Affaire
des livres incinérés : Le juge se dessaisit, Biram et ses
compagnons retournent en prison
Le
procès de
Biram Ould Dah Ould Abeid et
de six autres membres de IRA
Mauritanie
s’est ouvert mercredi 27 juin au palais de justice de
Nouakchott. Biram
et ses compagnons ont été arrêtés il y a quelques mois suite a
l’incinération de livres du rite malékite jugés «
esclavagistes »
par l’IRA.
Birame
et ses compagnons étaient, entre autres, poursuivis pour «
Apostasie, atteinte à la sûreté de l’Etat, activité hors la
loi… »
Infraction pour lesquelles ils encouraient la peine capitale. A
l’ouverture du procès, la défense des militants de
IRA
s’attaque à la procédure de flagrant délit appliquée au sept
accusés. Pour la défense, la procédure de flagrance ne peut être
retenue.
«
Pour des infractions passibles de la condamnation a mort, il faut
nécessairement une instruction comme le prévoit l’article 71 du
Code de procédure pénale.Or, Birame
et les autres militants de l’IRA
se
sont vus appliqués une procédure de flagrant délit faisant
l’économie de l’instruction. »
Pas
de flagrance pour des faits passibles de la peine capitale
Après
des échanges entre la défense et le parquet, le juge assis demande
une levée de séance pour consultations. A la reprise de la séance,
coup de théâtre : le juge se dessaisit du dossier. Pourquoi : «
Si la procédure de flagrance est nulle, le mandat de dépôt rendu
contre Birame
et
les six autres militants de l’IRA,
est également nulle. » La
cour, ayant été irrégulièrement saisie, s’est donc dessaisie de
l’affaire. Toute l’enquête sera-t-elle reprise avec saisine d’un
juge d’instruction ? Les faits seront-ils requalifiés ?
Les
militants de IRA
n’ont pas été libérés. Ils ont retournés en prison. «
Nous considérons que Birame et les autres sont arbitrairement
détenus maintenant, ils doivent être libérés »
dit Me Bah
Ould Mbareck,
un de des avocats de la défense. L’affaire des livres du rite
Malékite incinérés par les militants de l’IRA
avaient soulevé indignations et manifestations à Nouakchott
et à l’intérieur du pays.
A la tête de ces manifestants
reçus devant les grilles du palais par le président de la
République, des Imams et chef religieux. Des manifestants qui
scandaient, par moment, «
Mort a IRA,
Mort à
Biram.»
Une exception. L’érudit Chekh
El Mehdi,
à contre courant de l’excitation générale, déclare « qu’en
incinérant le livres, Birame
n’a pas enfreint la charria. »
Il demande aussi sa libération.
Des ONG de défense des
droits de l’homme dénonce «
la récupération politicienne de l’affaire des livres et demandent
la libération de Birame et de ses compagnons.
Kane Hamidou Baba,
président du MPR,
parti politique de la majorité, a un moment de grande audience à la
télévision nationale demande « pour la cohésion et l’unité
nationale, la libération de Birame
et ses compagnons. »
Il va un peu plus loin en ajoutant «
ces livres pour nous ne sont pas sacrés. » Balla
Touré, Charge de Mission a l’IRA :
« Nous restons vigilants »
«Le
fait que la cour se soit dessaisi du dossier pour qualification non
conforme est un élément positif en soit mais cela ne nous divertira
pas et nous restons vigilants. Nous avons en mémoire que le Général
Mohamed
Ould Abdel Aziz
a déjà rendu le verdict en promettant aux manifestants venus aux
portes du palais présidentiel que "Biram
et ses amis seront sévèrement punis".
Comme si cela ne
suffisait pas, quelques jours plus tard, le Gouvernement en Conseil
des ministres a pris une résolution "de tout mettre en œuvre
pour que la punition qui sera affligée à Biram
et ses amis soit exemplaires". Malgré tout, nous sommes
sereins, nos amis sont innocents, s'ils ne sont relaxés à l'issue
du procès en vue, c'est que la justice se serait soumise aux ordres
de l'exécutif. »
Khalilou
diagana Source
:
Le
Quotidien de Nouakchott
Rapport
annuel de la CNDHز
«Transférer du
champ politique et polémique les allégations d’esclavage au champ
judiciaire… »
L’esclavage,
le passif humanitaire, le recours excessif à la détention
préventive, la garde à vue, l’univers carcéral, les libertés
individuelles et collectives, les mauritaniens détenus à
Guantanamo, le foncier, l’habitat précaire….le troisième
rapport annuel de la commission nationale mauritanienne des droits de
l’Homme (CNDH) qui s’étend de mars 2010 a mars 2011 touche
quasiment tous les domaine.
