disons-le haut et fort avec Biram Ould Dah : Messaoud et Boidiel sont dans le camp de ceux qui s’opposent à l’émancipation des esclaves en Mauritanie. Comment ont-ils pu oublier les déclarations d’Ould Abdel Aziz disant que « n’est esclave que celui qui veut l’être » ? Il l’avait dit et répété sur Kassataya et tout le monde l’a entendu. Ce même Ould Abdel Aziz a toujours fait pression sur « sa » justice pour refuser de faire condamner les esclavagistes. Son régime persécute les militants antiesclavagistes et libère les bourreaux et les maitres. Comment un leader hartani ou tout simplement tout amoureux de la justice et de la liberté peut-il s’associer à un tel régime ? Aujourd’hui, heureusement, les mentalités changent petit-à-petit. La communauté harratine s’émancipe de plus en plus et prend conscience de ses droits. Plus personne ne pourra nous tromper. Messaoud Ould Boulkheir s’est fait doubler par une jeune catégorie de leaders plus déterminés et plus libres. Nous devons appuyer le travail de Biram Ould Dah tant qu’il maintient ses positions pour nous débarrasser définitivement de l’esclavage. Oui, comme en droit du commerce, il y a un fonds de commerce. Le fonds de commerce n’est rien d’autre que l’ensemble des biens meubles et immeubles. Dans notre cas, c’est le résultat de toutes les luttes antérieures menées contre l’esclavage. Il n’a rien à voir avec l’autre fonds de commerce tenu par ceux qui vendent le sang et la sueur de leurs frères pour se faire une position au soleil aux côtés des esclavagistes. Ce fonds de commerce nous devons le valoriser et le préserver. Si quelqu’un essaie de dilapider notre fonds de commerce, notre cause, le fruit de notre lutte, nous devons l’arrêter et prendre ce qui nous est dû ; même s’il s’agit d’un combattant qui fut respectable et vaillant avant de retourner sa veste.
Par Dr Brahim Ould Mbareck
Les haratine entre deux feux
La Mauritanie est aujourd'hui traversée par des courants divergents qui laissent croire que les mois et les années à venir vont nous réserver des changements considérables. Aujourd'hui, l'espoir est permis pour que le groupe le plus important puisse enfin prétendre à une place respectable. De tous temps, les haratines ont été instrumentalisés par leurs anciens maitres ; On ne peut d'ailleurs pas dire que cette ère est révolue. Il faut voir dans les tentatives des anciens dominants de garder les haratines dans le même groupe qu'eux une volonté de se servir de la masse numérique pour faire basculer la balance dans leur camp. De l'autre côté, les dirigeants haratines doivent faire attention à ne pas se faire récupérer par les certains negromauritaniens. On voit en effet ces derniers temps certains parmi eux essayer de se rapprocher de l'IRA et de la cause des haratines. On ne doit pas être dupes. Ce que cherchent ces personnes ce n'est pas ce que cherchent les haratines. Nous avons avant tout besoin de libération après des siècles d'esclavage. Ces gens se battent avant tout pour un partage entre eux et nos anciens maitres. Ce n’est pas vraiment gênant que chacun suive son objectif. Nos combats peuvent même se recouper en partie mais nous n'avons pas les mêmes objectifs. De plus, l'attitude de ces gens qui consiste à se réfugier à l'étranger et à vouloir se servir de notre présence sur le terrain est quand même ambiguë voire indécente. C'est comme si ils voulaient se servir de la cause des haratines comme du bâton qui les aide à taper sur leurs adversaires. A moins que ce ne soit une façon de se servir de nous comme un bouclier. Il ne peut en être ainsi. Ceux qui pensent qu'il faut une alliance avec la cause des haratines doivent dire ce qu'ils mettent dans la corbeille. Les haratines sont sur le terrain, organisent des manifestations, se mobilisent financièrement et matériellement, partent voir les victimes à chaque fois qu'un problème est soulevé. Ce n'est certes pas facile parce que nous rencontrons tous les jours des obstacles énormes. On nous bat, on nous empêche d’avoir de quoi nous nourrir, on nous tape au portefeuille, les pressions sont énormes… Mais si le but était de choisir la facilité on allait rester chez les maitres et nous contenter de manger contre le travail gratuit ! Il faut que ces gens jouent franc-jeu avec nous. Ils ne doivent pas vouloir nous instrumentaliser en nous infantilisant encore une fois. Nous n'avons pas cherché à nous libérer des chaines de nos maitres pour aller mettre nos cous dans la corde des autres. Dans ce qui se dessine actuellement il faut que chacun se positionne sincèrement et dise qui fait quoi ? Vous ne pouvez pas continuer à résider en occident et vouloir mener une lutte à distance. Nous avons besoin de votre présence sur le terrain si vraiment ce que vous dites est sincère. Mais si votre désir c'est de trouver en nous des gens qui vont mener votre combat par procuration je crois que nous n'allons pas pouvoir nous entendre. Les haratines, depuis la création de El Hor n'ont pas cherché à aller se cacher à l'étranger pour mener leur combat pour la liberté. Nous sommes restés à l'intérieur pour nous battre. Nous avons créé des syndicats, des associations, des OGNs des partis pour encadrer les masses. Et nos leaders, malgré leurs divergences mineures se mobilisent pour la même cause. C'est vrai que pour des raisons historiques les gens qui essaient de nous récupérer ont été obligés d'aller à l'étranger mais il faut qu’ils voient si c'est vraiment possible de continuer à se battre à des milliers de kilomètres de la Mauritanie. Cela me parait irréaliste. Ce qu'il faut savoir enfin, c’est que les haratines aujourd’hui ne sont pas comme les haratines d'hier. Ils sont instruits, sont de plus en plus conscients de leur condition et de la nécessité de se libérer de toute entrave. De toute entrave. Et dans le cadre de ce combat il vaut mieux que les choses soient claires : il n y aura pas de cadeau ni de sentimentalisme. Notre combat est inaliénable et nous ne ferons aucun compromis qui va nous éloigner de nos objectifs. Ceux qui veulent s'allier à notre combat doivent surmonter certains problèmes sociohistoriques à leur niveau. Il n'y a pas longtemps, certains nous accusaient d'être les bras armés des maures comme si les haratines étaient des écervelés sans ambition qui frappaient leurs frères noirs. Nous ne sommes pas les ennemis des noirs mais nous n’allons pas être leurs bêtes de somme. Deuxième obstacle aussi important, la bourgeoisie halpoular qui dirige les organisations noires est-elle disposée à accepter un partage équitable des responsabilités avec les haratines ? Il y a un travail important à faire pour changer les mentalités envers les haratines et cesser de les considérer comme un groupe qu'on peut récupérer et instrumentaliser facilement. Nous occupons le terrain et payons le prix fort par le sang et la sueur. Il ne sera pas question, le moment venu, de bazarder ça à vil prix. Brahim Ould Mbareck |
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