Sous le chapitre «
Situations des droits de l’Homme », il est fait d’abord la
remarque suivante : « Les avancées dans le domaine de la protection
et la promotion des droits de l’homme masquent les violations qui y
sont relatives et qui découlent de l’absence de moyens humains
financiers et matériels, doublée d’une certaine méconnaissance
des textes » Concernant l’esclavage, le Rapport note que la loi
de 2007 incriminant cette pratique n’a pas connu application. Une
non-application du, entre autres, « à la rétraction des victimes
avant la fin de l’instruction menée par les autorités
compétentes. » Cause de ces rétractions, « Le plus souvent,
les victimes, confrontées à l’étalage public et médiatisé de
la confrontation avec les esclavagistes présumés, séduites par des
propositions d’arrangements à l’amiable entre les parties et
soumises à plusieurs types de pressions exercées par le milieu
familial, tribal ou confessionnel, finissent par se dédire et
s’éloigner des ONG qui les ont accompagnées et aidées à porter
sur la place publique l’asservissement dont elles sont victimes. »
Pour mettre fin aux polémiques nées de la rétractions des présumés
victimes de l’esclavage, le Rapport propose « la voie de la
Justice qui, dans son indépendance, dira le droit en condamnant ou
en acquittant les accusés .Il convient donc, dans un but d’intérêt
général et par les vertus de la pédagogie de l’exemplarité de
la sanction, de transférer du champ politique et polémique les
allégations d’esclavage au champ judiciaire où les tribunaux ,
dans leur impartialité, appliqueront la loi et constitueront une
jurisprudence qui devrait réconcilier les différentes opinions sur
le sujet. » Concernant le traitement des cas pratiques « La
commission ,sur la base de ses propres investigations ou sur la base
d’information fiables et crédibles portées à sa connaissance par
les Organisations de la Société Civile, et sans préjuger de la
suite du traitement judiciaire de la plainte qui est parfois
introduite auprès des parquets, intervient pour que soit mise fin à
la violation des droits de l’homme, demande l’éloignement de la
présumée victime du lieu où seraient commises les allégations de
pratiques esclavagistes et requiert son installation dans une autre
ville tout en lui cherchant un appui auprès du PESE. » Parmi les
cinq cas traité en 2010 grâce à l’action combinée de la
Commission, du PESE et des ONG, celui d’une mère de sept enfants
dont le cas est devant les tribunaux. La CNDH a saisi le PESE et a
obtenu un financement d’une activité génératrice de revenus pour
un montant de 440.000 UM au profit de cette femme.
Sous le chapitre Passif
humanitaire, il est écrit « Le lancement du Processus de règlement
effectif du passif humanitaire peut être daté au 25 Mars 2009 à
Kaédi, jour de la reconnaissance formelle faite par le Président de
la République au nom de l’Etat mauritanien, des exactions subies
par la Communauté Négro-africaine au début des années 90 et
jour où il a participé à la prière dédiée aux absents. » Ces
actes, note le Rapport « pour tous ceux qui, victimes directes ou
ayants droit, désespéraient, vingt ans durant, de voir réparer le
préjudice enduré et/ ou de recouvrer leurs Droits, l’espoir est
revenu. » Bémol au sujet du règlement de ce passif humanitaire
« Prédomine actuellement, un constat de tassement du processus de
règlement du passif humanitaire, sentiment qu’il y’a lieu de
dissiper très rapidement en s’attaquant avec courage et lucidité
au parachèvement du processus. » Concernant l’appareil
judiciaire, le Rapport se fait écho des plaints des citoyens en ces
termes « Dans la pratique, les justiciables déplorent la lenteur de
l’appareil judiciaire, la non application des lois à portée
sociale, les difficultés procédurales pour y accéder, la non
opérationnalité de l’aide juridique pour les plus pauvres, l’abus
du recours à la détention préventive et la surpopulation des
prisons et centres de détention qui en résulte, le non respect des
délais de la garde à vue, la politisation et le clientélisme de
certaines décisions et la faiblesse de l’exécution des
décisions judiciaires.»
Khalilou Diagana
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